Protocole sanitaire renforcé: un nouveau coup dur pour les entreprises du Nord
Interview de Laurent Depoorter, président de la CPME du Nord, l'organisation patronale qui représente plusieurs centaines de TPE et PME du département. Il dénonce la lourdeur du nouveau protocole sanitaire imposé depuis ce mercredi dans les entreprises.
Que pensez-vous du nouveau protocole sanitaire entré en vigueur ce mercredi qui impose aux entreprises notamment de plus favoriser le recours au télétravail?
Laurent Depoorter: "C'est encore un coup dur qui est infligé aux TPE et PME de notre département et des autres départements confinés. On n'avait pas besoin de complexité administrative supplémentaire. Plutôt que de nous proposer des perspectives d'avenir, tout ce que nous propose le gouvernement, ce sont des contraintes supplémentaires pour diffuser le télétravail alors qu'il l'est déjà largement. Aujourd'hui, la plupart des chefs d'entreprise font le maximum pour pouvoir proposer le télétravail à leurs salariés. L'intérêt des chefs d'entreprise, ça n'est pas que leurs salariés tombent malades mais bien que leurs entreprises tournent et qu'elles survivent à cette crise. C'est terrible, nos entreprises n'avaient pas besoin de ça. Ca rend les choses encore plus compliquées."
Dans le cadre du nouveau protocole sanitaire, il est demandé aux chefs d'entreprises du Nord et du Pas-de-Calais et des autres départements reconfinés de produire un "plan d'action" détaillant les mesures qu'ils vont mettre en œuvre. Qu'en pensez-vous?
"Les chefs d'entreprise préfèrent utiliser leur temps à développer leur entreprise ou à la maintenir à flots, plutôt que de rédiger des plans! Et ça n'est pas en nous menaçant d'e mener des contrôles et d'infliger des sanctions si le document en question n'est pas rédigé que ça va arranger les choses."
Le gouvernement vous demande, via ce nouveau protocole, de développer encore plus le télétravail. Y êtes-vous favorable?
Laurent Depoorter: "Mais on y est favorable à 100%! Le problème, c'est que ça n'est pas si facile que ça. Il y a d'abord des contraintes liées aux métiers, pour certains ça n'est pas possible à mettre en place. Et puis il y a toutes les contraintes qui sont liées à l'état psychologique de nos salariés. J'ai de nombreux exemples de chefs d'entreprises auxquels leurs propres salariés demandent de limiter le télétravail au maximum et de maintenir le lien social qui est lié au travail. On l'oublie trop: on parle de la santé des gens mais elle passe aussi par le côté psychologique. Aujourd'hui, beaucoup de salariés sont impactés par cette fatigue d'être isolés, seuls. _Ce n'est pas en nous mettant des contraintes supplémentaires que le gouvernement va nous inciter à développer le télétravail_, ça n'est pas la bonne méthode."
Le protocole sanitaire porte aussi sur l'organisation de la restauration collective en entreprises avec désormais un espace de 8 mètres carrés obligatoire pour chaque salarié. C'est faisable?
Laurent Depoorter: "Ca va être faisable dans certaines entreprises, beaucoup plus difficile dans d'autres, notamment les petites entreprises dont s'occupe la CPME, qui ont en général un petit local où les salariés déjeunent. Alors maintenant une jauge de 8 mètres carrés? C'est encore une fois une contrainte administrative qui vient s'ajouter! La plupart des chefs d'entreprise s'organisent déjà pour qu'il y ait le moins de monde possible dans les pièces, que les pièces soient aérées, etc. Est-ce qu'on avait vraiment besoin de venir rajouter cette contrainte de 8 mètres carrés? Qui est venu voir dans les TPE et le PME si la mesure pouvait être mise en place? C'est mettre des contraintes pour mettre des contraintes. On a plus l'impression que ce sont des souhaits politiques de montrer qu'on prend des décisions; Mais derrière, c'est à nous de l'appliquer et clairement, ça va être difficilement applicable."
Des entreprises vont-elles devoir totalement fermer leur salle de restauration?
Laurent Depoorter: "Oui, c'est sûr, elles vont inciter leurs salariés à prendre un sandwich et manger à l'extérieur. Là, ça va parce que le printemps arrive mais il ne va pas faire beau tous les jours. Ca rend encore une fois les choses terriblement complexes! N'oublions pas que dans la très grande majorité des cas dans les TPE et le PME, les relations sont bonnes au sein de l'entreprise, alors pourquoi venir nous imposer ces contraintes supplémentaires? Là quand on prend des décisions comme ça, il y a quand même un manque de connaissance du terrain"