Des "faucheurs volontaires" jugés pour avoir détérioré des bidons de pesticides en Ariège
C'est une vieille affaire qui sera jugée ce 25 mars au tribunal de Foix. Quand en 2016 et 2017, des militants anti-OGM ont endommagé des bidons de pesticides dans des magasins de Pamiers et Foix. En réalité, les activistes ont déjà en partie gagné une bataille dans la guerre anti-glyphosate.
Ce jeudi matin, le tribunal de Foix (Ariège) juge 21 "faucheurs volontaires" pour destruction du bien d'autrui en réunion, ils ont détérioré des centaines de bidons de pesticides et herbicides, en les peignant pour les rendre invendables. Les faits remontent à septembre 2016 et mars 2017 dans des magasins de bricolage et jardineries de Pamiers, Saint-Jean-du-Falga et Foix. Cette action coup-de-poing des militants anti-OGM avait pour but de dénoncer la présence du glyphosateun peu partout et de faire bouger les lignes au niveau réglementaire.
Jurisprudence européenne
Il s'agissait d'une opération nationale des "faucheurs volontaires" qui ont aussi agi de la même façon à Béziers (Hérault), Privas (Ardèche), Lorient (Morbihan) et Guingamp (Côtes d'Armor) entre la fin 2016 et début 2017. Toutes ces actions ont donné lieu à des procès et des condamnations symboliques. Toutes sauf à Foix, où les prévenus sont arrivés en août 2017 au tribunal avec leurs propres analyses d'urines démontrant la présence de glyphosate. Une manière pour eux de justifier leur action.
Le tribunal de Foix non seulement n'a pas condamné ces "faucheurs volontaires" mais il a saisi la Cour de justice européenne pour l'interroger sur la légalité des autorisations de mise sur le marché de ces produits phytosanitaires, ce qui a suspendu la procédure pénale.
Dans un arrêt d'octobre 2019, la Cour de justice européenne précise que l'EFSA, l'agence européenne de sécurité des aliments, évalue mal les pesticides, qu'il faudrait davantage d'analyses de toxicité sur ces produits. "Cette décision fait jurisprudence en Europe, elle infléchit désormais les juristes et les grands organismes, c'est un bon début. D'autant que 119 députés européens et nationaux ont récemment mis en demeure l'EFSA d'appliquer cet arrêt", précise Guillaume Tumerelle, l'avocat des faucheurs ariégeois.
Finalement avec un modeste procès à Foix, avec un simple acte de désobéissance civile, on arrive à des décisions qui ont des répercussions sur les structures européennes.
Le procès pénal en lui-même ce 25 mars n'aura donc qu'une résonnance tardive après les procès il y a quatre ans des autres faucheurs bretons ou ardéchois. Et sans doute une réponse assez clémente de la justice. L'avocat de la défense demandera la relaxe. Et les prévenus sont plutôt confiants. Sur les trois jardineries, deux ne sont plus parties civiles, et la dernière ne compte pas demander de dédommagement.
La fin de la campagne d'analyse des urines
La vente aux particuliers des pesticides et herbicides est par ailleurs interdite en France depuis le 1er janvier 2019. Mais ces opérations des "faucheurs volontaires" ariégeois ont aussi, en parallèle, permis de mettre en lumière leur grande action nationale de détection de glyphosate dans les urines.
Tout est parti de ce premier procès à Foix en août 2017. La Campagne Glyphosate est lancée, elle aura duré près de quatre ans et se termine le mois prochain. Avec au total, 6.800 prélèvements réalisés dans 68 départements, en Ariège bien sûr mais aussi en Haute-Garonne, dans le Tarn-et-Garonne, le Tarn, la Bretagne ou encore les départements rhodaniens.
Sur ces 6.800 prélèvements, seulement 17 analyses ne révèleront aucune trace de glyphosate. Tous les autres participants ont dans leur organisme une part plus ou moins importante de ce composé chimique qu'on retrouve dans les herbicides et pesticides. De quoi surprendre, même les plus écolos des participants persuadés pour certains qu'en vivant à la campagne et en mangeant bio, ils seraient épargnés.
Vous croyez quoi ? Le glyphosate est utilisé massivement depuis des décennies. Nos nappes phréatiques en sont remplies, et les molécules pulvérisées sont très volatiles. Même nos lacs de montagne sont touchés. - Dominique Masset, co-président de Campagne Glyphosate
À ce stade, aucun mesure d'instruction n'est en cours
En tout, 6.000 plaintes ont été déposées dans différents départements. Le dossier a depuis été transféré au pôle Environnement du tribunal de Paris. Les plaintes n'ont pas été rejetées, certains plaignants ont même été auditionnés l'an dernier mais à ce stade,aucun mesure d'instruction n'est en cours.
DERNIERE MINUTE : Le Procureur de la République de Foix a requis ce 25 mars des peines de 150 € à 300 euros d'amende avec sursis. Le délibéré sera prononcé le 1er juin.