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Incendie à Lubrizol : les pompiers de Seine Maritime racontent leur "guerre"
Ils sont arrivés les premiers sur les lieux. Les pompiers de Rouen gardent un souvenir intense de l'incendie à Lubrizol le 26 septembre 2019. 15.000m² en feu au sein d'une usine chimique : l'intervention sera longue et périlleuse. Témoignages de ces soldats du feu.

Sapeur-pompier à Rouen, Nicolas Pourchot est de garde cette nuit du 26 septembre 2019. Son fourgon est le premier à quitter la caserne Gambetta. En 15 ans de métier, c'est la première fois qu'il est confronté à un incendie de cette ampleur. Il n'hésite pas à parler de "situation de guerre". Une guerre contre le feu qui va durer 12 heures.
Les premiers pompiers arrivent à l'usine Lubrizol un peu avant 3 heures du matin. Ils savent déjà que leur dispositif est dépassé. "On était sur un feu qui était déjà d'une dimension folle et qui était en train de s'étendre. On est typiquement sur l''image de la lave en feu. Les premiers canons incendie qui ont été posés, ils ont brûlé et on n'a rien retrouvé", raconte le commandant de sapeurs-pompiers Eric Tirelle, en poste également à la caserne Gambetta.
Sur place, l'urgence est d'abord d'évacuer, avec le personnel de Lubrizol, les 60 tonnes de pentasulfure de phosphore, un produit hautement inflammable dont les fumées peuvent s'avérer mortelles. Les pompiers doivent composer aussi avec les déflagrations en continu, durant plusieurs heures. Ce sont les fûts d'hydrocarbures qui explosent sous l’effet de la chaleur et retardent l'extinction du feu : "On ne pouvait pas trop s'approcher à cause des effets missiles dus aux projections de morceaux de fûts, qui auraient pu nous blesser. Ça nous a valu plusieurs replis en phase d'attaque", se souvient Nicolas Pourchot.
Très vite, les réserves d'eau sur le site de Lubrizol s'épuisent. Un manquement pointé par la direction régionale de l'environnement (DREAL) dans son procès verbal en novembre dernier. Les pompiers se refusent, eux, à accuser l'industriel. "Les réserves sont là pour éteindre un feu naissant et un tel feu n'était pas imaginable", explique le commandant Tirelle.
Dans le ciel, le panache de fumée ne cesse de s'étendre. Des analyses de l'air sont réalisées une heure vingt après le début de l'incendie. Eric Tirelle, spécialiste en risques chimiques, est aux commandes : "Les mesures qu'on a pu faire, à hauteur d'homme et dans la limite de ce qu'on sait faire, ne présentait pas de caractère de danger immédiat pour la population." Le préfet de Seine-Maritime décide donc de ne pas donner l'alerte en pleine nuit. Pour ne pas créer de mouvement de panique et encombrer les routes.
29.000 litres d'eau par minute au plus fort de l'incendie
Les renforts de sapeurs-pompiers arrivent de partout, des départements limitrophes comme des industries de la vallée de la Seine. Au plus fort de l'incendie, ils sont jusqu'à 276 à éteindre le feu. Les ports de Rouen et du Havre envoient aussi trois remorqueurs incendie, qui puisent directement dans la Seine. C'est là que la bascule se fait, quand arrive ce dispositif hydraulique de grande puissance. En milieu de matinée, les pompiers passent à l'attaque et les chiffres sont à l'image de la guerre qu'ils mènent : 15 kilomètres de tuyaux déroulés ou encore 29.000 litres d'eau (soit l'équivalent d'un camion) déversés chaque minute.
En début d'après midi, les pompiers parviennent à vaincre le "monstre", comme ils l'appellent. 12 heures seulement après leur arrivée et c'est une "vraie prouesse", précise le commandant Tirelle. "Sur ce genre de feux très techniques, il faut habituellement 24 ou 36 heures." L'autre fierté, c'est qu'il n'y a pas de blessés. Ni dans la population ni chez les pompiers.
Les 900 agents engagés sur le terrain ont tous bénéficié d'un suivi médical, avec trois prises de sang étalées sur six mois. Aucun sapeur-pompier ne présente à ce jour de problème particulier, selon le SDIS 76. Gérald Le Corre, de l'Union départementale de la CGT de Seine-Maritime, reste sceptique : "L'ordonnance délivrée aux pompiers ne change pas de celle pour un feu ordinaire. Là, on est en présence de multiples produits chimiques et on n'a pas recherché tous les marqueurs pour avoir un véritable suivi."
Quelques jours après l'incendie, des pompiers se sont inquiété de ne pas avoir été assez protégés. La question est "légitime", pour le commandant Tirelle. Un retour d'expérience est en cours au sein du SDIS et une enquête est diligentée par un cabinet d'expertise extérieur. Et l'officier des sapeurs-pompiers de rappeler : "Comme le dit le directeur départemental, tout n'a pas pu être parfait. Il y a peut-être eu des expositions mais comme on a communément sur incendie. Toutes les fumées sont toxiques. C'est un vrai sujet, pris en compte par la profession aujourd'hui et pas que sur Lubrizol."
Un an après l'incendie, l'officier et l'homme de rang partagent avant tout le même sentiment : celui d'une réussite collective. "Des fois, on fait tout pour et ça ne marche pas. Là, ça a marché. On avait une bonne étoile ce jour là".
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