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Des producteurs de fromages berrichons veulent rassurer sur la consommation de lait cru pour les enfants
Après la publication d'une directive du ministère de l'Agriculture en 2019, déconseillant la consommation de produits à base de lait cru aux enfants de moins de cinq ans, la Confédération paysanne de l'Indre veut, au contraire, mettre en lumière ses bénéfices et défendre la filière.

Manger du fromage de Valençay ou du Pouligny-Saint-Pierre est-il dangereux pour les enfants ? C'est la question que pose la Confédération paysanne dans l'Indre, en organisant une réunion publique à ce sujet jeudi 18 novembre à Buxières-d'Aillac. Au coeur du débat : cette instruction des autorités sanitaires qui déconseille la consommation de lait cru ou de fromages à base de lait cru pour les enfants de moins de 5 ans.
Le ministère de l'Agriculture recommande aux population fragiles (jeunes enfants, femmes enceintes, personnes immunodéprimées) de ne pas consommer ces produits (sauf les fromages à pâte pressée cuite, comme le comté, le beaufort, le gruyère, l'emmental) en raison du risque d'infection bactérienne. "Si ces contaminations peuvent n'avoir qu'un faible impact sur des adultes en bonne santé, elles peuvent, en revanche, provoquer des troubles sérieux, voire conduire au décès, pour des personnes sensibles", indique le ministère. Contrairement au lait pasteurisé ou UHT qu'on a l'habitude d'acheter, le lait cru n'a subi aucune modification et doit être consommé très rapidement (il n'est ni pasteurisé, ni stérilisé, ni microfiltré)
Quatre fromages AOP à base de lait cru dans l'Indre
Cette directive date de 2019 et elle a un impact sur la production des agriculteurs berrichons. En effet, dans l'Indre on produit quatre fromages AOP à base de lait cru (Valençay, Pouligny-Saint-Pierre, Selles-sur-Cher et Sainte-Maure-de-Touraine). Cette instruction leur impose d'ajouter cette mention sur leurs produits et l'État incite les collectivités et les cantines scolaires à bannir ces produits.
Les éleveurs berrichons veulent donc dire que la consommation de produits à base de lait cru peut aussi avoir de nombreux bienfaits. "Collectivement, on fait tout un travail sur l'éducation à l'alimentation, en faisant la promotion des produits locaux dans les cantines, explique Laurent Moreau, producteur de Pouligny-Saint-Pierre à Fontgombault, membre de la Confédération paysanne. Selon lui, cette instruction "est venue arrêter cette dynamique là, c'est très dommage".
"On est des fervents défenseurs du lait cru, puisqu'on en produit et que ça nous fait vivre, poursuit-il. On pense aussi que c'est bon pour la santé, que c'est une culture, et que de balayer ce type de culture d'un revers de la main comme ça sans trop de fondement scientifique, ça nous pose question".
Une réunion publique pour répondre aux questions
C'est pour répondre aux interrogations que le syndicat agricole a organisé une conférence et une réunion publique ce jeudi à Buxières-d'Aillac. Dominique Angèle Vuitton, professeure d'immunologie émérite à l'université Bourgogne-Franche-Comté, est venue échanger avec les curieux sur le sujet. "On voit que la consommation de lait cru a un effet protecteur contre les otites, rhino-pharyngites et autres bronchites chez les bébés dans les 18 premiers mois de la vie. On a montré ça", explique-t-elle.
Pendant près de 20 ans, elle a participé à l'étude PASTURE, menée dans plusieurs pays européens. "On a suivi 1.000 enfants en milieu rural depuis avant leur naissance, et jusqu'à maintenant, donc depuis près de 20 ans, détaille la scientifique. La moitié de ces enfants sont nés et vivent à la ferme d'élevage, et donc consomment des produits de la ferme à base de lait cru. L'autre moitié ne vit pas à la ferme et n'a pas le même mode de vie". Le contact avec les animaux de la ferme fait aussi partie des éléments qui protègent contre les allergies, selon les résultats de cette étude. Selon elle, un enfant ferait une forme grave de contamination à la bactérie E.coli tous les 5 ans en France.
On est des fervents défenseurs du lait cru, puisqu'on en produit et que ça nous fait vivre
Plusieurs agriculteurs berrichons sont venus s'informer lors de cette réunion, inquiets par les conséquences de la directive du ministère de l'Agriculture. "J'ai deux enfants, un gars et une fille, qui ont été élevés au lait cru, raconte Thomas, producteur de fromages AOP Valençay à Tendu. Ma femme mangeait des fromages au lait cru quand elle était enceinte, et il n'y a jamais eu de souci de santé".
Il s'interroge : "À force d'aseptiser tout ce qu'on donne à manger aux humains, à un moment ou à un autre, il va y avoir un gros problème sanitaire". Pour défendre leur filière locale face à la production industrielle, les producteurs de fromages berrichons cherchent donc des arguments pour rassurer les consommateurs.