En agriculture, "on est plus heureux quand on est bio" affirme ce céréalier de l'Yonne
Comment les agriculteurs s'adaptent-ils aux aléas climatiques ? On en parle avec Thomas Guibelain, céréalier en conversion bio à Lainsecq, en Puisaye. Il répond aux questions d'Isabelle Rose.
Vous avez repris récemment l'exploitation de 85 hectares de votre oncle. Qu'est ce qui vous a incité à sauter le pas, vous qui n'étiez pas agriculteur auparavant ?
C'était un rêve d'enfant. J'ai toujours voulu faire ça. Et puis, de voir les changements dans l'environnement et dans le monde agricole, a m'a décidé à faire quelque chose, à revenir et me lancer dans la chose.
C'est pourquoi vous avez choisi aussi de développer des circuits courts, de travailler et de faire du bio ?
Oui en partie, moi j'étais très sensible à leur environnement depuis le début et, pour moi, le bio, c'était une évidence ! Notamment par rapport au changement climatique et pour la biodiversité. Je pense qu'on est plus heureux quand on est bio. [Il sourit]
"Il y a un changement à long terme qu'on observe mais qu'on a du mal à faire dans le monde agricole, puisqu'il y a beaucoup de traditions" - Thomas Guibelain, céréalier en conversion bio à Lainsecq
À propos du réchauffement climatique, chez nous, on connaît des sécheresses de plus en plus importantes. Est-ce à dire que les cultures vont ou sont en train de changer et que les agriculteurs doivent s'adapter ?
L'adaptation est obligatoire dans le monde agricole ! On est obligés de s'adapter. Tous les ans, la météo change, on est obligés de changer nos pratiques. Il y a un changement à long terme qu'on observe mais qu'on a du mal à faire dans le monde agricole, puisqu'il y a beaucoup de traditions. Du fait de ces changements de météo qu'on a tous les ans, on est peut être amenés à minimiser l'impact du changement, mais il est réel !
On observe, qu'effectivement, il y a des cultures qu'on n'avait pas dans l'Yonne, il y a vingt ou trente ans, et qui commencent à bien s'implanter en France. On pense au blé dur que certains font, au tournesol qui a le vent en poupe et qui marche très, très bien avec les étés qui sont plus ensoleillés, plus chauds. Il y a un changement, c'est une lame de fond, ça se fait très lentement, mais ça vient. C'est clair que le monde agricole s'adapte. Moi je suis céréalier, il y a des changements au niveau des céréales. Mais les éleveurs sont encore plus impactés et, avec les sécheresses, il y a des gros problèmes qui arrivent !
La sécheresse impacte aussi les prairies et donc la production de fourrage pour les bêtes. Là aussi, il y a des solutions à trouver. Certains départements adaptent ce qu'on appelle des retenues collinaires pour stocker les eaux de ruissellement. Est-ce possible chez nous ?
Localement, ce n'est pas possible partout et ça peut être une réponse d'adaptation. On peut imaginer qu'effectivement, une irrigation peut apporter ponctuellement une solution. Mais ça va être difficile de faire des retenues collinaires partout. On est sur des volumes qui ne sont pas comparables à ce que la nature peut nous apporter par les précipitations.
"La neutralité carbone est possible, surtout pour les éleveurs" - Thomas Guibelain, céréalier en conversion bio à Lainsecq
Est-ce qu'on peut imaginer à terme, une exploitation agricole comme la vôtre, par exemple, qui se rapproche du zéro carbone ?
Oui, j'ai fait ma petite enquête. Apparemment ce sont les éleveurs qui sont les plus proches de la neutralité carbone, du simple fait que les pâturages stockent beaucoup de CO2. Il y a eu des études qui ont été faites quand les éleveurs ont été beaucoup stigmatisés par rapport justement à l'impact carbone de la viande et de l'élevage. Il y a des éleveurs qui sont des déjà neutres en carbone du fait qu'ils ont des prairies permanentes et qui stockent énormément de CO2.
Les céréaliers peuvent être neutres aussi. Il y a plusieurs moyens : stocker le carbone, planter des arbres, faire de l'agroforesterie, réintroduire des prairies, même temporaires, sur l'exploitation dans les rotations des cultures qui leur permet de CO2. Et on peut faire des couverts en interculture, qui vont générer de la biomasse qui, elle, va stocker du carbone.