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VIDÉO - En montagne avec les aspirants guides de l’École Nationale de Ski et d'Alpinisme
Alors que débute la saison d’alpinisme dans les hauts-massifs, nous avons suivi des guides de haute-montagne dans leurs tous derniers jours de formation à l’École nationale de ski et d’alpinisme (ENSA), à Chamonix. Ces jeunes "aspirants guides" ont depuis obtenu le précieux diplôme !

↓ Découvrez tous les détails du reportage en immersion en parcourant le récit sous la vidéo.
La neige commence à tomber en petits flocons sur le beau granit rouge du massif du Mont-Blanc. Penché au-dessus du vide, Benjamin Brochard conseille Franck, son client, aux prises avec un passage difficile : « Essaie de monter ta main droite plus haut dans la fissure ! ». Les deux hommes ne sont plus qu’à une longueur de corde du sommet de la pointe Adolphe Rey, à 3535 mètres d’altitude. Bientôt, ils en auront fini avec la voie d’escalade ouverte en 1935 par l’alpiniste italien Giusto Gervasutti, un itinéraire classé « très difficile ».
Quelques vieux coins de bois gris enfoncés dans les larges fissures témoignent encore aujourd’hui du passage des premiers hommes. Plus bas, deux autres cordées de l’École Nationale de Ski et d'Alpinisme suivent le même itinéraire. On est en plein examen du diplôme de guide de haute-montagne! Benjamin Brochard, originaire de Guillestre dans les Hautes-Alpes, a été « piqué » très jeune par le virus de la haute-montagne. Cela fait trois ans qu'il prépare le Brevet d’État de guide, sans compter les années passées à parfaire sa technique alpine, en glace comme en rocher. La paroi devient soudain moins raide et l’on aperçoit le sommet.
Du haut de ce promontoire, on peut admirer la Vallée Blanche à droite, le mont Blanc à gauche. Des nuages noirs accrochent les sommets au loin. De temps en temps, le soleil parvient à se frayer un chemin, laissant éclater des couleurs dignes d’un tableau de Joseph Turner. « C’est magnifique… On est mieux là qu’en prison quand même ! », sourit Benjamin Brochard. Franck, le client, se hisse sur l’arête, félicité par son guide.
Quelques photos du sommet, et déjà il faut entamer la descente en rappel. Le regard plonge 250 mètres plus bas, comme happé par les mâchoires blanches des crevasses de la Combe Maudite. « On reste bien vigilants », prévient le guide avant de se laisser glisser le long de la corde. Il ne faut pas trainer : une fois sur le glacier il faudra rejoindre au pas de course la pointe Helbronner pour prendre la dernière benne du téléphérique « Skyway Monte Bianco », et rejoindre Courmayeur, en Italie. L’heure tourne et il n’est pas question de passer la nuit ici.
En cet fin d’été 2015, ils sont une cinquantaine à passer l’examen final de l’ENSA. Pendant une semaine, ces aspirants guides emmènent en montagne des faux clients, des « cobayes » comme Franck, sous le regard attentif des professeurs de l’école. « C’est une semaine qui est cruciale pour nous et pour eux », prévient Philippe Collet, prof depuis 15 ans à l’ENSA. « On est en conditions réelles, en tout cas dans les conditions les plus proches possible du métier et de ce qu’ils auront à faire tout au long de leur carrière ». L’enseignant marque donc ses stagiaires à la culotte pour s’assurer qu’ils ont les qualités requises pour exercer ce métier. À commencer par la capacité à assurer leur propre sécurité et celle de leurs clients. Sur le terrain, les aspirants guides doivent peser chacune de leurs décisions… Mais il en faut davantage: « Un bon guide n’est pas forcément un alpiniste de haut-niveau, analyse Philipe Collet, mais quelqu’un qui a le souci de son client, le souci de l’Autre d’abord. Il faut avoir envie d’être généreux, de donner, avoir envie de faire découvrir. Il faut avoir la flamme! »
Cette flamme brille très certainement derrière les lunettes de soleil de Maël Baguet. Cela fait huit ans qu’il veut devenir guide et qu’il s’y prépare. « Le plus dur ? C’est de rentrer à l’ENSA ! » tranche-t-il. « Oui le plus dur c’est l’examen probatoire : le ski l’escalade, la cascade de glace, la marche sur glacier… il faut être prêt dans toutes ces disciplines en même temps ». Maël Baguet s’interrompt pour donner des conseils à Marianne, une cobaye, en difficulté sur le rocher mouillé des Aiguilles Rouges au-dessus de Chamonix : « Décale un peu tes mains à gauche, tu peux le faire » lance-t-il en tenant fermement la corde. Le Grenoblois reste lucide : « on doit tout mettre en œuvre pour limiter au maximum les risques. On réduit le risque, mais on ne peut pas le supprimer… ni l’occulter. » Et le risque, il connait, lui qui pratique par ailleurs le Wingsuit à haut-niveau.
Dans son bureau de l’ENSA à Chamonix, Alexis Mallon, responsable de la formation des guides pendant 8 ans (jusqu’en février dernier), résume : « un guide de haute-montagne est un professionnel qui, par ordre de priorité, ramène son client dans la vallée vivant, qui ensuite le fidélise, et qui, après, essaie de passer par le sommet. » Certes, le métier attire des jeunes passionnés de montagne qui rêvent d’y passer le plus clair de leur temps.
Mais il y a un revers à la médaille de guide: tous les 10 ans, l’équivalent d’une promotion de l’ENSA meurt de manière accidentelle. Car en montagne, les pièges sont nombreux: avalanches, chutes en crevasse, dévissages, chutes de pierres, etc. « On sensibilise les jeunes au fait que ce métier est dangereux, explique Alexis Mallon, parce que la montagne est dangereuse, et parce que c’est un métier de passion: on a tendance à y retourner très souvent parce que c’est beau. »
Les accidents sont donc analysés pour faire prendre conscience aux stagiaires qu’ils « peuvent être, à chaque fois qu’ils sortent confrontés à la mort, à la blessure, au handicap ». Mais alors, dans une société où le principe de précaution prévaut dans bon nombre de de domaines, pourquoi s’exposer au danger ? « La vie est si intense quand on passe du temps en montagne, que ça donne du sens profond à la vie de nos clients, une fois qu’ils retrouvent leur quotidien, leur bureau, explique le professeur-guide. Un client m’a dit une fois: une course avec toi, c’est 6 mois de ciel bleu accroché à ma fenêtre (…). Cela va bien au-delà du plaisir et du loisir: ça donne le sentiment profond d’exister (…) à tous les clients qui nous font le privilège de nous engager. »
Et Alexis Mallon d’insister : « Si vous prenez un guide, c’est que vous savez que vous allez vous exposer à des dangers supplémentaires, bien au-delà de ceux que vous prenez en restant dans votre canapé devant un match de foot une bière à la main! Mais à partir du moment où on a décidé que la vie valait la peine d’être vécue un peu épicée, on assume ces risques avec le guide, qui reste le principal responsable de la sécurité dans la cordée. »
Depuis 1945, l’École Nationale de Ski et d'Alpinisme (ENSA) a formé entre 2 500 et 2 800 guides. Plus de 1 500 exercent aujourd’hui, auxquels il faut ajouter quelques centaines de professionnels formés à l’étranger. En 70 ans, le métier a beaucoup évolué, note Alexis Mallon. Avant, on pratiquait l’alpinisme un mois et demi dans l’année, en début d’été. Maintenant, c’est toute l’année.
La palette de disciplines que les guides sont appelés à maîtriser s’élargit: aux grandes courses de neige se sont ajoutés l’escalade, la via ferrata, la cascade de glace, le ski, le canyoning, etc. Le public, lui aussi couvre désormais un large éventail « qui va du néophyte, consommateur-zappeur qui fait une activité et qui en change l’année suivante, à des clients fidèles et réguliers qui cherchent à progresser et à acquérir une belle liste de courses ». Pour ces derniers, le guide joue le rôle d’un enseignant plus que d’un simple accompagnateur: il est là pour « apprendre » la montagne aux autres.
Quelque chose d’autre est en train de changer : en 2015, trois femmes ont passé le diplôme de guide de haute-montagne. Elles seront cinq à la prochaine session, en fin de d’été. Cinq femmes, soit 10% de la promotion. Sachant qu’aujourd’hui en France elles ne sont que 25 à exercer ce métier, soit… 1,6% des professionnels !
Pourtant, les femmes sont aussi capables que les hommes, assure Alexis Mallon : « Assurer la sécurité sur une pente de neige raide, ça ne consiste pas à retenir une personne qui chute au bout de quelques mètres, ça consiste à être vigilant et à gérer des déséquilibres éventuels. Et ça, n’importe qui, qu’il soit grand ou petit, qu’il soit bâti comme une armoire normande ou sur le modèle d’un haricot est capable de le faire, à condition d’en avoir reçu et compris les techniques. » Au placard, donc, la vision du guide super-héros taillé dans un bloc de granit.
« Les mentalités évoluent petit à petit », constate Raphaëlle Charvet qui s’est lancé dans l’aventure. Dans sa « promo », pas de machisme ; elle parle de ses camarades comme « des copains ». Elle ne ressent pas de différence de traitement entre hommes et femmes au sein de l’institution. Et s’il y a moins de candidates que de candidats à l’examen d’entrée à l’ENSA, ce serait parce que les femmes se mettent trop la pression.
Raphaëlle Charvet mène de front la formation de guide et son métier de géologue pour l’Office national des forêts. Elle étudie notamment les éboulements rocheux dans le massif des Écrins. Certains guides de haute-montagne exercent à l’année : alpinisme et escalade l’été, cascade de glace et ski de randonnée l’hiver.
La part des activités hivernales dans leur chiffre d’affaire annuel a sensiblement augmenté au cours des 10 à 15 dernières années: désormais, l’hiver pèse plus en termes de revenu que l’été. Une évolution qui s’explique par la croissance rapide du ski de randonnée. Mais beaucoup, comme Raphaëlle Charvet, ont une autre profession, en lien ou pas avec la montagne: ingénieurs, fonctionnaires, secouristes, artisans, etc. L’ENSA, d’ailleurs, encourage la pluri-activité.
« Financièrement, il n’y a aucun intérêt à faire ce métier ! », tranche Raphaël Bonnet, l’un des guides qui terminent sa formation. Comme ses camarades, il a le statut d’aspirant-guide qui lui permet d’emmener des clients, mais dans des conditions très strictes: des courses pas trop difficiles, pas trop hautes en altitude. Il travaille en renfort pour la prestigieuse Compagnie des guides de Chamonix, créée en 1821.
Pour une course classique, le client débourse tout de même 320 euros pour la journée : « ça représente une sacrée somme pour le client: mais tu enlèves 30% pour les impôts et les cotisations, le coût du matériel (cordes, mousquetons, etc.) que l’on doit changer régulièrement, le prix du forfait de remontées mécaniques… sur 320 euros je pense qu’il t’en reste une petite moitié. » Soit environ 150 euros… mais uniquement les jours où la météo permet de pratiquer l’alpinisme. « On ne peut pas partir sur un revenu assuré », constate ce Franc-Comtois d’origine. « Si on n’est pas passionné, ça ne sert à rien! »
Lui a choisi de vivre quasi-exclusivement de la montagne : il est aussi moniteur de ski, ce qui lui permet de commencer sa saison d’hiver plus tôt, sur les pistes. Et il donne aussi de temps en temps cours de voile sur le lac Léman ! Raphaël Bonnet a depuis obtenu le précieux diplôme de guide de haute-montagne, tout comme Benjamin Brochard, Maël Baguet et Raphaëlle Charvet.
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