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Bas-Rhin : il saisit les Prud'hommes après 177 contrats en intérim chez le brasseur Kronenbourg
Le conseil de Prud'hommes de Saverne doit rendre ce mardi un jugement très attendu: il doit se prononcer sur l'histoire de Rabah Mekaoui. Cet ouvrier a travaillé près de 30 ans chez le brasseur Kronenbourg à Obernai, en accumulant 177 contrats courts. Une discrimination pour son avocate.

C'est en 2019, que Rabah Mekaoui s'est laissé convaincre d'agir. Lui qui jusqu'ici n'avait jamais rien dit, ni rien demandé. Lui qu'on surnommait "Ali" dans les ateliers, et qui n'avait jamais dénoncé l'ambiance et les remarques de ses collègues. Un jour il est allé voir celui avec qui il travaillait depuis des dizaines d'années, Bernard Schwartz, également délégué CGT, pour lui dire qu'il n'en pouvait plus.
Sale bougnoule !
"Il m'a dit, tu te rends compte ils me traitent de sale bougnoule" se souvient Bernard Schwartz, "Ils me disent que l'arabe il n'a qu'à aller ramasser les mégots. Qu'ils ne veulent pas qu'un arabe leur donne des ordres. Je suis là depuis 1986 et je n'ai jamais été embauché". Le syndicaliste est alors abasourdi : "Quand j'ai entendu tout ça j'avoue je me suis beaucoup énervé".
Une discrimination à l'embauche pour son avocate
Les deux hommes vont donc chez l'avocate strasbourgeoise, Me Nicole Radius. Au début, elle travaille à requalifier les CDD en CDI, avant finalement de saisir les Prud'hommes également pour discrimination à l'embauche : "la discrimination selon moi vise monsieur Mekaoui, mais pour moi elle est également systémique au sein de la production de Kronenbourg d'Obernai". Et d'ajouter : "J'ai pu consulter une partie du registre unique du personnel et, entre 2012 et 2020, aucun employé qui a un nom à consonance maghrébine n'a été embauché en CDI".
Il n'a jamais rien pu construire dans sa vie
Pour l'avocate, ce dossier est symbolique. Elle veut aussi souligner l'impact qu'a eu cette précarité sur la vie de son client : "Il n'a jamais pu acheter une maison, construire quelque chose. Il était toujours dans l'attente du contrat d'après et toujours dans l'espoir, déçu, d'être embauché. Sans parler du fait qu'il a raté toutes les vacances de ses enfants car il était obligé de travailler pendant les vacances d'été".
"C'est clair que tout ça lui a coûté beaucoup et notamment son divorce", ajoute son vieil ami, Bernard Schwartz. "Et puis aussi beaucoup d'argent, notamment pour la retraite. Kronenbourg savait très bien ce qu'il faisait. Ce qu'ils ont fait pendant des années, c'est des CDI déguisés".
De son côté Kronenbourg se refuse pour l'instant à tout commentaire tant que le jugement n'a pas encore été rendu.