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La Provence insolite : le blue cinéma
Le cinéma coquin en Provence
Carré blanc !
Dès 1863, les photographes ayant besoin de lumière, Marseille fut la capitale secrète du nu et par la suite du cinématographe dit cochon. Cette indus¬trie trouvait des débouchés naturels vers les maisons spécia¬les du quartier réservé, et de là, les tenanciers formant une sorte de chaîne hôtelière, les films et photographies porno¬graphiques gagnaient l'Orient et l'Extrême-Orient.
A partir des années 1920, le cinématographe « réaliste» avec tableaux vivants s'intègre dans le folklore des « gran¬des maisons» de Marseille: Le Cytheria, Les Palmiers, Le New-House, Le Flamboyant, et la plus sélecte: Madame Coste (rue Venture), possèdent leur salle privée où il est même possible d'obtenir des privautés - sinon des prémi¬ces - dans le noir, pendant la séance...
On assiste aux projections entre amis, pour finir une soirée; même les dames bourgeoises qui aiment s'encanailler peuvent y venir sans danger... Les étrangers et les Anglais sevrés de libertinage qui débarquent par centaines des bateaux de la Peninsular and Oriental Steam Navigation, sont très friands de ce qu'ils appellent « the blue cinema ».
En ce temps-là, au seuil des années folles, les films présentés sont tournés en 9,5 mm, du type Pathé-Baby, et réalisés dans la campagne de la grande banlieue ou dans les calanques près de Cassis, la luminosité remarquable rem-plaçant la lumière des projecteurs. Le plus souvent les réalisateurs vont à l'économie, d'argent, d'imagination et de charme des « figurants ». Les meilleures productions parodiaient tant bien que mal les opéras, ou les romans populaires. Les séances étaient très courtes: les films, trois bobines de quinze mètres mises bout à bout, ne donnaient qu'un quart d'heure de projection.
Les « vedettes» étaient en costumes historiques mais le plus souvent en habits religieux, sœurs avec cornettes et moines pervers. A eux seuls, les titres laissaient comprendre quel en était le sujet: « Le diable au couvent », « Sœur Vaseline» (sic), « La récolte des olives », « Le coucher de la mariée », « La trompette d'Aïda », « Blanche verge et les sept mains » (resic), etc.
Pendant près de vingt ans, films et photogra¬phies « galants » seront pour l'Europe, voire le monde entier, une spécialité marseillaise... Pour échapper au contrôle, les films, non développés, voyageaient dans des emballages inattendus: cartons, boîtes de jambon, etc. Ainsi, au moindre contrôle par un non-initié, la pellicule se voilait dès l'ouverture du paquet et la preuve du délit disparaissait.
Texte de Jean-Pierre Casselly provence-insolite.org