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Arrestation d'un rebelle tchadien en Mayenne : la Fédération Internationale des Droits de l'Homme s'exprime

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Un des opposants au pouvoir tchadien, Abakar Tollimi, interpellé le 17 juin dernier en Mayenne, pour des soupçons de Crimes contre l'Humanité, a été placé sous le statut de témoin assisté. Le Président d'Honneur de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme nous livre sa vision du dossier.

Tchad (illustration) Tchad (illustration)
Tchad (illustration) © Maxppp - Jean-François Frey

Le 17 juin dernier trois personnes ont été placées en garde à vue à Paris pour des soupçons de Crimes contre l'Humanité au Tchad et au Darfour entre 2005 et 2010. Abakar Tollimi, arrêté en Mayenne à Laval a été depuis place sous le statut intermédiaire de témoin assisté. Le général Mahamat Nouri, 72 ans, considéré comme l'un des plus influents chefs rebelles au régime du président tchadien, est lui toujours en détention provisoire. Un troisième rebelle est de son côté reparti libre. Patrick Baudouin, avocat et président d'honneur de la Fédération Internationale des Droits de l'Homme, nous livre son sentiment sur ces arrestations. Ont-elles été facilitées par le gouvernement français qui soutient le président du Tchad dans le cadre de l'opération Serval ? Quelle implication de ces trois rebelles dans des présumées exactions ? Les explications de Patrick Baudouin.

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- Que se passe t-il concrètement au Tchad et au Darfour, une zone de l'Afrique minée par les conflits armés ? 

Il faut savoir que le Darfour, qui est une région du Soudan, se trouve à proximité du Tchad et qu'il y a une certaine porosité entre ces deux pays. Les frontières sont factices comme souvent en Afrique et il y a énormément de circulation de populations. On se trouve donc en présence de militaires tchadiens ou de miliciens qui vont donner des coups de mains à telle ou telle faction au Darfour avec des exactions commises de façon récurrente pour ne pas dire constante dans cette région. 

- Ces militaires appartiennent-ils au gouvernement tchadien ? 

Là ce n'est pas le cas. Ce sont des militaires sur la sellette dans leur pays, des opposants à l'actuel président Idriss Déby. Ce dernier dirige le Tchad depuis 1990, d'une main de fer et souhaite garder le contrôle et la stabilité de son pays. Donc on est sur une politique assez complexe dans laquelle il essaie de rester en dehors du jeu avec le Soudan. De temps en temps quand cela l'arrange, il interfère quand même dans ce pays mais le plus souvent il évite les conflits avec le pouvoir soudanais. 

- Idriss Déby est un dictateur ...

Oui on peut le dire sans réserve. Tout opposant au Président Déby au Tchad en matière politique ou comme défenseur des Droits de l'Homme, risque l'arrestation, la torture, la prison, pour ne pas dire l’exécution. C'est un reproche que l'on fait à la France assez souvent que de continuer à soutenir assez aveuglément ce pouvoir au nom de la stabilité. 

- Peut-on donc faire le lien entre le soutien de la France au Président Déby et les arrestations de trois opposants en France le 17 juin dernier ? 

C'est compliqué de donner une réponse péremptoire et décisive. On ne peut pas manquer d'être frappé par cette concordance. Le Président Déby a des craintes sur l'environnement soudanais. Il y a eu aussi un sommet de la Francophonie récemment à N'djamena, donc la période est suspecte. D'un autre côté, ce qu'il faut quand même dire, c'est que l'enquête menée par le pôle Crimes contre l'humanité du parquet de Paris est en cours depuis deux ans. Il y avait donc bien avant tout cela des motifs pour pouvoir poursuivre ces trois rebelles. Mais le choix du moment interpelle. Et s'il s'agit d'un nouveau coup de main politique donné par la France au Président Déby pour lui faire plaisir et lui montrer le soutien de la France, c'est une instrumentalisation de la justice qui serait redoutablement critiquable. Et ce qui est curieux, pour être tout à fait complet, c'est que personne n'a évoqué ce dossier ces dernières années. 

- Concernant Abakar Tollimi, président du Conseil National de la Résistance pour la Démocratie, arrêté en Mayenne à Laval, est-il possible que lui ou des membres de son parti aient pu commettre des exactions entre 2005 et 2010 ? 

Je pense qu'aucun des partis d'opposition au Tchad ne peut être qualifié de blanc comme neige. Des exactions on les trouve dans tous les bords. Moi je me contenterai d'évoquer la responsabilité pénale individuelle. Si on prend le cas de Tollimi, qui est un proche du général Mahamat Nouri (autre rebelle arrêté en France, ndlr) et qui appartient comme lui à l'Union des Forces pour la Démocratie et le Développement, ce sont des gens qui à titre individuel sont connus pour avoir commis des exactions en particulier en 2005 et 2010 (Abakar Tollimi n'a jamais été condamné par la justice française, ndlr), ce n'est pas nouveau. La justice en France se penche sur leur cas parce qu'ils sont en France. Et cette justice s'interroge sur leur implication dans le recrutement d'enfants soldats qu'on a mené dans des combats inter-ethnique soit dans l'est du Tchad ou dans la région voisine du Darfour. 

-Abakar Tollimi ne cesse pourtant de clamer son innocence. 

Je ne suis pas là pour dire qui est coupable. Ce sont des personnes qui ont été dans le collimateur des organisations de défense des Droits de l'Homme. Des dénonciations ont été faites, le palais présidentiel tchadien a été attaqué en 2008 par le général Nouri et c'était une tentative de coup d'État avec tout ce que cela peut entraîner comme violence. Moi je m'en tiens à cela. C'est à la justice d'investiguer et de dire s'il y a des preuves suffisantes d'implication de tel ou tel. 

- Ces opposants au pouvoir tchadien se trouvent en France et son menacés dans leur pays. La Fédération Internationale des Droits de l'Homme demande-t-elle à ce qu'ils soient protégés le temps de l'instruction ? 

Non car je pense que des gens à un tel niveau de représentation politique font l'objet déjà de surveillance (le général Nouri est en plus encore en détention provisoire, ndlr). Les services français sont davantage au courant que nous. La justice doit simplement poursuivre son travail. Sur les trois personnes interpellées, deux font l'objet de poursuite (mais pas Abakar Tollimi, placé sous le statut intermédiaire de témoin assisté, ndlr). J'espère qu'il n'y aura pas une instrumentalisation purement politique. 

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