Valérie Favier (SNUIPP-FSU Isère) : "Les enseignants sont partagés entre sens du devoir et inquiétude"
Ce lundi, les enfants de maternelle et de primaire reviennent en classe, alors que les collégiens et les lycéens font cette rentrée à la maison. Pour connaître l'état d'esprit des enseignants, Valérie Favier, institutrice remplaçante, membre du syndicat SNUIPP-FSU est l'invitée de France Bleu Isère.
Valérie Favier, est institutrice titulaire remplaçante pour les écoles de la Villeneuve de Grenoble et Echirolles et membre du syndicat SNUIPP-FSU 38 répond aux questions de France Bleu Isère en ce matin de rentrée scolaire particulière.
Nicolas Crozel : Les élèves de maternelle et de primaire retournent à l'école après trois semaines d'absence, dont deux pour les vacances de Pâques. Dans quel état d'esprit êtes vous avec vos collègues en cette nouvelle rentrée avec le Covid ?
Je vous avoue que ce matin, on a un sentiment partagé. D'une part on est très attaché au droit à l'éducation. On sait bien que notre place et celle de nos élèves est à l'école. On est aussi alerté par les conséquences du confinement du printemps dernier. Ce que nous redoutions est arrivé, on sait que ça a accentué les inégalités scolaires en privant d'école les élèves les plus fragiles. Mais il y a une forte inquiétude ce matin par rapport au retour à l'école dans des conditions qui sont peu sûres pour les travailleurs et aussi pour les élèves dont nous avons la responsabilité.
Pour vous, il n'y a pas grand chose de changé par rapport à il y a 3 semaines, même si on annonce ce matin plus d'autotests et la fermeture des classes dès qu'il y a un cas positif, ça ne suffit pas pour vous rassurer ?
Les autotests, c'est Un premier pas. Après, on est prudent. On ne connaît pas encore les modalités de distribution et de passage de ces tests. On voit quand même qu'une de nos demandes, à savoir le non brassage des élèves, est enfin acté au protocole. C'est quand même un principe de précaution qui a mis du temps à être pris en compte, mais pour notre syndicat, ça reste largement insuffisant.
Que veut dire non brassage des élèves ? Dans les écoles, ils restent dans la même classe ?
Ça veut dire un gros problème en Isère, notamment, où on est en déficit très, très important de remplaçants dans un contexte de crise sanitaire. C'est-à-dire que si un enseignant n'est pas là un matin, s'il n'y a pas de remplaçant, les élèves vont rentrer chez eux, au lieu d'être répartis dans d'autres classes. Ça remet en cause, quand même, le droit de tous les élèves à l'éducation et d'être accueillis à l'école.
On sent bien, Valérie Favier, que vous êtes partagée entre votre devoir et l'intérêt des élèves de retourner à l'école, et la question de votre santé. Est-ce que vous n'auriez aimé qu'on profite de ces trois semaines pour que tous les enseignants soient vaccinés, il y a eu pendant cette période un couac et des enseignants refoulés au centre de vaccination de Grenoble. On est passé à côté selon vous ?
C'est un épisode fâcheux, qui part d'une erreur de communication du CHU. Mais c'est surtout un très bon révélateur, quand on voit le nombre de collègues qui se sont précipités, d'une inquiétude d'une profession qui est quand même très exposée. Nous on continue naturellement à demander une priorité vaccinale pour les enseignants. On comprend pas que ce soit pas encore fait. En sachant que ça a été le choix d'autres pays, et pas le choix de la France. Ça en dit long sur la considération qu'on porte aux enseignants et aux enfants de notre pays.
Vous vous travaillez dans plusieurs écoles à la Villeneuve à Grenoble dans des quartiers qu'on appelle difficiles, des quartiers où l'école à la maison est difficilement tenable sur la durée ?
Oui, la problématique des quartiers, moi que je n'appellerai pas difficiles mais défavorisés, c'est que le contexte de crise a exacerbé des problèmes préexistants. Bien sûr, le non accès à l'école a eu beaucoup plus des conséquences désastreuses dans les quartiers défavorisés. Les inégalités sociales ont encore été accentuées. C'est très alarmant. Et ça mériterait, pour notre syndicat, une vraie réflexion pour qu'il y ait des moyens supplémentaires en terme de compensation.
Parce que dans une famille défavorisée, il y a pas forcément assez d'ordinateurs, pas de connexion internet ?
Il y a plein de choses. Il y a l'accès au numérique et aux outils numériques qui effectivement demande des moyens et qui est moindre dans ces quartiers-là. Après il y a des choses beaucoup plus élémentaires : l'école, par exemple sur la commune de Grenoble, c'est la cantine gratuite pour les élèves. Quand il y a pas école, il y a pas de cantine. Les masques, on continue à demander la gratuité des masques pour tous nos élèves. C'est pas une fantaisie. D'abord ce serait en cohérence avec le principe de gratuité des écoles auquel on est très attaché. Et puis, pour les familles défavorisées, un masque par jour c'est compliqué.