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Ille-et-Vilaine : jugée pour l'assassinat de son mari, elle évoque des violences récurrentes

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Une femme de 45 ans est jugée depuis ce mardi, devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, accusée d'avoir tué son mari de 18 coups de couteau, en septembre 2018.

L'entrée de la salle d'audience de la cour d'assises d'Ille et Vilaine à Rennes au sein du parlement de Bretagne L'entrée de la salle d'audience de la cour d'assises d'Ille et Vilaine à Rennes au sein du parlement de Bretagne
L'entrée de la salle d'audience de la cour d'assises d'Ille et Vilaine à Rennes au sein du parlement de Bretagne © Radio France - Loïck Guellec

Ce 12 septembre 2018, les gendarmes sont appelés vers 22 heures, à Noyal-Châtillon-sur-Seiche (Ille-et-Vilaine). À l'autre bout du téléphone, une femme, paniquée, raconte que son mari est mort, poignardé à de nombreuses reprises. À l'arrivée des militaires, le corps de Jean-Pierre gît près du portail, torse nu. Sa femme, qui raconte être partie en urgence chez son fils, arrive, déposée par un automobiliste. Entendue en garde à vue, elle avancera d'abord la présence d'un homme masqué, qui l'aurait blessé au doigt, avant d'avouer : c'est bien elle qui est à l'origine de la mort de la victime. Vera Lucia, 45 ans, est donc jugée à partir de ce mardi devant la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, poursuivie pour assassinat. 

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Le début de la soirée n'a jamais vraiment varié. Ce soir là, cette femme, qui a la double nationalité française et brésilienne, voit son mari -avec qui elle est en instance de divorce- rentrer de son travail, chez PSA. Après le dîner, elle prend la voiture pour aller boire un verre à Rennes, mais fait finalement demi tour pour faire les tâches ménagères. Jean-Pierre est installé au rez-de-chaussée devant l'ordinateur et la télévision. Elle monte ranger du linge et redescend. C'est là, selon la version avancée par Vera Lucia, que son mari lance des insultes, des propos insultants. Jean-Pierre lui tord même le doigt pour la faire sortir du salon. 

Gants, couteau et masque de déguisement

Sauf que depuis des années, répète-t-elle encore ce mardi depuis le box des accusés, elle est victime de violences : verbales, physiques, psychologiques et même sexuelles. C'est la fois de trop. 

Elle remonte à l'étage, où se trouve leur enfant de sept ans. Dans la salle de bain, devant le miroir, "je me dis que ce n'était pas une vie, qu'on ne pouvait pas continuer comme cela." Vera Lucia, qui s'apprêtait à faire une teinture, porte des gants en latex. Elle s'empare d'un long couteau dans la chambre**, enfile des vêtements et des chaussures appartenant à son mari, met un masque de fantôme** ("de Scream", dira d'ailleurs un enquêteur appelé pour témoigner à la barre). Elle coupe l'électricité, pour forcer Jean-Pierre à venir voir ce qu'il se passe. 

"Je voulais me suicider"

C'est sur la suite, que s'opposent les versions. Elle l'assure, "je voulais me suicider, qu'il découvre que c'était moi après..." Mais rien ne se passe comme prévu. Jean-Pierre l'aperçoit. S'en suit une lutte, durant laquelle il reçoit un premier coup de couteau. Les relevés et l'autopsie permettront de déterminer qu'il meurt finalement poignardé à 18 reprises, entre l'arrière cuisine et la cour de la maison, près du portail, là où le corps sera retrouvé

À l'audience, Vera Lucia  reconnaît, "je lui ai donné un coup de couteau, après je ne m'en souviens plus." Elle répète ne pas avoir cherché à le tuer. Malgré les tentatives du Président, qui n'hésite pas à la bousculer, elle n'en dira pas plus. Il s'agace même, quand l'accusée ne regarde plus la cour et souffle, "je suis déjà jugée". 

La version de l'accusée questionnée durant l'audience

"18 coups de couteau, et vous ne vouliez pas le tuer ?" interroge l'avocat de la famille de Jean-Pierre, Maitre William Pineau. Il lance : "Si vous avez vécu ses violences, vous avez le droit de les évoquer. Si vous ne les avez pas vécues, vous faîtes quelque chose de difficilement acceptable, vous vous en rendez compte ?" "Oui", répond Vera Lucia. 

Des interrogations, car Jean-Pierre est décrit par beaucoup comme un homme discret, gentil, effacé derrière sa femme, qui prend soin de son fils et de ceux de sa compagne, issus de précédentes unions. Quelques mois avant les faits, malgré la procédure de divorce lancée, il emmène même sa femme à l'aéroport alors qu'elle part en vacances au Brésil avec son nouveau compagnon. Un portrait qui tranche avec ce que raconte l'accusée, les coups, les brûlures de cigarettes ou de fer à cheveux, les viols dans le sommeil. 

L'accusée risque la prison à perpétuité

L'avocate du fils du couple, Maître Solène Bourrouillou interroge : "Il était là ce matin, il est venu car il a besoin de savoir, besoin de comprendre. Qu'est-ce que je lui dis ce soir ?" "Que son père a fait du mal à sa mère", répond Vera Lucia. 

L'avocate de la défense, Gwendoline Tenier, elle, tente de faire entendre l'état de sa cliente, ce qu'elle raconte avoir vécu. "Dans d'autres circonstances, la parole des femmes est entendue, là, elle ne l'est pas." Elle amène sa cliente à revenir sur les tentatives de suicide en prison. "Je ne méritais pas d'être en vie, j'ai retiré la vie d'un homme." Pourtant, "le fait que vous ayez subi cela, cela ne justifie pas, cela n'excuse en rien", souligne son avocate. "Non", reconnait l'accusée. Son procès doit durer jusqu'à vendredi. Elle encourt la réclusion criminelle à perpétuité.

Plusieurs numéros existent pour venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales
Plusieurs numéros existent pour venir en aide aux femmes victimes de violences conjugales © Radio France - Radio France
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