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Atteinte à la dignité des détenus : très lente amélioration à la prison de Bédenac

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C'était au printemps 2021 : Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, lançait une alerte sur la prise en charge des détenus âgés au centre de détention de Bédenac (Charente-Maritime). Sept mois plus tard, la situation s'améliore, mais très lentement.

Olivier Falorni s'entretient avec un détenu de 90 ans, peut-être le plus âgé de France. "C'est perturbant" reconnaît le député. Pour ce vieil homme, la troisième demande de libération a été la bonne. Il rejoindra prochainement un ehpad. Olivier Falorni s'entretient avec un détenu de 90 ans, peut-être le plus âgé de France. "C'est perturbant" reconnaît le député. Pour ce vieil homme, la troisième demande de libération a été la bonne. Il rejoindra prochainement un ehpad.
Olivier Falorni s'entretient avec un détenu de 90 ans, peut-être le plus âgé de France. "C'est perturbant" reconnaît le député. Pour ce vieil homme, la troisième demande de libération a été la bonne. Il rejoindra prochainement un ehpad. © Radio France - Julien Fleury

C'était au printemps dernier : Dominique Simonnot, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), lançait une alerte, après une visite très inquiétante de ses services au centre de détention de Bédenac en Charente-Maritime. Une visite qui s'était concentrée sur un petit pavillon de cette vaste prison (près de 180 détenus) : l'unité de soins et d'autonomie. 20 lits destinés à accueillir des détenus âgés et dépendants, mais avec une prise en charge, notamment médicale, très insuffisante.

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Sept mois plus tard, le député PRG de la Charente-Maritime Olivier Falorni a lui aussi poussé la porte de cette unité, vendredi 19 novembre. Façon de nourrir les travaux de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les manquements et les dysfonctionnements de la politique pénitentiaire, commission dont il est secrétaire. Et le parlementaire n'a pas fait le voyage pour rien, tant les améliorations se font à toute petite vitesse.

"Etre confronté à un détenu de 90 ans, c'est perturbant"

"Bonjour ! Je suis M. Falorni, je suis député." Dans la petite cour de promenade de l'unité de soins et d'autonomie, Olivier Falorni s'entretient avec un homme de 90 ans. Peut-être le plus vieux détenu de France. "Vous avez fait une demande de libération ?" demande le député. "Plusieurs, lui répond le vieil homme. Les deux premières, c'était par visio, et elles ont été refusées. Mais hier matin, ma conseillère en insertion est venue me dire que c'était accepté, et qu'on m'envoyait en ehpad." Décision du juge d'application des peines, au vu de la dégradation de l'état de santé de ce détenu, constatée par un officier surveillant, dont le poste a été créé il y a quelques semaines pour l'unité de soins et d'autonomie.

Cette rencontre qui a de quoi ébranler le député charentais-maritime : "être confronté à un prisonnier de 90 ans, c'est perturbant, confie Olivier Falorni. Le point noir ici, c'est le suivi médical. Ils se plaignent de ne pas avoir dans un temps suffisamment rapide, accès à un médecin, un spécialiste." Un manque de prise en charge médicale et paramédicale pointée par le rapport de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, publié au mois de mai, et qui n'hésitait pas à parler d'"atteinte à la dignité, à la santé et à la sécurité" des détenus.

"Une personne incontinente reste dans son pipi du vendredi matin au lundi matin"

Et malheureusement, sept mois plus tard, la situation ne s'est pas beaucoup améliorée, malgré le recrutement de deux infirmières (1,4 équivalent temps plein). En revanche, le médecin de l'unité sanitaire, un intérimaire âgé de 72 ans, termine son contrat à la fin du mois, et le médecin hospitalier de Jonzac qui le remplacera ne sera sur l'établissement que deux jours par semaine. "On n'a pas le personnel pour aller faire des soins directement dans les cellules, comme le nécessitent beaucoup de patients, regrette une infirmière croisée dans le couloir. L'ADMR vient trois fois par semaine, on aimerait que ce soit plus mais visiblement ce n'est pas possible. Une personne incontinente, qui a des protections, reste dans son pipi du vendredi matin au lundi matin."

"On se sent mis dans les oubliettes" confirme un détenu, contraint de marcher avec un appareil à oxygène branché dans les narines. "Ici on n'a pas de médecin, ou alors il faut attendre trois semaines pour en avoir un. J'ai des problèmes d'artères, et je ne sais pas ce qu'il en est. Depuis six mois que je suis arrivé ici, je n'ai aucun traitement. Demandez aux autres : ce matin, j'étais incapable de marcher..." Voilà qui pose la question des suspensions de peine pour ces détenus âgés, constate le député Olivier Falorni. "Il ne s'agit pas pour moi de dire : celui-ci ou celui-là doit sortir, cela relève du juge. Néanmoins, il faut aussi regarder le réel. Un certain nombre de détenus ne sont pas traités dans le respect de la dignité."

L'unité de soin et d'autonomie apparaît très inadaptée pour la prise en charge de détenus vieillissants et dépendants. La faute au manque de soignants et de personnel pour effectuer des soins. L'enclavement de cette région rurale n'aide pas.
L'unité de soin et d'autonomie apparaît très inadaptée pour la prise en charge de détenus vieillissants et dépendants. La faute au manque de soignants et de personnel pour effectuer des soins. L'enclavement de cette région rurale n'aide pas. © Radio France - Julien Fleury

Des suspensions de peine qui s'accélèrent

Le rapport de la CGLPL a d'ailleurs provoqué une prise de conscience au sein de la justice. "Depuis, la juge d'application des peines est venue visiter le quartier" confie Eric Tardieu, le directeur de la prison de Bédenac. Façon de reconnaître le manque de compréhension des magistrats jusque là, face à la réalité de la santé très précaire des détenus. Peu aidée par le manque de médecins psychiatres, la justice avait tendance à s'appuyer sur des expertises anciennes pointant "dangerosité" et "risque de récidive" chez des détenus condamnés le plus souvent pour des crimes sexuels, mais très lourdement handicapés et affaiblis.

Résultat : depuis quelques mois, les suspensions de peine s'accélèrent, mais encore faut-il trouver des places à la sortie : "ce que nous disent les directeurs d'ehpad, c'est que même si eux n'ont pas de préventions, ni leurs personnels, ils imaginent comment ces placements vont être vécus par les familles des autres résidents, qui sont souvent des personnes vulnérables, souligne Marianne Vidal, directrice adjointe du SPIP, le service d'insertion et de probation de la Charente-Maritime. C'est sûr que l'étiquette "ancien détenu", ça peut être un obstacle."

Huit fois plus de détenus séniors

Des places, il faudra pourtant en trouver de plus en plus. Avec l'allongement des peines, le nombre de détenus de plus de 60 ans a été multiplié par huit en France, ces quarante dernières années, pour atteindre 2.800 personnes. En attendant, à Bédenac, les places libérées sont désormais attribuées à des détenus moins dépendants. Autre nouveauté liée au rapport de la CGLPL. "Pourvu que la nouveauté perdure" soupire le directeur de l'établissement Eric Tardieu.

Le centre de détention de Bédenac accueille près de 180 détenus. Essentiellement des personnes en fin de peine, libres de leurs mouvement à l'intérieur des hauts murs, et qui doivent ainsi préparer leur réinsertion.
Le centre de détention de Bédenac accueille près de 180 détenus. Essentiellement des personnes en fin de peine, libres de leurs mouvement à l'intérieur des hauts murs, et qui doivent ainsi préparer leur réinsertion. © Radio France - Julien Fleury

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