Comment nos forêts s'adaptent-elle au changement climatique ?

Sécheresses, incendies, stress hydrique, nos forêts font face à de plus en plus de situations extrêmes pour lesquelles elles ne sont pas préparées. Faut-il aider la forêt ? Comment affronter ce défi majeur ? Alain Persuy, forestier, écologue, administrateur de Vienne Nature et de France Nature Environnement Nouvelle Aquitaine, défend à la fois le respect d'un éco-système fragile et la production forestière.

La forêt en France

En France continentale, la forêt représente 17 millions d'hectares. 70% de ces forêts sont privées, les 30% restants sont des forêts publiques. Ces chiffres sont stables depuis des années.
Le taux de boisement en France est de 25%, c'est-à-dire qu'il est au même niveau qu'à la fin du XVIIIème siècle. Ce chiffre avait considérablement baissé avec le développement de l'industrie qui avait besoin de bois comme énergie.
La grande faune sauvage (sangliers, cervidés, chevreuils) a un impact sur le développement des forêts. La disparition des prédateurs de cette faune pose la question de l'équilibre sylvo cynégétique. Cet équilibre rend la présence d'une faune sauvage compatible avec la régénération naturelle de la forêt.
Alain Persuy estime que le loup est un allier de la forêt, en régulant la grande faune sauvage qui en grand nombre fragilise la forêt, dans la mesure où il faut accompagner les éleveurs.

Comment renouveler une forêt ?

La question : faut-il renouveler la forêt ? est une question qui divise. Il faut, selon Alain Persuy, favoriser la régénération naturelle. La plantation doit être une exception. La question de l'espèce replantée est cruciale : des résineux, des feuillus ? Comment cette espèce va-t-elle s'intégrer dans la forêt ? Est-elle vraiment adaptée au sol et au changement climatique ?

L'arbre est une espèce vivante fragile et complexe. 

Les arbres "communiquent" entre eux à travers leur système racinaire et un réseau de champignons, ils libèrent aussi des substances volatiles dans l'air. Un champignon qui s'installe sur le système racinaire de deux arbres créé une connexion entre eux. 

Faire face au changement climatique

Face au changement climatique, les arbres réagissent de trois façons différentes :

• ils s'adaptent et s'hybrident sans intervention de l'homme,
• les arbres se déplacent (avec le pollen), c'est une migration sur un temps très long, qui n'est pas adaptée à la vitesse du réchauffement climatique,
• les arbres meurent.

Les arbres subissent de plus en plus le stress hydrique : ce sont des bulles d'air qui s'installent dans les conduits qui amènent la sève. Cela peut conduire à l'embolie et à la mort de l'arbre. La multiplication du stress hydrique, lié au manque d'eau, entraine une incapacité pour l'arbre à être résilient. C'est ce qu'on appelle la théorie du boxeur. 

Les grands défis pour la forêt

Dans le Poitou, 25% des chênes pédonculés présentent des signes de dépérissement.
Pour Alain Persuy, il y a deux façons de relever le défi du dérèglement climatique : respecter la forêt comme écosystème, ne pas la voir uniquement pour l'exploitation du bois et, quand cela s'impose, l'aider avec la migration assistée.
La migration assistée permet de préserver des espèces menacées en les replantant plus au nord. La migration est un phénomène naturel, mais la migration assistée permet d'accélérer le processus, car le changement climatique va beaucoup plus vite que le rythme des forêts.
Il faut aussi porter une attention particulière aux espèces invasives (comme le robinier faux acacia, originaire d'Amérique et importé en France par Jean Robin au début du XVIIème siècle) qui ont une grande capacité d'adaptation.

Bibliographie

• "Guide des arbres, arbustes de France", Alain Persuy (Ed. Belin, 2011)
• "La forêt naturelle", Alain Persuy (Ed. Belin, 2008) 
• "Nos forêts en danger", Alain-Claude Rameau (Ed. Atlande)
• "Sauvons les forêts, petit manuel de résistance citoyenne", Alain Persuy (Ed. Double Ponctuation) en librairie en janvier 2022.