"L'hôpital tue ses internes" : un rassemblement à Paris pour dénoncer les conditions d'études en médecine

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Par , France Bleu, France Bleu Paris
Une quarantaine de personnes ont rendu hommage aux internes en médecine qui se sont suicidés. © AFP - Benoît Durand / Hans Lucas

Une quarantaine de personnes se sont rassemblées devant la ministère de la Santé ce samedi 17 avril pour rendre hommage aux cinq internes en médecine qui se sont suicidés depuis le début de l'année et dénoncer les conditions de travail.

Des fleurs et des blouses blanches devant le ministère de la Santé : ce samedi 17 avril, une quarantaine de personnes ont rendu hommage aux cinq internes en médecine qui se sont suicidés depuis le début de l'année, dénonçant une "situation grave et inquiétante" pour ces étudiants, aggravée par la crise sanitaire. La France compte un peu plus de 30.000 internes, c'est-à-dire élèves en 3ème cycle des études de médecine, (il débute 7 ans après le bac et dure de 3 à 6 ans), dans ses hôpitaux.

"Cinq internes ont été tués par l'hôpital depuis le début de l'année. Un tous les 18 jours, c'est du jamais vu", a dénoncé au micro Gaétan Casanova, président de l'Intersyndicale nationale des internes (Isni), qui avait organisé ce rassemblement. Derrière lui, devant une entrée du ministère, ont été disposées des pancartes noires portant leurs prénoms : Valentin, Tristan, Quentin, des XXX pour deux autres internes restés anonymes, et ceux d'Elise et Florian, décédés respectivement en 2019 et 2020.

Pendant de longues minutes, plusieurs dizaines de personnes, dont beaucoup d'étudiants en blouses blanches et des proches des défunts, ont ensuite déposé des fleurs avant qu'une large banderole indiquant "l'hôpital tue ses internes. Aidez-nous à vivre" soit déployée.

Surcharge de travail, pression des concours et épuisement

"Tous ont des situations différentes, des souffrances différentes, mais à chaque fois il y a quelque chose qui revient, c'est que l'hôpital et les études de médecine sont venus comme un déclencheur de cette souffrance par l'épuisement au travail, le harcèlement, la difficulté et la pression des concours", a déclaré Gaétan Casanova à l'AFP.

Valentin, décédé le 30 mars, "aimait trop la vie", a précisé son père. "Il avait des angoisses, il était dans un état dépressif sévère et souffrait d'épuisement physique et moral. Il ne s'en est jamais remis." 

Elle travaillait 80 heures par semaine.

Tous ces jeunes "n'ont jamais fêté leurs 30 ans. C'est un gâchis immense", a également témoigné Laurence Marbach, mère d'Elise, décédée à 24 ans. "Elle est morte d'épuisement professionnel. Elle travaillait 80 heures par semaine", a-t-elle dit à l'AFP. "Après ce drame, nous avons découvert l'horreur de la situation des étudiants en médecine et l'absence totale de dispositifs de prévention."

L'Isni, reçue jeudi avec d'autres représentants d'internes par le ministre de la Santé Olivier Véran, a réclamé la mise en place d'"un système d'évaluation objectif du temps de travail". "Le ministre doit comprendre l'urgence de la situation. La première chose à faire, c'est de respecter le droit en matière de temps de travail", a ajouté Gaétan Casanova, reçu samedi avec des familles par un conseiller d'Olivier Véran. 

Un maximum légal de 48 heures est fixé dans la loi mais, selon l'Isni, les internes effectuent en moyenne 58 heures hebdomadaires. Un chiffre qui date d'avant la crise sanitaire.

Selon une enquête réalisée en 2017 à l'initiative de l'Isni, 23,7% des internes avaient eu des idées suicidaires, 28% avaient souffert de troubles dépressifs, 66% de troubles anxieux. Depuis le début de l'année 2021, il y a eu "un suicide tous les 18 jours", note Gaétan Casanova. C'est trois fois plus que la population générale, selon l'Isni.