Menacé d’extinction, le desman des Pyrénées sauvé grâce à ses crottes ?
Espèce emblématique des Pyrénées, le petit mammifère est menacé de disparition. L’analyse de ses excréments permet aux scientifiques d’établir des recommandations.

Surnommé à juste titre le "rat-trompette", le desman est l'un des emblèmes des Pyrénées, mais il aussi l'un des mammifères les plus menacés de disparition en France. Depuis six ans, des scientifiques de toute la région ont mis leurs compétences en commun pour le plus grand programme de recherche jamais réalisé sur cette espèce endémique, sous la houlette du conservatoire d’espaces naturels Midi-Pyrénées.
Financée par l'Europe, cette étude baptisé "Life+ desman" s’achèvera officiellement en mai 2020, mais les premiers résultats ont déjà été rendus publics. Verdict : le desman des Pyrénées est encore plus menacé que ce que l'on pensait.
Montre-moi ta crotte, je te dirai comment tu te portes
Face à cet animal très difficile à observer, les scientifiques ont trouvé une solution alternative : faire parler ses excréments. Des prospections ont été organisées le long de nombreuses rivières, ce qui a permis de récolter 340 crottes. Les prélèvements ont été envoyés à un laboratoire de Bruxelles pour des analyses génétiques poussées.
Le verdict est plutôt préoccupant : les résultats démontrent l’existence de trois populations distinctes sur l'ensemble du massif des Pyrénées.
Isolées les unes des autres, elles ne peuvent plus se rencontrer. Ce qui fait courir un risque de consanguinité et donc d'extinction. Les scientifiques recommandent de réaliser des aménagements le long des rivières pour aider les desmans à recoloniser certains secteurs, et reconnecter les trois populations.
La science au secours du desman
Dans le cadre de cette vaste étude, c'est toute la panoplie de la science moderne qui a été déployée pour percer les mystères de ce petit animal encore méconnu. Plusieurs spécimens ont été équipés de capteurs, ce qui n'est pas une mince affaire sur un animal de seulement 50 grammes. Et des autopsies ont même été pratiquées sur de multiples cadavres.
Au final, les scientifiques estiment être en mesure de publier plusieurs "scoops". Contrairement à ce que l'on imaginait, le desman n'est pas un animal nocturne. Il est capable de parcourir des distances considérables, et même de franchir des stations hydroélectriques et des barrages...
Au rayon des mauvaises nouvelles, l’étude confirme que son aire de répartition a diminué de 60% en l'espace de 25 ans. Pour ne rien arranger, un nouvel ennemi redoutable prolifère dans les montagnes catalanes : le vison d’Amérique, une espèce invasive qu'il va falloir combattre...
À la lumière de ces résultats préoccupants, plusieurs aménagements ont déjà été réalisés dans les Pyrénées-Orientales. Par exemple, des grilles de protection ont été installées sur les prises d'eau de canaux d'irrigation (pour éviter que les rats-trompettes ne soient aspirés). Et un passage-à-gué a été aménagé à Nohèdes pour éviter que les moutons ne piétinent les berges d'une rivière où les desmans ont leurs habitudes.