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Brest : la lente agonie du commerce à Recouvrance

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A deux pas du centre-ville de Brest, le commerce meurt à petit feu dans l'emblématique quartier de Recouvrance. La coutellerie de la rue de la Porte, présente depuis 1958, envisage de baisser définitivement son rideau faute de clients. Conscients du problème, les élus tardent pourtant à réagir.

La rue de la Porte offre un triste panorama, avec des dizaines de cellules commerciales vides. La rue de la Porte offre un triste panorama, avec des dizaines de cellules commerciales vides.
La rue de la Porte offre un triste panorama, avec des dizaines de cellules commerciales vides. © Radio France - Nicolas Olivier

Il a mis la clé sous la porte dans l'indifférence générale. Jean-Michel Fily devait fermer son magasin de couteaux samedi 10 octobre, une enseigne qui existait rue de la Porte depuis 62 ans. "La population de Recouvrance a énormément changé, il y a très peu de pouvoir d'achat ici" constate-t-il, amer. Au-delà de son cas personnel, c'est la déliquescence du quartier qui l'inquiète

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Il y a 20 ans, il y avait huit bistrots, aujourd'hui il en reste deux. Y'a plus du tout de vie, y'a plus de commerce. Recouvrance n'existe pas sur la carte.

Jean-Michel Fily s'est résolu à fermer définitivement sa Coutellerie, faute de clients.
Jean-Michel Fily s'est résolu à fermer définitivement sa Coutellerie, faute de clients. © Radio France - Nicolas Olivier
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Désolation

Il est vrai qu'une fois passée la petite placette tournée vers le pont de Recouvrance et ses quelques commerces branchés, l'artère principale du quartier offre un paysage de désolation avec des cellules commerciales vides en enfilade, des deux côtés. Marie a ouvert son salon d'esthétique dans un petit local en juillet, l'une des rares installations récentes à Recouvrance. "C'est déprimant, dès qu'on monte la rue y'a plus personne, les locaux sont délabrés, souvent inoccupés depuis très longtemps. C'est triste."

"Y'avait un tabac-presse qui a fermé, ça fait 5 ans qu'il est vide ! poursuit son voisin Andriy Maximov, gérant de la boucherie-delicatessen Meat Couture. Il ne se passe rien, ça n'a pas l'air de vouloir se développer... Je pense que c'est à cause de l'image du quartier, avec les marins, la drogue, les prostituées. Mais Recouvrance n'est plus le coupe-gorge qu'il a été par le passé."

Un problème de prix ?

Malgré une situation privilégiée renforcée par le tramway en 2012, Recouvrance ne parvient pas à remonter la pente. Parmi les freins aux installations commerciales, le prix des loyers serait prohibitif : entre 500 et 1.500 euros par mois d'après nos informations, pour des locaux "souvent vétustes, et des petites surfaces inadaptées au commerce traditionnel" dit-on à Brest Métropole.

"Il faut mettre les propriétaires autour d'une table" estime un commerçant, qui ne comprend pas pourquoi certains bailleurs acceptent de laisser leurs locaux vides depuis des années.

Les locaux désaffectés se comptent par dizaines dans la rue de la Porte.
Les locaux désaffectés se comptent par dizaines dans la rue de la Porte. © Radio France - Nicolas Olivier

Brest Métropole, qui a la compétence en matière d'aménagement et de politique de la ville, insiste sur le travail de rénovation de l'habitat mené depuis dix ans. "Si vous avez de l'habitat dégradé, les quartiers se paupérisent et le commerce ne s'y retrouve pas" explique Tifenn Quiguer, la vice-présidente en charge de l'urbanisme et de l'aménagement. 20 millions d'euros ont été investis dans le cadre de l'OPAH RU (Opération programmée d'amélioration de l'habitat, renouvellement urbain), mais Recouvrance n'est pas le seul quartier a en avoir profité. "Ça porte ses fruits, aujourd'hui on a des familles qui reviennent sur le quartier, il suffit de voir l'émergence des commerces atypiques à la sortie du pont... L'urbanisme ça demande de la patience, les transformations sont longues, c'est un travail de longue haleine."

La métropole promet des aides

Si la dégradation du tissu commercial n'a pas échappé aux élus, ils ont préféré s'attaquer en priorité au Haut-Jaurès qui souffrait des mêmes maux. Brest Métropole promet aujourd'hui de dupliquer à Recouvrance le "générateur" expérimenté depuis 2017 dans le haut de la rue Jean-Jaurès. "Il y a des aides directes aux travaux pour les propriétaires, qu'on accompagne aussi en matière d'ingénierie dans le processus travaux. Et parallèlement on accompagne des porteurs de projet en leur accordant des modérations de loyers" rappelle Tifenn Quiguer. Le dispositif est selon elle un succès : il a permis à 17 entreprises de reprendre des locaux vacants rue Jean-Jaurès. Mais pour la rue de la Porte, aucun calendrier, aucune enveloppe chiffrée ne sont évoqués.

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Ces aides ne sont pas la solution, d'après Andriy Maximov : "ça va durer combien de temps ? Et le jour où ce dispositif n'existera plus, comment ces commerces vont faire pour pérenniser leurs fonds ? C'est une question qui se pose."

Pour redonner une réelle attractivité à ce quartier historique trop longtemps délaissé, la recette reste à trouver. C'est une partie de l'âme de Brest qui est en jeu.

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