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Ile de Ré : empêché de voir son père mourant durant le confinement, il réclame une indemnisation de l'Etat
C'était le 4 avril 2020, en plein confinement : un habitant du Loir-et-Cher se voyait refouler à un barrage sur l'île de Ré, empêché de partager les derniers moments de lucidité de son père mourant. Les excuses de la gendarmerie ne suffisent pas à ce fils éploré qui peine à faire le deuil.

Il avait été refoulé de l'île de Ré et n'avait pas pu faire ses adieux à son père mourant. Presque deux ans plus tard, un homme de 53 ans réclame à l'Etat une réparation financière de son préjudice moral. Patrice Dupas, vigneron installé dans le Loir-et-Cher, a pris un avocat qui devrait déposer un recours dans les tous prochains jours, comme l'ont révélé nos confrères de France 3.
C'était le 4 avril 2020, en plein confinement, et qui plus est au tout début des vacances de printemps. Déplacements interdits et des consignes d'intransigeance transmises aux forces de l'ordre. A l'entrée de l'île de Ré, un gendarme n'avait rien voulu entendre et ce fils en deuil avait été contraint de repartir, lesté d'une amende à 135 euros. Un traumatisme qui ne passe pas. L'histoire d'un deuil impossible.
"Je rêve que je force le barrage"
Régulièrement la nuit, Patrice Dupas fait ce même rêve : "Je force ce fameux barrage de gendarmerie à l'entrée de l'île de Ré". Ce qui lui permet de rejoindre son père vivant ses derniers instants à moins de deux kilomètres de là, sur la commune de Rivedoux. "Je sais bien que je ne serais pas allé très loin avec mon Scenic..."
Dernières retrouvailles empêchées par l'intransigeance d'un gendarme. "J'ai eu beau lui montrer la conversation que j'avais eu avec les gendarmes du Loir-et-Cher sur Messenger, qui eux m'assuraient qu'il s'agissait bien d'un motif de déplacement impérieux." Les coups de fil passés par la famille au maire de Rivedoux, à la préfecture de la Charente-Maritime n'y changent rien. "En préfecture ils ont traité ma belle-mère d'affabulatrice."
L'attestation rédigée en urgence par le médecin présent au chevet de son père n'aura pas plus de poids, pas plus que ses appels à la brigade de gendarmerie locale. Patrice Dupas rebrousse chemin "dans un état encore pire qu'à l'aller, je n'en ai pas dormi de la nuit". Quant à son père, il décède trois jours plus tard. "Quand mon père a su qu'on m'avait refoulé, il est parti en convulsions, et les médecins ont décidé de le sédater, avec l'accord de tout le monde." Coma dont il ne se réveillera pas.
Erreur de "compréhension"
Deux semaines plus tard, la gendarmerie reconnait publiquement une erreur de compréhension. L'amende de 135 euros est annulée. Mais Patrice Dupas souhaite plus : une distinction honorifique pour son père décédé, un ancien militaire. Il écrit un mail à Emmanuel Macron. La réponse tombe l'été dernier, négative : pas de légion d'honneur, réservée aux victimes de guerre.
Très déçu, le vigneron rédige alors une demande d'indemnisation. Cette fois le cabinet du président de la République lui fait part de ses "condoléances" et renvoie une nouvelle fois la balle à la préfecture. Pas de réponse à ce jour. En fin d'année dernière, Patrice Dupas prend un avocat. Ce dernier promet désormais un recours judiciaire, pour un "double préjudice moral" résumé par Patrice Dupas : "un père qui n'a pas pu voir son fils, et un fils qui n'a pas pu voir son père".
Patrice Dupas espère que cette procédure l'aide enfin à faire son deuil. "Je n'en veux pas au gendarme qui m'a contrôlé, assure-t-il, mais ce sont tous les services de l'Etat qui ont défailli. Pour eux c'est fini. Eh bien non, ce n'est pas fini."