"C'est comme une famille" : les prostituées ne veulent pas voir leur "Bus des femmes" disparaître
25 ans après sa création, l'association d'aide aux prostituées "Le bus des Femmes" est dans une situation financière compliquée. Placé en redressement judiciaire, le bus continue malgré tout d'effectuer ses tournées en Ile-de-France. Une aide nécessaire pour les prostituées.

En juillet, le Bus des femmes a fêté ses 25 ans. Un triste anniversaire pour l'association d'aide aux prostituées en région parisienne, puisqu'elle a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de Paris. Financée par des subventions publiques, ses créances sont depuis gelées. Une administratrice judiciaire a même été désignée. Et un nouveau rendez-vous devant le tribunal est prévu le 12 septembre prochain. C'est donc un bus menacé qui continue malgré tout ses tournées auprès des travailleuses du sexe. Mais à quoi leur sert-il exactement ? Est-ce que ce serait grave pour ces prostituées s'il venait à disparaître ? Nous sommes montés à bord de ce bus (qui est en réalité un camping-car), avec les bénévoles, pour effectuer une tournée nocturne avec eux.

Avant de prendre la route, il faut d'abord préparer le café qui sera servi aux prostituées, mais aussi les préservatifs qui leur seront distribués. Pour Sophie-Anne, bénévole au sein de l'association depuis 6 mois, ces boissons chaudes créées du lien : "Thé, café, chocolat, madeleines.. _C'est avant tout un prétexte pour entamer le dialogue_. Ça le facilite énormément. On se regarde, on se sourit, il se passe des choses non-verbales intéressantes."
Une fois que tout est prêt, direction le Bois de Boulogne. Le bus qui affiche près de 200 000 km au compteur n'a pas besoin de rouler très longtemps avant de marquer son premier arrêt. Là, les prostituées ont le choix : monter à bord ou bien rester parler à la fenêtre. Il n'y a pas de règles, les bénévoles ne forcent personne. Certaines prostituées viennent seulement prendre une boisson, d'autres seulement des préservatifs.
"Le bus des femmes, c'est comme une petite famille" (Shakira, prostituée à Paris)
Parmi celles qui montent à bord il y a Shakira, 30 ans, prostituée depuis qu'elle a 17 ans. A l'intérieur, elle se sent en sécurité : "On rentre dedans et on est en sécurité. Parce que notre métier est dangereux. Moi je l'assume complètement. C'est mon choix. _Si le bus disparaissait ce serait une grande perte pour nous_. On fait quoi après ? Vers qui on se tourne ? Heureusement qu'ils sont là pour nous aider. On discute de plein de choses à chaque fois qu'on se croise."
Même constat pour Linda, 40 ans, prostituée depuis 15 ans maintenant : "L'association aide plein de gens. Ils donnent des préservatifs, ils donnent des petites choses à manger etc. Quand on vient ici c'est un peu de chaleur, _quand je le vois arriver c'est le bonheur_. Ils sont gentils, ils nous parlent gentiment, ils nous respectent et nous considèrent comme des êtres humains, pas des choses. Ils sont super. Si le bus devait disparaître, on serait 'dans la merde' parce que quand il fait froid en hiver, on peut rester dedans un moment, on se réchauffe. Sinon, il n'y a rien."

Le rôle de l'association dépasse évidemment la simple distribution de boissons et de préservatifs. Les salariés et bénévoles du Bus des femmes accompagnent les travailleuses du sexe dans leurs démarches administratives, leur donnent des conseils, et délivrent des acte de domiciliation aux prostituées qui vivent à l'hôtel.
Une situation actuellement compliquée pour le bus
Pour Alexandre, salarié de l'association depuis 14 ans, plusieurs facteurs expliquent cette situation tendue. D'abord des conflits en interne, mais aussi des problèmes de trésorerie. Alexandre pointe également du doigt la loi de pénalisation des clients de prostituées. Pour lui, c'est une loi "hypocrite" qui doit "disparaître".
Malgré tout, Alexandre ne changerait de métier pour rien au monde : "C'est un métier qui est tellement riche. Il y a une telle richesse humaine, une telle richesse des contacts, des relations. C'est un sujet sans fond."
En tout, l'association emploie une dizaine de personnes. En temps normal le bus fait 9 tournées par semaine : à Paris intra-muros avec le Bois de Boulogne et le Bois de Vincennes. Mais aussi à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) et Fontainebleau, Melun et Senart (Seine-et-Marne).