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Vingt ans de l'euro : au Perthus, à la frontière franco-espagnole, personne n'y a trouvé son compte

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Il y a tout juste 20 ans, le 1er janvier 2002, l'euro entrait dans nos porte-monnaie. Au col du Perthus, sur la frontière entre la France et l'Espagne, la monnaie unique a simplifié les étiquettes et le travail en caisse, mais finalement personne, ou presque, n'y a trouvé son compte.

À droite, côté espagnol, les magasins se sont transformés en centres commerciaux. À gauche, les magasins français ont presque tous baissé le rideau À droite, côté espagnol, les magasins se sont transformés en centres commerciaux. À gauche, les magasins français ont presque tous baissé le rideau
À droite, côté espagnol, les magasins se sont transformés en centres commerciaux. À gauche, les magasins français ont presque tous baissé le rideau © Radio France - Sebastien Berriot

C'était un moment très attendu, tant en Catalogne nord qu'au sud de la frontière : le passage à la monnaie unique le 1er janvier 2022 devait considérablement simplifier les échanges et favoriser le commerce. Mais vingt ans après l'apparition de l'euro, au Perthus, à cheval sur la France et l'Espagne, commerçants, clients et élus déplorent ses effets négatifs. Pour le maire, Thierry Thadée, ce bouleversement n'a pas été une opportunité, au contraire, il a privé la commune d'une de ses principales sources de revenus : les bureaux de change. En fermant, des dizaines de personnes ont été licenciées.

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Le bureau de change, premier arrêt des vacanciers

"Les camionneurs, les routiers passaient par le village, par le col. Il y avait 20 ou 25 bureaux de change", se souvient celui qui a pris la tête de la mairie en 2018. "On changeait tout ici, des marks allemands, des dollars, des francs suisses. Tout ceci a pris fin puisqu'on passait à la monnaie unique, donc les employés n'avaient plus lieu d'être. À partir de là, il y a eu des licenciements qui se sont faits rapidement. Les deux plus gros bureaux de change ont disparu en licenciant 80 employés. Le Perthus n'est plus florissant comme il l'était dans les années 90 et même au début des années 2000."

Pour Stéphane, un habitant de l'Ardèche adepte de la Catalogne été comme hiver, l'arrêt dans un bureau de change du Perthus était la première étape de son voyage vers Barcelone : "Ce n'était pas désagréable, c'était une habitude à prendre, tout simplement. Il fallait changer ses francs en pesetas, et on profitait au retour s'il nous en restait un peu."

Vingt ans de baisse du pouvoir d'achat des Français

Devenu un arrêt facultatif, le village côté français a vu ses commerces disparaître les uns après les autres. "Il y avait des boutiques de vêtements, beaucoup de restaurants..." énumère Thierry Thadée. "Aujourd'hui, il n'existe plus que deux restaurants, et un troisième, éphémère, en été."

"Il reste trois boutiques de vêtements, une pharmacie et une boulangerie-pâtisserie : la base pour une commune. Tout le reste a disparu." - Thierry Thadée, maire du Perthus

Autre conséquence ressentie par les clients français, la flambée des prix côté espagnol. "C'était plus facile avec le franc, on vivait beaucoup mieux, se souvient Nadia, une vacancière parisienne. On achetait des cadeaux. Maintenant c'est devenu trop cher : en début de semaine, je suis allée à la Jonquera, je pense que c'est le double de l'époque."

Cette baisse de pouvoir d'achat des Français, les commerçants espagnols la constatent aussi, même s'ils reconnaissent que l'euro a simplifié la tâche en caisse, surtout dans les grands magasins comme celui où travaille Nordine. "On avait les caisses en pesetas et les caisses en francs, c'était compliqué pour les chèques... En euro, c'est plus simple. Mais les Français bénéficiaient du taux de change. Maintenant, leur pouvoir d'achat a diminué." Une baisse qui a favorisé le regroupement des magasins espagnols en grands centres commerciaux, une concurrence qui a accentué le déclin des commerces français.

Le Perthus craint de vivre des jours plus sombres

Désormais, le Perthus craint de voir disparaitre sa dernière ressource. "Tout ce qui est stationnement, ce sont des recettes pour la commune", affirme le maire Thierry Thadée. "Il y a une inquiétude : le centre commercial Gran Jonquera va doubler sa superficie et offrir deux fois plus de places de parking gratuites. On va vers des jours un peu plus sombres." 

Cette grande zone commerciale à l'américaine, avec ses prix cassés, est située à plusieurs kilomètres au sud de la frontière, et son agrandissement prévu à l'été 2023, devrait aussi causer du tort aux magasins espagnols situés le long de la délimitation entre la France et l'Espagne.

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