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Le Japon imprime sa marque au festival de la BD d'Angoulême
Une gigantesque "Manga city" s'est posée cette année en bord de Charente. Le festival de la BD d'Angoulême poursuit son ouverture à la production japonaise. A la mesure du phénomène de librairie : aujourd'hui, une bande dessinée sur trois vendue en France est un manga.

Le grand prix du festival de la BD d'Angoulême remis mercredi soir à la mangaka Rumiko Takahashi, créatrice de "Juliette je t'aime". Des expos consacrées à des grands maîtres japonais. Et surtout un immense chapiteau installé en bord de Charente, la "Manga city", pour acheter des mangas et rencontrer des auteurs. Aucun doute : à l'occasion de sa 46e édition, Angoulême poursuit son ouverture au Japon.
Un choix délibéré, à la mesure du phénomène : la bande dessinée japonaise connaît une progression insolente en France (11% de croissance en 2018 pour ce genre), au point que plus d'une BD sur trois vendue aujourd'hui dans notre pays est un manga.
Des ateliers pour découvrir le style manga
"Quand tu dessines des monstres ou des fantômes, c'est toujours important qu'il y ait une main qui arrive vers toi, une présence qui te surprend !" Feutre en main face à un grand mur blanc, le mangaka français Camille Moulin-Dupré montre à une ribambelle d’enfants comment dessiner un "bakeneko", petit monstre à forme de chat, très populaire au Japon. Au fond de la "Manga city", Camille anime un atelier sur les "yokai", ces fantômes japonais traditionnels qui nourrissent la production contemporaine de bande dessinée et de dessin animé.
Le Japon, influence majeure pour le dessinateur français natif de Bretagne, biberonné aux œuvres de la mangaka Rumiko Takahashi, avant de succomber devant les estampes japonaises, un art qui remonte à plusieurs siècles, rappelle Camille Moulin-Dupré : "L'estampe japonaise, c'est la plus belle des lignes claires. A l'intérieur, il y a déjà tout ce qu'il faut pour faire de la bande dessinée : les cases, le texte, et même les bulles. Et moi j'ai utilisé tout ça pour en faire une bande dessinée."
Cela donne "Le voleur d’estampes" dont le tome 2 vient de paraître. Un livre qui peut aussi bien séduire les fans de mangas que des habitués de la BD européenne. Des passeurs comme Camille Moulin-Dupré, c’est tout ce qu’il faut au festival d’Angoulême, où les éditeurs viennent conquérir de nouveaux lecteurs. Marie Vautrin travaille chez Pika, une filiale de Hachette, qui a soigneusement choisi les titres présentés : "A Angoulême, il y a beaucoup de familles. Donc on choisit des titres jeunesse. Et pour le public plus âgé, on privilégie des BD où il y a de la réflexion."
Le festival d'Angoulême permet de convertir de nouveaux lecteurs
Contrairement à Japan Expo, supermarché du manga qui se tient chaque été à Paris, le festival d'Angoulême est l'occasion pour les éditeurs de faire du conseil : "Ici, il y a une vraie demande, confirme Marie Vautrin. On nous dit : ma fille a 10 ans, je voudrais lui faire lire du manga, quelque chose de pas trop violent..."
La violence et l’action séduisent surtout les ados, comme Thomas, venu de Brive avec son lycée. Le manga, il ne lit que ça : "Dans le manga, les mouvements sont très détaillés, alors que dans les BD occidentales, on va moins décrire ce mouvement. Et puis le fait que la plupart des mangas soient en noir et blanc, ça donne beaucoup plus de place à l'imagination."
Des formations de mangaka en France
Devenir mangaka, auteur de bande dessinée dans le style japonais : l’aventure tente de plus en plus de jeunes dessinateurs français. Des formations spécialisées ont vu le jour, comme à la Human school d’Angoulême. Louis, Rochelais de 22 ans, est en deuxième année : "Dans le manga, il y a des expressions du visage plus explicites, que ce soit dans la tristesse, la joie, ou la surprise... on peut y aller à fond! Mais sans oublier de respecter les codes !"
Ces codes, Louis apprend à les dominer, pour faire émerger son style. Les mangakas japonais qui viennent enseigner à Angoulême lui apprennent également à ménager ses effets : "On nous apprend où placer les scènes fortes, pour bien transmettre l'émotion."
Utiliser le manga pour traiter des sujets de société bien français
Parmi ces jeunes artistes, beaucoup rêvent d’une carrière à l'étranger, à commencer par le Japon. Pourtant, il y a de la place en France pour s'exprimer dans ce genre. C'est la conviction de Claire Pélier qui dirige une école de manga, l'Eima à Toulouse : "Il y a certains sujets, qui ne sont pas forcément abordés par les Japonais, comme l'intégration et l'immigration, le vivre-ensemble, la place des femmes, ou encore l'écologie qui est traitée différemment là-bas. Donc on peut faire du manga français, pour permettre aux lecteurs d'avoir ce format-là, cette narration très efficace, tout en parlant de grands sujets de société."
Les aspirants mangakas français marchent sur les pas de pionniers qui ont percé à l'international, comme Reno Lemaire avec "Dreamland", ou Tony Valente dont la série "Radiant", vient même d’être adaptée en dessin animé au Japon.