La chanson mise en forme de soi par Béatrice Mabilon Bonfils

La chanson et le parfum ont quelque chose en commun : ils affectent notre mémoire archaïque. Une odeur, même fugace, nous renvoie quasi-instantanément à une personne, un moment marqué par une émotion. Trois notes de musique et immédiatement, notre cœur se met à battre et dans les concerts le public reconnait le titre de la chanson et manifeste son plaisir. Je suis sûre que chaque auditeur peut citer une chanson qui l'émeut … 

Je suis une inconditionnelle du répertoire de Bernard Lavilliers et ma chanson-bonheur c’est sa chanson Salomé : en 1992, Lavilliers vient en concert à Thionville, en soutien aux mineurs, au moment de la crise de la sidérurgie. J’étais enceinte mais je dansais debout juste devant la scène.  Mais avec mon ventre rond, épuisée, j’ai dû m’assoir là juste devant la scène. Un vigile se précipite mais Lavilliers fait un petit geste au vigile et je peux peux rester assise à écouter ce qu’il chante « juste pour moi ».  Quelques minutes après, Lavilliers chante l’une de ses dernières chansons, « Salomé ». Ce sera  le prénom de mon bébé. La chanson est une invitation, une « œuvre ouverte » comme dit Umberto Eco pour celui qui l’écoute de façon active : la partition n’est pas figée, chacun la vit avec ses affects et ses émotions de manière originale. 

Pour vivre un we "chansons", on propose à ses proches de choisir une chanson, sa chanson-bonheur.  On écoute ensemble et on partage  ce qu’elle nous fait, pourquoi on l’aime, en quoi elle nous  affecte. Attention une chanson bonheur n‘est pas forcément gnangnan, ça peut être celle qui nous a aidé à dépasser une épreuve. 

Comme toujours être heureux, ça ne tombe pas du ciel, ça s’apprend. !

Pour en savoir plus sur cette aventure, lire "Bernard Lavilliers. Pour une sociologie politique de la chanson" aux Editions du Camion Blanc.