- Accueil
- Auvergne-Rhône-Alpes
- Isère
- Infos
- Faits divers - Justice
- Assises de l'Isère : 10 ans de prison ferme pour actes de torture et séquestration
Assises de l'Isère : 10 ans de prison ferme pour actes de torture et séquestration
Après trois jours d'audience, la cour d'assises de l'Isère a condamné les deux accusés du procès dans l'affaire de torture et actes de barbarie commis en 2013. L'un est condamné, seulement pour recel à six mois ferme, l'autre pour séquestration et complicité de torture en bande organisée à 10 ans.

Pendant trois jours, ce procès a été comme une coupe archéologique dans le vécu du quartier Mistral. Il apporte la lumière sur l’organisation criminelle qui gangrène la vie de plusieurs milliers d’habitants. Retour sur tous ces détails qui éclairent la violence qui peut devenir extrême entre délinquants.
La loi du silence
Ici règne la loi du silence pour les habitants ordinaires. D’ailleurs Farid Boulassel a plusieurs fois regretté l’absence de témoins qui aurait conforté son point de vue. Idem pour la victime Faouzi Chouba qui avait désigné, au départ de l’enquête, quatre personnes qui l’avaient torturé puis il s’est rétracté "j’ai peur". Et encore le soir des faits, un frère de Chouba appelle, naïvement, la police pour annoncer qu’il a été relâché, que ce n’est pas grave et que ce n’est pas la peine d’enquêter.
Au début du procès, le capitaine Laurent David de la Police Judiciaire a relevé "une collaboration très faibles des victimes". Farid Ben Abdallah qui était avec Faouzi mais qui a réussi à fuir, n’a jamais répondu aux convocations des enquêteurs. Quand le président de la cour d’assises demande à Chouba le nom de celui qui l’a conduit à la clinique des Cèdres. Réponse : "c’est un père de famille. Je lui ai promis de ne jamais dire son nom".
La culture du silence est bien ancrée, dès le plus jeune âge ?
Et encore quand l’avocat général Benoit Bachelet demande à Faouzi Chouba : "Comment expliquer cet acharnement contre vous ? J’ai peur des représailles. J’ai dit que je ne veux pas parler". Quand on lui rappelle ses déclarations au début de l’enquête : "si je l’ai dit c’est totalement faux. Les détails, j’en ai élagué plus d’un."
Ici règne une justice parallèle
Ici règne la dérogation à la loi républicaine. Par exemple, le procès montre que ce sont les jeunes à scooters qui contrôlent les bus de la ligne 32. Le chauffeur de la ligne 32 raconte : "j’ai vu une personne ceinturée par deux jeunes. Il s’est enfuit. S’est jeté sur les essuie-glace du bus. Laissez-moi monter !"
Deux jeunes à scooter ont menacé le chauffeur : "Si tu le laisses monter, tu es mort" Ils ont bloqué le bus puis sont repartis. Dans le hangar où Faouzi est torturé, les dealers ont installé "le banc des accusés". En réalité, c'est un lit où Faouzi a été torturé pendant plusieurs heures.
"J’étais un mort vivant" dit-il pendant le procès "j’étais un bonhomme de sang". Dans les mois qui suivent, il se souvient : "Chaque jour de ma vie, si je pouvais ne pas me réveiller. Il fallait que je dorme toutes les deux heures, je ne pouvais même pas faire un calcul mental." Encore aujourd’hui, "quand je rentre dans un lieu public, j’ai l’impression que tout le monde sait ce qu’il m’est arrivé."
"Je monte dans la Kangoo de Boulassel, il verrouille les portes et pénètre dans le hangar. Plusieurs hommes cagoulés arrivent."
Faouzi Chouba avait connu Farid Boulassel dans un PMU au Clos d’Or, un quartier populaire de Grenoble. A la cour, il a raconté son calvaire : "Je monte dans la Kangoo de Boulassel, il verrouille les portes et pénètre dans le hangar. Plusieurs hommes cagoulés arrivent." Après avoir essayé de s’enfuir, il est attaché sur le banc des accusés. "Il y avait beaucoup de gamins. Mais pas que des gamins. Avec des pics, des sabres et l’un tenait un pistolet." Chouba est déshabillé, attaché sur un matelas ; 48 heures après la police trouvera du sang séché en abondance, mais pas le matelas.
Pourquoi deux jours après demande le président de la cour d’assisses ? "C’est le contexte du quartier" répond le commandant Bosch de la sûreté départementale. C’est "un microcosme bien particulier" dit un autre enquêteur. "Il y a tous les jours des interpellations", dit l’enquêtrice.
Le 16 avril 2013, 48 heures après les faits, une opération est donc organisée pour investir les sous-sols du 43 au 47 avenue Anatole-France, en dessous d’une ancienne boucherie. Une intervention qui se prépare avec plusieurs services de police. Pour pénétrer dans ce local, les forces de l’ordre ont dû passer par un logement. "Les dealers ont préempté certains locaux du bailleur social ACTIS, ils ont modifié les cloisons pour les transformer en supermarché de stupéfiants" décrit l’avocat général. Et en salle de torture ! Ce que Chouba appelle "le couloir de la mort".
"Si vous saviez la liste des escroqueries pour lesquelles j’ai été condamné."
Pour sa défense Farid Boulassel le répète tout au long du procès, pour minimiser ses responsabilités dans les actes de barbarie : "Je suis un spécialiste de l’escroquerie. J’ai eu quatre commissions rogatoires pour escroquerie, si vous saviez la liste des escroqueries pour lesquelles j’ai été condamné."
Faouzi Chouba arrive dans le quartier pour acheter des voitures avec Farid Ben Abdallah, un Lyonnais. Ce dernier arrive avec 38.000 euros en liquide alors qu’il n’a pas de revenus connu selon la justice. Leur contact c’est Farid Boulassel. Un ancien médiateur du quartier Capuche, qui n’a pas de profession connue au moment des faits et qui n’a pour toutes ressources que 1300 euros de la Caisse d’allocation familiale de l’Isère. C’est ce qu’il raconte au début de l’enquête. Devant la cour d’assises, il répète : "J’étais dans l’escroquerie, j’ai vendu des voitures au black. Je prenais une commission." Il reconnait avoir pris 500 euros pour la vente de la Kangoo qui intéressait Faouzi Chouba.
Dans ce trafic, tout converge vers Mistral. Le commandant Bosch de la sûreté départementale raconte : "des voitures revendues en toute impunité, ici on fait des certificats de session sur le capot des voitures qui sont revendues dans un garage" ailleurs dans la métropole. L’avocat général dans son réquisitoire, concluait : "ils sont capables de faire des faux papiers et d’écouler un véhicule en quelques heures".
La prison ferme
La Cour d’assises a donc suivi les réquisitions de l’avocat général, compte tenu de ses onze condamnations antérieures aux faits, de la gravité des actes de barbarie et qu'il ne prend pas conscience de ces actes, puisqu'il les nie, il fallait déclarer Farid Boulassel coupable selon lui. Alors bien-sûr l'accusé n'a pas torturé lui-même, ce sont certains dealers de Mistral dont la victime tait aujourd'hui les noms.
"Mais Boulassel, dit l'avocat général, fait partie d'une équipe structurée au tour du trafic de stupéfiant" Une équipe capable d'investir illégalement les bâtiments d'Actis et de les transformer pour en faire un supermarché de la drogue" et aussi une salle de torture. "Sans son intervention ces violences n'auraient jamais eu lieu" insiste Benoit Bachelet, et "peu importe que les auteurs principaux aient été identifiés".
Après trois jours d'audience, la cour d'assises de l'Isère a donc condamné les deux accusés : l'un, condamné seulement pour recel, à six mois ferme, l'autre pour séquestration et complicité de torture en bande organisée à 10 ans.
Ma France : s'adapter au coût de la vie
Vous constatez l'augmentation constante des prix et la diminution de votre pouvoir d'achat ? Vous avez trouvé des astuces, des bons plans, vous avez changé certaines de vos habitudes pour vous adapter à l'inflation ? Réparation, covoiturage, location, échanges de services... France Bleu, en partenariat avec Make.org , vous invite à partager vos idées originales et solutions concrètes du quotidien, et à donner votre avis sur celles d'autres citoyens. Trouvons ensemble les moyens de faire face à la vie chère !