Bipolarité : que faire quand son enfant est concerné ?
À l’occasion de la journée mondiale des troubles bipolaires, Frédérique Le Teurnier s’intéresse aux enfants différents. Comment faire quand l’un d’eux est atteint de bipolarité ? Pour le savoir, elle reçoit une maman dont le fils a été diagnostiqué bipolaire à l'âge de 5 ans.
L’enfant bipolaire peut passer rapidement de l’état d’excitation, d’euphorie et d’activité, à celui de dépression, d’isolement et d’apathie ou de rage et de violence. Comme les changements d’humeur sont fréquents chez les enfants, la bipolarité est difficile à diagnostiquer dès le plus jeune âge. Devant les réactions disproportionnées de leur enfant, les parents sont souvent désemparés et peinent à trouver des solutions et des réponses auprès des professionnels de santé.
Pour en parler, Frédérique Le Teurnier reçoit Laëtitia Payen, maman de deux enfants, dont un, bipolaire, diagnostiqué à 5 ans. Elle est présidente de l’association Bicycle, qui aide les familles d’enfants et d’adolescents souffrant de troubles de l’humeur. Elle est également l’auteure du livre Mon enfant cyclone aux éditions Flammarion dans lequel elle raconte son expérience de mère qui s’est battue pour son fils.
"Les parents sont ceux qui connaissent le mieux leur enfant"
Invitée de C’est déjà demain, Laëtitia Payen raconte l’histoire qu’elle a vécu avec son fils qui a été diagnostiqué bipolaire à l’âge de 5 ans. « Au début, il pleurait beaucoup et dormait peu, mais il a eu pas mal de soucis de santé où il a dû être hospitalisé plusieurs fois, et même opéré. La nounou qui avait de l’expérience nous a dit qu’elle n’avait jamais vu cela. A deux ans, quand ses soucis de santé se sont calmés, les troubles du sommeil ont continué. Il avait une intolérance à la frustration qui entraînait des crises d’une intensité extrême qui pouvaient durer plus d’une heure », se souvient-elle. Cette situation a été à l’origine de beaucoup de souffrance et de questionnements. « On se demande ce qu’on a raté, on essaye différents styles éducatifs, mais avec lui rien n’avait de prise », complète-t-elle.
Face à cette situation, c’est tout l’équilibre familial qui est fragilisé : les relations avec la grande sœur, mais aussi les relations au sein du couple. L’amour que l’on peut porter à son enfant est même remis en question. « À un moment donné, on bascule, et on se dit qu’on va finir par ne plus l’aimer. Avec mon mari, on avait envisagé de divorcer pour avoir du répit une semaine sur deux », raconte Laëtitia Payen. Le regard des autres est également difficile à subir. Pour cette maman, il s’agit d’une double peine. A force de redouter l’arrivée d’une nouvelle crise, toute la vie de la famille se retrouve mise entre parenthèses : les sorties, les invitations chez des amis, les séjours chez les grands-parents deviennent impossibles. « Tout peut faire une étincelle, on a l’impression de marcher sur des œufs en permanence », déplore-t-elle.
Ce que je vis avec mon petit garçon est très compliqué. Il a 6 ans aujourd’hui et à l’âge de 9 mois, il a commencé à avoir des troubles du sommeil incontrôlables. Il a une force démesurée, j’ai commencé à avoir peur : il est capable de soulever des matelas et d’enlever des portes. - Emilie
C’est en parcourant Internet que Laëtitia Payen a pu mettre un nom sur le trouble qui affecte son fils : « Les parents sont ceux qui connaissent le mieux leur enfant, et ils doivent se faire confiance. Le mieux est de se renseigner sur les troubles du comportement et de regarder quelle est la progression ». Elle conseille également de ne pas s’arrêter au comportement, mais d’aller chercher l’émotion sous-jacente. Pour cela, il faut avoir la bonne grille de lecture. « Pendant ses crises, il se transformait physiquement, on ne le reconnaissait plus. Cela ne sert à rien de faire de l’éducation à ce moment-là. La zone qui pense et qui réfléchit dans le cerveau est noire à ce moment-là », explique-t-elle. Pour ne pas aggraver la crise, elle recommande de montrer à son enfant que l’on est présent et de limiter les stimuli en baissant les lumières et en éteignant la télévision.
À l’école, tout se passait bien, il était très calme et ne parlait pas. À la maison, c’était l’inverse, c’était l’ange et le démon. Les gens ne nous croyaient pas. - Véronique
Aujourd’hui, grâce au diagnostic de son trouble, le fils de Laëtitia Payen peut bénéficier d’un traitement. C’est un régulateur de l’humeur en baby dose qui permet de réduire la fréquence et l’intensité des troubles. « C’est une béquille. Le premier traitement, c’est de devenir expert de son trouble », reconnaît-elle. Le but est de pouvoir arrêter le traitement une fois qu’il sera devenu un jeune adulte et que toutes les conditions environnementales seront réunies.
Lors de son long parcours, Laëtitia Payen s’est rendu compte qu’il y a une grande réticence à traiter la santé mentale des enfants comme la santé physique. « Aujourd’hui, en France, pour poser un diagnostic chez l’enfant, on se base sur l’adulte, alors que les symptômes ne sont pas tout à fait les mêmes. Les médecins attendent une crise maniaque caractérisée, mais elle est très rare chez les moins de 15 ans. (..) Le risque en attendant, c’est que cela s’aggrave. Dans ce trouble, toute la famille est en souffrance », prévient-elle.