Trafics, violences, squatteurs... un coin de paradis dénaturé dans les Pyrénées-Orientales
En quelques années, le site bucolique des sources d'eau chaude de Fontpédrouse, dans les Pyrénées catalanes, s'est transformé en campement insalubre aux allures de ZAD. Réunis en collectif, des riverains exaspérés lancent un cri d'alarme.
"Nous avons été dépossédés !" Des dizaines d'habitants de Fontpédrouse, dans les Pyrénées-Orientales, crient leur colère et leur amertume, en évoquant leur paradis perdu. Au creux d'un vallon, des vasques naturelles, alimentées par une source d'eau chaude à 70 degrés, et fréquentées depuis plusieurs générations, sont désormais squattées jour et nuit par des populations "pas très recommandables".
"Certains se sont arrogés le droit de construire des cabanes sur des propriétés privées, ils vivent sur place toute l'année, au mépris des règles d'hygiène les plus élémentaires, au milieu des poubelles et des excréments", s'emporte Régis Deixonne, propriétaire d'une maison dans le hameau de Prats-Balaguer, à proximité des sources. "Pour nous qui avions l'habitude de fréquenter ces lieux autrefois plein de calme et de sérénité, c'est une situation scandaleuse".
Le long de la petite route départementale D28, des dizaines de voitures, camping-cars et fourgonnettes témoignent de la fréquentation intense du site. "Il en arrive des dizaines tous les jours, de toute l'Europe, notamment des Espagnols. Et le phénomène ne cesse de s'accroitre, à la faveur des réseaux sociaux", s'inquiète Jean-Louis Alvarez, ancien maire de Fontpédrouse. "Ils ne respectent rien : pendant le confinement, c'était la fête tous les soirs. On entendait la musique depuis le village."
Une telle affluence ne va pas sans poser de graves problèmes de circulation sur une petite route de montagne étroite et vertigineuse. "C'est l'anarchie complète ! Il y a des véhicules garés partout et des carcasses de voiture abandonnées. Certains s'installent carrément avec leurs affaires sur la chaussée. Et mieux vaut ne pas leur faire la moindre réflexion", raconte un retraité, amateur de randonnée dans le secteur, et qui souhaite rester anonyme "par peur des représailles".
Vols et violences
Car à plusieurs reprises, des riverains auraient été pris à partie. Régis Deixonne évoque "des échanges de coups, des insultes et des cailloux jetés sur les pare-brise. Dès que nous prenons cette route, nous avons une appréhension. Nous ne savons jamais sur quoi nous allons tomber : des gens agressifs, en état d'ébriété, ou installés au milieu de la route... L'été, il faut souvent une heure pour faire les quatre kilomètres de trajet entre Fontpédrouse et Prats-Balaguer".
Excédés, une quarantaine de riverains se sont réunis au sein d'un collectif baptisé "De sources sûres". La liste de leurs griefs s'allonge semaine après semaine. "Dans le secteur, les jardins sont pillés : ces gens viennent se servir en salades, carottes, choux, oignons mais aussi en bois de chauffage", déplore Jean-Louis Alvarez. "Ils considèrent qu'ils sont chez eux, que la propriété privée n'existe pas. Mais le plus grave, c'est le trafic de drogue sur place."
Intervention des gendarmes
Beaucoup s'inquiètent aussi de la présence de chiens "agressifs et à demi-sauvages" qui parcourent la montagne à la recherche de gibier. "Nous avons déjà relevé une trentaine de carcasses de cerfs égorgés. Certains habitants n'osent plus sortir du village."
Depuis plusieurs mois, le collectif multiplie les démarches. Des courriers ont été envoyés à la préfecture, aux députés, au Conseil départemental et au Premier Ministre, ancien maire de la sous-préfecture de Prades. En septembre dernier, ces "appels à l'aide" ont débouché sur une importante descente de gendarmerie. Les occupants des lieux ont été dispersés. Mais quelques jours plus tard, ils étaient déjà de retour.
Quelles solutions ?
Selon le collectif, la première mesure à prendre serait la destruction totale des bassins d'eau chaude, pour enrayer l'afflux anarchique de baigneurs.
Mais à plus long terme, l'ancien maire de la commune Jean-Louis Alvarez recommande de monter un projet économique : "Avec ces eaux chaudes, on peut imaginer du thermoludisme, mais aussi des projets agricoles ou de production d'énergie".
Contactée, la maire de Fontpédrouse "ne tient pas à s'exprimer sur le sujet". Quant à la préfecture des Pyrénées-Orientales, elle n'a pas encore donné suite à nos sollicitations.