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Attentat de Conflans : sept personnes dont deux collégiens mises en examen
L'enquête progresse cinq jours après l'attaque contre le professeur Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Ce mercredi, le parquet national antiterroriste a fait le point sur le dossier. Sept personnes ont été mises en examen dans la soirée.

Après l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, l'enquête menée ces cinq derniers jours a permis de préciser le déroulement des faits avant la décapitation du professeur Samuel Paty vendredi 16 octobre. Le procureur du parquet national antiterroriste, Jean-François Ricard confirme ce mercredi que sept personnes ont été présentées à un juge antiterroriste dans la nuit de mardi à mercredi.
Ces sept personnes ont été mises en examen, dont six pour "complicité d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste". Il s'agit de deux collégiens qui auraient désigné le professeur au terroriste en échange d'argent, du père de famille qui s'était filmé sur Facebook pour dénoncer le cours sur les caricatures, de l'islamiste Abdellhakim Sefrioui, qui avait soutenu le père de famille et de deux amis du terroriste. Un troisième ami est, lui, poursuivi pour "association de malfaiteurs terroriste en vue de commettre des crimes d'atteintes aux personnes".
Les cinq adultes ont été placés en détention provisoire, les deux adolescents sont sous contrôle judiciaire.
Le rôle des suspects
Pour tenter de déterminer d'éventuelles complicités, au moins 16 personnes ont été interrogées dans cette enquête. Les policiers ont finalement levé la garde à vue de neuf d'entre-elles. Parmi les sept suspects encore entendus, deux mineurs. Voici les raisons pour lesquelles ils ont été déférés et mis en examen.
Deux collégiens auraient permis d'identifier physiquement l'enseignant
Les mineurs déférés sont deux élèves du collège de Samuel Paty, âgés de 14 et 15 ans. "Poursuivre deux jeunes dans un dossier terroriste, qui plus est criminel, n'est pas une chose inédite mais interroge", a précisé Jean-François Ricard. Ils sont soupçonnés d'avoir désigné l'enseignant à l'assaillant, en échange d'une somme d'argent de 300 à 350 euros. "Si l'auteur des faits bénéficiait du patronyme de l'enseignant, de la localisation du collège, il ne disposait pas des moyens lui permettant de l'identifier", a-t-il souligné.
Selon le procureur, l'assaillant, arrivé vers 14 heures devant le collège, a abordé un élève en lui offrant une somme d'argent pour qu'il l'aide à identifier Samuel Paty. Le collégien qui a reçu une partie de l'argent, accompagné d'un autre camarade, a ensuite donné une description physique. Abdoullakh A. leur a dit qu'il avait l'intention d'obliger le professeur à "demander pardon pour la caricature du prophète, de l'humilier et de le frapper". Ces deux collégiens se sont mis "peu après à l'écart avec l'assaillant afin, semble-t-il, de se dissimuler des caméras de surveillance et d'un véhicule de police en patrouille". Vers 17 heures, plusieurs élèves ont rejoint les deux adolescents et ont désigné l’enseignant au terroriste. Ce dernier a remis le reste de la somme au premier collégien avant de poursuivre Samuel Paty.
Deux amis de l'assaillant soupçonnés de l'avoir aidé dans l'attentat
Deux autres personnes sont soupçonnées d'avoir apporté une aide au terroriste dans la réalisation de son projet. Il s'agit de deux amis proches de l'assaillant. Ils ont avoué avoir constaté la radicalisation d'Abdoullakh A. depuis plusieurs mois. Selon le procureur, ils l'ont également tous les deux accompagné la veille des faits pour acheter le couteau retrouvé sur les lieux de l'attaque. L'un d'entre eux dit l'avoir également déposé près du collège de Conflans, avec sa voiture. Mais les deux hommes "contestent avoir eu connaissance des projets mortifères de leur ami".
Un troisième proche est également poursuivi. Il aurait eu des "contacts très rapprochés" et partageait la même "idéologie radicale". Deux des trois amis du tueur s'étaient livrés spontanément au commissariat d'Evreux vendredi soir.
Un parent d'élève mis en cause après la polémique sur les réseaux sociaux
Un parent d'élève a été aussi déféré dans cette affaire ce mercredi après avoir notamment diffusé une vidéo contre le professeur sur Facebook. Ce père a par ailleurs été soutenu par Abdelhakim Sefrioui, un militant islamiste radical, également en garde à vue. Ce dernier avait aussi diffusé quelques jours plus tôt une vidéo sur Youtube dans laquelle il dénonçait le professeur assassiné, qualifié de "voyou".
Une polémique a en effet éclaté sur les réseaux sociaux, après le cours sur la liberté d'expression de Samuel Paty. Dans des vidéos, le parent d'élève a notamment appelé à se mobiliser après ce cours. Il a aussi donné son nom avant de le supprimer. Le procureur a également relevé plusieurs fausses informations diffusées dans les messages de ce père : sa fille n'aurait jamais participé au cours d'éducation civique et son exclusion n'avait aucun rapport avec le cours du professeur tué. Le père d'élève a "réfuté toute volonté de violence à l'encontre de l'enseignant".
"Il est aujourd'hui clair que le professeur a été nommément désigné comme une cible sur les réseaux sociaux" par le parent d'élève et Abdelhakim Sefrioui "au moyen de manœuvres et d'une réinterprétation des faits", a résumé le procureur. Abdelhakim Sefrioui a lui "réfuté toute responsabilité dans le passage à l'acte" de l'assaillant.
L'enquête a également permis la mise au jour "de plusieurs contacts écrits et téléphoniques" entre le parent d'élève et le terroriste à partir du 9 octobre et jusqu'au 13 octobre, soit trois jours avant l'attaque. . Le père d'élève a assuré "avoir reçu des messages de soutien d'individus divers" dont l'assaillant dont il "ne se souvenait pas spécifiquement".
L'assassinat de Samuel Paty s'inscrit dans un "contexte d'appels aux meurtres" lancés depuis la republication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo début septembre, avant l'ouverture du procès des attentats de janvier 2015 à Paris, toujours en cours, a conclu le procureur antiterroriste.
Dissolution du collectif pro-palestinien Cheikh Yassine
En marge de l'enquête judiciaire, le conseil des ministres a prononcé la dissolution du collectif pro-palestinien Cheikh Yassine ce mercredi. Abdelhakim Sefrioui est le créateur de ce collectif "impliqué" dans l'assassinat de l'enseignant vendredi selon le gouvernement. "Nous avons ce matin prononcé la dissolution du collectif Cheikh Yassine, impliqué, lié à l'attentat de vendredi dernier et depuis bien longtemps le faux nez d'une idéologie antirépublicaine qui diffuse la haine", a indiqué le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Cette mesure s'ajoute à la fermeture prévue mercredi soir de la mosquée de Pantin pour avoir notamment relayé une vidéo dénonçant le cours de Samuel Paty, ainsi qu'aux "expulsions des personnes radicalisées en situation irrégulière".
Mardi soir sur BFMTV, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a justifié l'ensemble de ces mesures en assurant que c'était la première fois que "l'islam politique" avait "mené directement à un attentat". Il a également mis en avant la persistance de la menace terroriste en faisant valoir que "la question n'est pas de savoir s'il va y avoir un attentat, mais quand".