EN IMAGES - Mobilisation historique des agriculteurs en colère à Clermont-Ferrand
Ce jeudi, des centaines de tracteurs et des milliers d'agriculteurs du Massif central ont convergé à Clermont-Ferrand pour une manifestation. Ils dénoncent la loi Egalim et le projet de réforme de la Politique agricole commune. Des incidents ont émaillé la fin du rassemblement.
La FRSEA et les Jeunes agriculteurs avaient promis une action marquante ce jeudi à Clermont-Ferrand, ils ont tenu parole. C'est l'ensemble du monde agricole du Massif central qui s'est donné rendez-vous pour afficher sa "colère" et son "désespoir" face à la loi sur la maitrise des prix, la loi Egalim, et le projet de réforme de la Politique agricole commune. Selon les représentants syndicaux, 22 départements étaient représentés place de Jaude, 4.000 manifestants selon notre reporter sur place et des centaines de tracteurs sur la place mais aussi dans les rues adjacentes. Les 60 millions d'euros d'aides d'urgence annoncés par Jean Castex début mars dans la Creuse n'ont pas apaisé les agriculteurs.
Du fumier sur les marches de la préfecture du Puy-de-Dôme
A peine arrivés dans le centre de Clermont-Ferrand, des agriculteurs ont déversé du fumier sur les marches de la préfecture du Puy-de-Dôme, action symbolique pour réclamer à l'Etat de prendre la mesure de "la souffrance du monde paysan". Outre le covoiturage, des agriculteurs sont venus en bus de l'Aveyron, du Gard, de la Corrèze, de la Creuse et du Cantal. Les images de tracteurs sur les autoroutes A71 et A75, tôt ce jeudi, ont marqué cette journée. Des délégués départementaux et régionaux des syndicats agricoles ont rencontré en visioconférence le préfet en début d'après-midi.
Des incidents en fin de rassemblement
Des incidents sont intervenus la fin du rassemblement, avec des affrontements entre gendarmes mobiles et quelques manifestants. Les forces de l'ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Ce groupuscule de manifestants estime que "leurs syndicats agricoles sont vendus au gouvernement".
"Ne gâchons pas tout" ont lancé des organisateurs en demandant la dispersion du rassemblement. Appel entendu. Un rendez-vous au ministère de l'Agriculture est programmé. Le calme est revenu au bout d'une heure.
La place de Jaude et les abords de la préfecture ont été nettoyés dans la soirée par les services de la ville de Clermont. Les employés municipaux ont même eu droit à des repas offerts par trois restaurants voisins ouverts pour du click & collect.
La loi Egalim et la PAC dans le collimateur des manifestants
La loi Egalim est un échec - Michelle Boudoin, la présidente de la fédération nationale ovine
"Les coûts de production ne sont pas rémunérés et donc le travail des agriculteurs ne l'est pas non plus" explique Michelle Boudouin. La présidente de la fédération nationale ovine, elle-même éleveuse dans le Puy-de-Dôme, dénonce également le projet de réforme de la Politique agricole commune qui sera "pénalisante pour les éleveurs". "Nous demandons une juste valeur de nos produits et une PAC équilibrée" conclut-elle.
Quel est le projet de réforme de la PAC ?
Ce jeudi est une journée nationale d'action, notamment des éleveurs bovins français qui défendent le maintien de leurs subventions européennes, alors que le gouvernement français envisage d'en redéployer une partie au profit des producteurs de protéines végétales. Cette réforme de la politique agricole commune doit entrer en vigueur en 2023. La France est le premier bénéficiaire des subventions européennes à l'agriculture, plus de neuf milliards d'euros par an, dont un milliard d'aides dites "couplées", c'est-à-dire liées à la production de certains végétaux ou de certains animaux pour lesquels un soutien spécifique est jugé nécessaire. Aujourd'hui, plus de 80% des aides couplées bénéficient à l'élevage. Mais cette proportion pourrait diminuer de 16,5%. Le ministère de l'Agriculture suggère de doubler les aides aux productions végétales (légumineuses, soja notamment).
La France est le premier bénéficiaire des subventions européennes à l'agriculture
Le ministère envisage aussi de revoir les modalités de calcul de ces subventions, en fusionnant les enveloppes destinées aux vaches laitières et vaches allaitantes (races à viande type Charolaise, Limousine, Salers...). Un coup de grâce selon la Fédération nationale bovine (FNB), branche spécialisée de la FNSEA qui précise qu'un éleveur a gagné en moyenne 8.000 euros en 2020, soit moins de 700 euros par mois.
Les images fortes de cette journée
Les Jeunes agriculteurs de la Corrèze étaient présents à Clermont-Ferrand. Sur les tracteurs, une affiche et le visage de Jacques Chirac avec ce slogan : "Lui nous soutenait".
Les manifestants à pied sont arrivés comme prévu vers midi place de Jaude.
La place de Jaude envahie de tracteurs, des centaines sur la place et dans les rues voisines. Les syndicats assurent avoir atteint leur objectif de 500 tracteurs dans le centre de Clermont-Ferrand.
Plus de dix ans que Clermont-Ferrand n'avait pas vu un tel rassemblement agricole
Des agriculteurs ont fait 150 kilomètres, voir même 200 kilomètres pour venir manifester ce jeudi à Clermont-Ferrand, "qui plus est, il y a beaucoup de travail dans les exploitations" précise le président de la FRSEA Auvergne-Rhône-Alpes. Pour Patrick Bénézit, "c'est la preuve du malaise qui touche le monde agricole".
Parmi les manifestants ce jeudi à Clermont, des creusois dont le président de la FDSEA Christian Arvis. Il était l'invité de France Bleu Creuse ce jeudi matin. Selon lui, la future politique agricole commune de l'Union européenne risque de faire perdre 40 à 50% de leurs aides couplées aux éleveurs. "On veut juste vivre de notre travail" disent les éleveurs.
La dernière mobilisation d'envergure des agriculteurs à Clermont-Ferrand remonte à octobre 2019. Ils avaient dénoncé l'agri-bashing, des prix trop bas, et les accords de libre-échange. A l'époque, 200 tracteurs s'étaient retrouvés place de Jaude.