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Laurence Lacroix, professeure de philosophie à Orléans : la guerre en Ukraine et la question de l'hospitalité
L'association Philomania et le Cercil organisent ce mardi 22 mars à Orléans une conférence sur le thème de l'hospitalité : "Accueillir l'étranger ? De Levinas à Calais" par Laurence Lacroix, professeure de philosophie au lycée Voltaire à Orléans. Une conférence qui résonne avec l'actualité.
Laurence Lacroix est professeure agrégée de philosophie et enseigne au lycée Voltaire à Orléans. Elle propose ce mardi 22 mars une conférence sur le thème de "l'hospitalité" à 19h à la maison des lycéens du lycée Jean Zay, à l'initiative de l'association Philomania et du Cercil, le centre d'études et de recherches sur les camps d'internement du Loiret.
Cette conférence était prévue de longue date, mais elle prend une dimension particulière avec la guerre en Ukraine et ses millions de réfugiés. La question de notre hospitalité est posée par cette guerre ?
Ce qui est intéressant, c'est de voir à quel point cette guerre nous fait prendre conscience que l'hospitalité est véritablement quelque chose d'extrêmement important et qu'il faut accueillir les étrangers. Il y a un immense l'élan de solidarité qui, aujourd'hui, est en train de se mettre en place autour de l'accueil des Ukrainiens. Mais la difficulté, justement, c'est qu'il ne faut pas nous faire oublier que, en règle générale, nous avons beaucoup de mal à accueillir les étrangers et qu'on n'a pas nécessairement des lois et des juridictions qui sont aussi propices à l'accueil.
Il y a finalement deux hospitalité dans ce que vous dites : la nôtre, l'hospitalité individuelle qui voit dans ces très nombreuses initiatives personnelles. Et puis l'hospitalité plus politique, celle des Etats...
L'opposition que vous mettez en place me semble absolument fondamentale. C'est à dire qu'effectivement, il y a une hospitalité qu'on pourrait dire étatique et qui, justement, ne l'est peut être pas tant que ça. On a assisté dernièrement quand même à une volonté de fermeture des frontières extrêmement importante, pas simplement en Europe. Je crois qu'il faut bien voir que le problème migratoire, c'est un problème qui touche la planète dans son ensemble et donc qu'on a assisté ces dernières années à une recrudescence des murs, par exemple. Voilà une vraie logique de fermeture de frontières. Et à l'inverse, on remarque notamment au travers de cette crise ukrainienne, qu'on a affaire à une hospitalité privée. Qui elle, vraiment, se pense dans cette logique d'accueil, se pense dans une logique d'ouverture, dans une logique de solidarité des peuples, de souveraineté aussi des peuples, au sens où les peuples prennent en charge ce rapport à l'autre et cette souffrance.
Ca veut dire que pour vous, c'est le politique, qui place le curseur sur ce qu'on appelle l'acceptabilité de l'immigration et de l'étranger ?
Voilà, c'est le politique au travers du juridique et c'est une des raisons pour lesquelles, justement, toute demande d'asile n'est pas nécessairement acceptée. Donc, on rejette, on exclut, par les lois qui sont les nôtres. D'où aussi la possibilité pour un certain nombre d'individus, par exemple, d'être apatrides à l'heure d'aujourd'hui. Donc, je pense que le fait que nous soyons de plus en plus confrontés à des logiques migratoires importantes, c'est qu'il va falloir qu'on repense effectivement la manière par laquelle nous pensons la mobilité internationale.
Avec une question qui dérange : certains disent justement qu'on n'a pas la même hospitalité envers les Ukrainiens aujourd'hui qu'envers les Syriens, les Irakiens, les Afghans par le passé. Qu'est ce qu'elle dit de nous, cette hospitalité à géométrie variable ?
Elle dit justement, je crois, que le problème de l'hospitalité ou de l'accueil, de façon plus générale, n'a pas encore été véritablement posé. Et pensé, donc. Il implique, il me semble, le fait que si on veut penser l'accueil de tout le monde (et le problème, c'est qu'on y est confronté, parce que les logiques migratoires font que les gens bougent pour des raisons multiples et diverses et que les gens risquent de bouger de plus en plus à partir de ce moment là) on ne peut pas véritablement choisir ceux qu'on accepte d'accueillir et ceux qu'on n'acceptera pas d'accueillir. La logique migratoire demande de penser le droit qui est accordé en fait à chaque individu, en tant qu'humain, de pouvoir quitter un pays et le sien lorsque il est confronté à des logiques guerrières, à des logiques de guerre civile, mais aussi de plus en plus, il faudra y penser à des crises climatiques.