Le Tiers-Monde d'Alfred Sauvy, par Hélène Legrais

Il y a deux semaines, vous nous avez fait découvrir Elisabeth, la fascinante Titaÿna, aujourd’hui vous nous parlez d’un autre Sauvy, son frère cadet, Alfred ...

… A la carrière beaucoup moins flamboyante et aventureuse que sa sœur ! Les frasques de son aînée lui ont même fait de l’ombre. Comme elle, il est né à Villeneuve de la Raho, le 31 octobre 1898. Il fréquente le Collège de Perpignan, futur lycée Arago, avant de continuer ses études à Paris. C’est la guerre. Alfred est mobilisé à 19 ans, gazé à l’hypérite un an plus tard tandis que son père tombe au front. Le temps de se remettre, il intègre Polytechnique puis la Statistique Générale de France. Cette science n’en est qu’à ses débuts. Il se lie avec Tristan Bernard avec qui il partage la passion des mots croisés et joue au rugby, catalan oblige, avec Jacques Tati.  Adversaire de la semaine des 40h qu’il considère comme un « contre-sens économique », il conseille plusieurs ministres sous le Front Populaire puis le gouvernement Daladier. Sous Vichy, il publie « Richesse et population » où il plaide pour une politique nataliste et contre toute forme de protectionnisme corporatif ou syndical. A la Libération, il est à l'origine de la création de l'Institut National d’Etudes Démographiques (INED) dont il est le premier directeur de 1945 à 1962. Il entre deux ans plus tard au Conseil économique et social où il siégera jusqu'en 1974. Il est également professeur à Sciences Po et au Collège de France, docteur Honoris Causa de nombreuses universités.

Et c’est donc lui qui a inventé le terme de Tiers Monde ?

Il est le premier à l’utiliser dans un article paru dans L’Observateur en 1952. « Tiers monde », en référence au « Tiers Etat » dont Sieyes disait à l’aube de la Révolution française : « Qu’est-ce que le Tiers-État ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À y devenir quelque chose ». Formule qu’Alfred Sauvy adapte : « Ce tiers monde ignoré, exploité, méprisé comme le tiers état, veut, lui aussi, être quelque chose ». Il désavouera ce terme à la fin de sa vie car « il fait oublier la diversité croissante des cas. » Il s'inquiète du déséquilibre entre les évolutions démographiques de l'Afrique et de l'Europe. 

En économie, il a également formulé la théorie du « déversement » qui explique les migrations de la population active du secteur primaire, l’agriculture, vers le secondaire, l’industrie, puis le tertiaire. Autorité reconnue, il écrit encore très âgé dans les colonnes du journal Le Monde et du magazine économique L'Expansion. Il s’éteint la veille de son 92e anniversaire.

Créé en 1999, un prix portant son nom récompense une entreprise créative ayant son siège dans le département.