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Une fouille en soutane au Pas-Estret
En Périgord, rares sont les cartes postales relatant de fouilles de l’âge de la « pierre polie » : le néolithique. Un cliché, édité par Pierre Daudrix, photographe à Sarlat, est par conséquent d’un grand intérêt, de l’avis d’Alain Beyneix...
« En Périgord, de très nombreuses cartes postales publiées avant la Grande Guerre témoignent des intenses activités de terrain menées sur les sites majeurs du Paléolithique et devenus souvent éponymes. Nous l’avons vu ces derniers jours, la chasse aux hommes fossiles et la redécouverte de l’art préhistorique drainaient alors savants, érudits et collectionneurs. » explique Alain Beyneix .
« Le Néolithique, par contre, suscitait fort peu d’attrait. Beaucoup moins fréquentes, par conséquent, sont les cartes postales qui relatent de fouilles ou de trouvailles de l’âge de la « pierre polie ». Un cliché édité par Pierre Daudrix, photographe à Sarlat, est par conséquent d’un grand intérêt à propos de la mise au jour d’une sépulture collective sous l’abri du Pas-Estret à Saint-André-d’Allas.
Le site surplombe de quelques mètres la route départementale 47 qui mène du bourg des Eyzies à Sarlat. Propriété du comte de Latour, l’abri fit l’objet d’une fouille en septembre 1911 qui visait la collecte de séries lithiques aurignaciennes. C’est au cours de ces investigations que le docteur Ampoulange et l’abbé Lassort, bientôt rejoint par Pierre Ampoulange, dégagèrent le pourtour d’une dépression oblongue, de 3,20 m de long et de 1,60 m de large, creusée dans le sol et le substrat rocheux (Ampoulange, 1953). Cette cuvette artificielle contenait les restes osseux bouleversés de huit sujets ainsi que le corps d’un neuvième individu bordé par de petites dalles posées sur chant. Ce dernier, mieux conservé, reposait apparemment sur le dos, les bras le long du thorax, les mains sur le bassin, les jambes repliées, les pieds ramenés vers le coccyx.
Il faut louer, pour l’époque, les techniques de recherche de terrain mises en œuvre. Un carroyage fut établi afin de relever et de reporter sur un plan la disposition précise des ossements, eux-mêmes numérotés au fur et à mesure de leur dégagement. De plus, des photographies immortalisèrent systématiquement les diverses avancées de la fouille. C’est d’autant plus admirable que la plupart des préhistoriens de ce temps œuvraient avec moins de minutie. Les fouilles se pratiquaient à la pelle et la pioche, parfois à la barre à mine, par le biais de tranchées à la verticale en progressant vers le front de taille. Le matériel archéologique était prélevé sans repérage spatial et encore n’étaient généralement conservées que les plus belles pièces.
Le mobilier recueilli au milieu des ossements comprenait une hache polie à méplats latéraux en silex, quatre défenses de sanglier sciées longitudinalement et perforées, un coquillage foré, quatre canines de renard percées, une pendeloque en os obtenue à partir d’un fragment de crâne ou d’omoplate et un poinçon confectionné sur un métapode de chevreuil.
La datation précise et l’attribution culturelle de cette tombe communautaire n’est guère aisée. Les sépultures en grotte ou sous abri relèvent d’une longue tradition observée tant dans les vallées de la Vézère (Abri du Squelette à Laugerie-Haute aux Eyzies), de la Dordogne (Grotte d’Eybral au Coux-et-Bigaroque) que de l’Isle (Grotte de Campniac, grotte des Barbilloux à Saint-Aquilin) depuis le Néolithique moyen jusqu’au Néolithique final et qui se perpétue même aux âges des métaux. La découverte du Pas-Estret est toutefois rattachable à un ensemble de sites funéraires en cavités naturelles, de la fin du Néolithique moyen (IVe millénaire avant J.-C.), recensés en Périgord et en Agenais tout proche. »
Alain Beyneix, « Préhistoire & archéologie. Regards en noir et blanc » , éditions Sutton, 210 pages.