Affaire Le Scouarnec : un premier procès s'ouvre à Saintes pour le "chirurgien de Jonzac" accusé de pédophilie
Joël Le Scouarnec comparaît à partir de ce lundi à Saintes, pour viols et agressions sexuelles sur quatre enfants. Premier volet d'une enquête tentaculaire, guidée par les "carnets noirs" du chirurgien de Jonzac. Ces fichiers informatiques décrivent des agressions sur des centaines de personnes.
C'est sans doute le plus grand pédophile jamais tombé dans les griffes de la justice française : Joël Le Scouarnec comparaît à partir de ce lundi matin, et jusqu'à jeudi, devant les assises de la Charente-Maritime à Saintes, pour des viols et agressions sexuelles sur quatre victimes, toutes très jeunes à l'époque des faits. Des faits qui lui ont valu un placement en détention provisoire à Saintes depuis mai 2017. Dans ce procès, l'accusé risque 20 ans de réclusion.
Ce procès n'abordera qu'une petite partie de cette tentaculaire affaire Le Scouarnec, entièrement guidée par les désormais célèbres "carnets noirs" du chirurgien de Jonzac, des fichiers informatiques dans lesquels il décrit des centaines d'agressions. Avec souvent un souci du détail insoutenable, digne du chirurgien qu'il est. Et une jubilation, montrant qu'il revit en écrivant le plaisir de ses passages à l'acte.
A six ans, elle stoppe son parcours criminel
Dans cette litanie de noms, la cellule nationale d'enquête montée par la gendarmerie a sauvé de la prescription 312 situations individuelles, pour des faits commis essentiellement dans la dizaine d'hôpitaux où il a travaillé. Des victimes qui témoigneront à la barre d'un procès-fleuve instruit à Lorient, et qui s'ajoutent aux quatre victimes du procès de Saintes.
Parmi ces victimes du procès de Saintes, il y a d'abord cette Jonzacaise de six ans à l'époque des faits, la première à dénoncer Le Scouarnec au printemps 2017, celle qui a courageusement stoppé un parcours criminel de 30 ans. Deux autres victimes ont été citées spontanément par Le Scouarnec : deux sœurs, ses nièces, abusées au tournant des années 90. Et puis une patiente, l'un des tout premiers noms tirés des carnets noirs.
Faits prescrits pour trois victimes
La procédure, instruite à La Rochelle, laisse de côté trois autres victimes, pour qui les faits sont prescrits : une autre nièce, sans doute la toute première agressée par Le Scouarnec dès 1985, une petite voisine de Loches en Indre-et-Loire, où il vivait à l'époque, et une autre patiente. Citées comme témoins à Saintes, elles pourront dire que Le Scouarnec les a violées. Viol que le chirurgien de Jonzac continue de nier pour tous les dossiers. Le pédophile ne reconnaît que des agressions sexuelles.
Ces quatre jours d'audience ont toutes les chances de se dérouler à huis-clos, sans public ni presse, comme c'était le cas en mars quand ce procès avait débuté, avant d'être interrompu au bout d'une journée, pour cause de Covid-19. Ce huis-clos avait été dénoncé par les parents de la victime jonzacaise de Le Scouarnec, soucieux de faire éclater l'"omerta" autour du chirurgien. Aujourd'hui, l'avocate de cette famille, la Saintaise Francesca Satta, espère "que la vérité éclate".
Le chirurgien ne reconnaît pas les viols
Qu'attendre de Joël Le Scouarnec à l'audience ? Reconnaîtra-t-il enfin toute sa responsabilité ? C'est le grand enjeu de ce procès saintais. Quand les enquêteurs ou les magistrats l'interrogent, le chirurgien assume : "je suis pédophile". Mais pour obtenir des aveux complets, c'est une autre affaire.
Le chirurgien ne reconnaît donc que des agressions sexuelles, pas de viol. Malgré les nombreuses "pénétrations digitales" décrites dans ses "carnets noirs", saisis dans sa maison de Jonzac où il vivait en ermite, carnets renfermant "une part de fantasme", assure-t-il.
"Il attend ce procès"
Adoptera-t-il à l'audience le même détachement, décrit le mois dernier par le procureur de la République de Lorient au moment de l'auditionner pour le deuxième volet de l'affaire? Pas du tout promet Thibaut Kurzawa, l'avocat saintais de Joël Le Scouarnec : "il entend s'expliquer, reconnaître ce qu'il a commis, contester ce qu'il n'a pas commis." Une ligne qui n'a pas bougé depuis l'éclatement de cette affaire.
"Il attend ce procès, pour s'adresser directement à ses victimes, poursuit Me Kurzawa. Mais aussi aux autres personnes à qui il a fait du mal, sa famille." Une famille qui savait mais n'a rien dit à la justice, comme l'a confirmé aux gendarmes la propre sœur de Joël Le Scouarnec. Citée comme témoin, elle va devoir s'expliquer, tout comme la femme du chirurgien, très attendue.
Omerta familiale
Officiellement, son épouse a tout découvert en 2004, quand son mari a été impliqué dans une première affaire de détention d'images pédopornographiques, qui lui vaudront une condamnation en 2005 à quatre mois de prison avec sursis, assortie d'aucune obligation. Elle l'a quitté à ce moment-là. Au courant presque dix ans plus tôt, selon Le Scouarnec lui-même, qui écrit dans ses carnets en 1996 : "elle sait".