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Escalade : la FFME ne veut plus conventionner les falaises

La judiciarisation de certains accidents pousse la Fédération française de la montagne et de l’escalade à mettre fin aux conventions avec les propriétaires, publics ou privés, de sites naturels. Dans certains cas, très limités, des falaises pourraient être interdites aux pratiquants.

Escalade dans le Vercors (archive) Escalade dans le Vercors (archive)
Escalade dans le Vercors (archive) © Radio France - Lionel Cariou

S’agit-il d’un séisme ? Sans doute pas, le sujet était sur la table depuis plusieurs années. Reste que le courrier envoyé récemment aux élus départementaux de la Fédération française de la montagne et de l’escalade (FFME) et révélé par Alpine Mag, a créé un certain émoi dans le petit monde de la grimpe. Pierre You, le président, y indique que le conseil d’administration de la FFME a décidé de dénoncer « l’ensemble des conventions d’usage »

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À la fin des années 1980, la fédération a commencé à signer des conventions avec les propriétaires de terrains sur lesquels se trouvaient des falaises d’escalade. Il s'agissait d’en assurer l’entretien, en veillant notamment à la qualité de l’équipement en place, mais aussi d'endosser la responsabilité en tant que « gardien » - les falaises en question restant accessibles à tous les grimpeurs, licenciés ou pas à la FFME.

corde d'escalade
corde d'escalade © Radio France - Lionel Cariou

Le poids de la jurisprudence

Mais en 2010, un accident a irrémédiablement ébranlé cet édifice juridique. Deux grimpeurs furent gravement blessés après une chute de pierre sur une falaise conventionné de Vingrau, dans les Pyrénées-Orientales. Depuis, deux tribunaux ont reconnu la responsabilité civile de la FFME, la condamnant à verser aux victimes 1,6 millions d’euros. Le juge a constaté une « responsabilité sans faute » comme le permettait la convention en vigueur au moment de l’accident. Et si l’affaire est en cassation, deux autres dossiers similaires pourraient atterrir prochainement devant un tribunal. 

"Fédération en danger"

« Nous sommes un peu dans une impasse, confie Pierre You, le président de la FFME que nous avons joint. La Fédération est trop en danger, on ne peut pas continuer comme ça." Et Pierre You de refaire le calcul : en 10 ans, l’assureur a dépensé 8 millions d’euros, et en a encaissé un peu plus de 3 millions en primes d’assurance… Faut-il alors augmenter drastiquement les cotisations ? La FFME ne le souhaite pas, refusant une sorte fuite en avant d’autant que le poids financier des indemnisations ne repose que sur les licenciés (plus de 100.000), et non pas sur l’ensemble des pratiquants alors même que tout le monde a accès aux falaises. "C'est l'assureur qui a signé la fin de la partie" résume Pierre You. Et la FFME a donc décidé de « déconventionner » les sites.

Escalade à Fontaine (Isère) - archive
Escalade à Fontaine (Isère) - archive © Radio France - Lionel Cariou

« J’ai l’impression que les licenciés pensent qu’ils ne pourraient plus grimper, mais ce n’est pas du tout vrai » insiste le président de la FFME. On recense en France 2.500 sites d’escalade dite « sportive », autrement dit équipés  à demeure de matériel de sécurité (spits). Aujourd’hui seule une falaise sur 5 est encore couverte par une convention. «Le grimpeur ne sait pas si la falaise sur laquelle il grimpe est conventionnée ou pas, fait remarquer Pierre You. Ce qui compte c’est qu’elle soit bien équipée pour que les risques soient limités au maximum. » Depuis quatre ans, environ 500 conventions ont été soit transférées soit supprimées, avec très peu d'interdictions en retour affirme le président de la Fédération.

En Savoie, le ratio est encore plus faible qu'au niveau national : 12 sites conventionnés pour 400 falaises répertoriées. « On est arrivé au bout de ce fonctionnement, reconnaît Frédéric Juarez, le président du Comité territorial de la FFME. Le poids financier est trop élevé. » Ce responsable départemental comprend la décision de la Fédération mais s’inquiète pour l’accès à certains sites remarquables comme celui de la Balme de Yenne, une grotte prisée des grimpeurs de haut-niveau. On y vient du monde entier. Le site est sur un terrain qui appartient à un propriétaire privé. « Il voulait y interdire l’escalade, explique Frédéric Juarez. On l’a conventionné pour enlever cette interdiction, et pour qu’il soit ouvert à tout public, gratuitement. Là tout est remis en question, se désole l’élu associatif. Est-ce que le propriétaire reviendra sur sa décision? C’est une interrogation. » 

Vers une implication des départements ? 

Sur deux sites, le comité de la Savoie a pu casser la convention et la transférer aux propriétaires, en l’occurence les communes qui en tant que collectivités n’endosseraient pas la même responsabilité en cas d’accident (il faudrait prouver une faute avérée). En retour, la FFME a signé des contrats d’entretien, s’assurant au moins une fois par an de la qualité du matériel en place. C’est le modèle que promeut la Fédération qui compte sur l’implication des collectivités territoriales, notamment les départements. Pour l’instant, en Savoie, c’est niet. « On a du travail pour montrer que l’escalade est un vrai outil touristique et sportif, avance Frédéric Juarez. Leur monter que l’escalade peut devenir un facteur valorisant de la Savoie. » 

Escalade au Col d'Ornon (archive)
Escalade au Col d'Ornon (archive) © Radio France - Lionel Cariou

En Ardèche, le Conseil départemental l’a bien compris. « Tout sera régularisé d’ici la fin de l’année » annonce, confiant, Damien Le Turdu, directeur du Comité territorial dans le 07. Actuellement, 90% des 50 falaises de l’Ardèche présentants un intérêt sportif sont en cours de « transfert » vers le Département. Le fruit d'un travail de concertation engagé depuis 4 ans via la « Commission départementale des espaces, sites et itinéraires ». C’est la collectivité qui gère les sites, mais l’entretien est assuré par la FFME qui reçoit en retour une subvention. « Pour le grimpeur ça ne change rien » insiste Damien Le Turdu. 

Escalade illustration
Escalade illustration © Radio France - Lionel Cariou

En Isère, où l’on compte encore 24 sites conventionnés, les choses avancent aussi, mais pas partout. À Fontaine, site historique situé à une poignée d’arrêts de tram de Grenoble, il n’y a plus de convention. Et la mairie a interdit l’accès aux falaises. Mais à Saint-Égrève, autre lieu très prisé, une solution a été trouvée avec la commune. Elle est devenue « gardienne » des sites, mais c’est bien le comité territorial qui en assure l’entretien. Huit falaises du département sont désormais gérées de cette façon. 

L'évolution législative en suspend

En parallèle, la FFME tente de convaincre le gouvernement de changer la loi sur « la responsabilité sans faute » invoquée dans l’affaire de Vingrau. Le sénateur LR de l’Isère Michel Savin a porté une proposition de loi dans ce sens , mais le texte attend toujours d’être examiné par l’Assemblée nationale. La Fédération ne pouvait pas attendre. Les mauvaises langues diront que la fin des conventions est une manière de laisser de côté l’escalade en site naturel pour se concentrer sur les compétitions en salle en vue des Jeux Olympiques… « Ce n’est pas du tout vrai ! se défend Pierre You. On ne se serait par battus comme on s’est battus pour essayer de modifier la loi si on avait décidé d’abandonner les sites naturels. »

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