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Ces Français qui disent : "normalement, c'est interdit !"
Un tic de langage que les Allemands remarquent immédiatement !
Frank Gröninger est originaire de Mannheim (ville qui se trouve à seulement 1h30 à l'est de la Moselle).
Il vit en France depuis bientôt 30 ans et depuis toutes ces années, il a largement eu le temps de découvrir les nombreuses différences culturelles qui existent entre les deux pays.
Il vient d'écrire un livre sur le sujet, écrit en français (pour les Français) et en allemand (pour les Allemands), vendu des deux côtés de la frontière : "Douce Frankreich".
Comme tous les Allemands, il s'est rendu compte que les Français ont du mal avec les interdictions !
Il y a même un mot que les Français utilisent tout le temps et qui montre à quel point ils ne sont pas à l'aise avec tout ce qui est défendu.
Franck Gröninger l’a tout de suite repéré… et n’importe quel Allemand qui parle le français le remarquera tout de suite.
Extrait du livre "Douce Frankreich" :
La cafétéria de mon travail fut une véritable école pour moi, j’y ai appris l’importance du mot « petit ».
Tout est petit en France !
On se fait une p’tite bouffe ?
Elle a un p’tit copain.
On fait une p’tite pause ?
Tu me passes un p’tit coup de fil.
Sa p’tite a fait une p’tite crise.
Je ne m’étais pas vraiment rendu compte de l’utilisation de ce mot jusqu’au moment où j’ai écouté une conversation entre Monique, la dame de la cafétéria, une petite blonde un peu ronde qui semblait tout droit sortie d’un sketch de Muriel Robin, et Martine, la perle du service technique (« Dès qu’il y a un problème il faut appeler Martine, elle trouve une solution ») :
· - Bonjour Monique, tu me fais un p’tit Cappou ?
· - Un grand ou un p’tit ? Le suspense était à son comble. Allais-je enfin percer le mystère du mot « petit » ? Pour moi, Martine avait déjà donné la réponse, car elle avait demandé « un p’tit cappou » ?
Je fus secoué par la réponse :
· - Un grand, un grand, tu sais moi les cafés, j’en prends toujours des grands.
· - Ah oui c’est vrai ! Ça va sinon ? C’est tout ? Pas d’analyse sur « grand » ou « petit » ?
Le mot « petit » est donc une sorte de déculpabilisateur. On se fait «une petite pause» pour se justifier d’arrêter de travailler.
Le mot « petit » est une sorte de diminutif qui est utilisé pour rendre les phrases plus douces.
On se fait une p’tite bouffe ? Versus On se fait une bouffe ? – moins chic.
Elle a un p’tit copain. Versus elle a un copain – plus sérieux.
On fait une p’tite pause ? versus on se fait une pause ? – plus long.
Tu me passes un p’tit coup de fil. Versus Tu me passes un coup de fil. – plus directif.
Sa p’tite a fait une p’tite crise versus sa fille a fait une crise. Plus dramatique.
Il faut passer un petit moment en France pour comprendre cette subtilité.
Un autre mot aussi important est le mot « normalement ». Le sens de ce mot, je l’ai appris à la bibliothèque du travail.
J’avais pris mon « p’tit » café à la machine à café et montais à la bibliothèque. J’avais hâte de feuilleter les derniers journaux en buvant mon café.
Quand j’entrai, la bibliothécaire m’interpella :
- Normalement on n’a pas le droit d’entrer avec son café !
« Normalement », donc ça voulait dire qu’elle faisait une exception pour moi ?
Normalement non, mais moi oui ?
Et puis elle me disait « on », ça voulait dire « vous, oui » ?
Je répondis :
· - Donc je peux ?
· - Normalement non, répondit-elle.
Que faire ? Mon café avait refroidi, je le bus d’un coup puis je m’assis au bureau avec les journaux.
En France, on n’aime donc pas les interdits.
Une Allemande m’aurait dit : « Es ist verboten hier Kaffee zu trinken » / « Il est interdit de boire du café ici ! »
Ça a le mérite d’être clair.
Mais la bibliothécaire ne voulait pas être directive avec moi.
L’interdiction en France « ça passe mal » et appelle à rébellion, ça donne envie de faire quand-même, m’expliqua plus tard un ami français.
J’ai vite appris d’autres subtilités de la langue française. Il y a un tas de mots français empruntés à la langue enfantine qui se forment en dédoublant les syllabes. Là où l’allemand se limite à papa, mama et pipi on pourrait remplir tout un dictionnaire avec des mots qui existent en parallèle à la langue officielle française.
On ne dort pas, on fait un gros dodo. On n’a pas mal mais un bobo. Si on n’achète que des produits bio on est bobo. Un garçon a un zizi et fait pipi debout. Lui, l’informatique c’est son dada. Dédé et Gégé sont venues manger et qui a encore tout préparé ? C’est bibi. Tonton et tata sont partis en vacances avec leurs zozos de voisins, une nana, leur bébé et une nounou. C’est trop mimi leur lieu de vacances.
Dur, dur le français.