VIDÉO - Incendies sur les montagnes basques : "C'est le chaos total"
Le feu qui a parcouru 700 hectares dans les massifs de La Rhune et Xoldokogaina entre Sare et Urrugne ce week-end a laissé place à un spectacle de désolation : animaux morts, terre noircie. C'est un patrimoine exceptionnel qui a brûlé avec des conséquences lourdes pour ses usagers. La colère gronde.
Sept cents hectares parcourus par les flammes au nord de la Bidassoa, plus du double de l'autre côté de la frontière. Le bilan comptable des incendies du week-end au Pays Basque est éloquent. Son constat visuel est affligeant. Le magnifique massif verdoyant de La Rhune est totalement noirci sur son versant ouest, du côté d'Ascain. Le Xoldokogaina, abritant le prisé col frontalier d'Ibardin, est sinistré.
Des animaux pris au piège
Alors que l'enquête de gendarmerie débute à peine, que les cinq municipalités (Ascain, Biriatou, Ciboure, Sare et Urrugne) se concertent pour s'exprimer d'une seule voix, et que l'Office Nationale des Forêts a commencé, sur place, les constatations des dégâts, ceux-ci provoquent d'ores et déjà colère et consternation de nombreux habitants, usagers des massifs et associations de protection de l'environnement.
Si un drame humain a heureusement été évité, une centaine de randonneurs ayant pu être évacués, de nombreux animaux ont en revanche été pris au piège. Les dégâts sont plus importants du côté de Vera de Bidassoa, en Navarre, mais des cadavres de pottoks et de brebis ont également été découverts dans le secteur du lac de Xoldokogaina (ou lac d'Ibardin).
Les apiculteurs impactés
Peu nombreux, ce sont les plus visibles des victimes. Mais la biodiversité a été gravement touchée. Des milliers d'insectes, coléoptères, petits animaux ont été tués et les végétaux en grande partie calcinée. "Une fois que les flammes sont passées, il n’y a plus de vie, il n’y a plus rien pour se nourrir, c’est le chaos total", déplore Mikela Untsain, apicultrice bio qui a du déplacer en toute urgence la quinzaine de ruches qu'elle installe habituellement sur le col de Saint-Ignace.
Ce "chaos" va forcément impacter l'activité des apiculteurs sur le massif. Ils sont 4 professionnels à exploiter des ruchers sur le secteur. "C’est un site naturel qui est magique pour la production de miel", explique Clara qui vient tout juste de créer son entreprise à Ascain, "L'abeille étoile", et n'a dû le sauvetage de ses 15 ruches sur La Rhune qu'à la solidarité d'habitants venus lutter contre les flammes samedi. "Avant que la bruyère ne refleurisse et ne redonne des fleurs mellifères, il va se passer au moins 3 ans", renchérit Mikela Untsain.
Les éleveurs de pottoks, symbole de La Rhune, le lieu le plus visité des Pyrénées-Atlantiques, s'attendent eux aussi à souffrir. "Les parties qui ont brûlé vont être nocives au pâturage" des chevaux, explique Jean-Michel Lopez. L'éleveur azkaindar, installé depuis 52 ans sur les flancs de la montagne, explique que "la première herbe qui va pousser, rapidement, les pottoks vont aller dessus et, comme il y a de la cendre, les juments gestantes risquent d’avorter."
Jean-Michel Lopez, éleveur de pottoks, est attristé par l'incendie qui a ravagé La Rhune
Des conséquences pour les éleveurs de pottoks
Lui aussi estime de 2 à 3 ans le délai pour revoir une herbe verte et abondante. « D’ici là, il va falloir serrer la ceinture. » Mais ce qui chagrine le plus cet éleveur dont la maison donne sur les flancs désormais noircis de La Rhune, c'est de voir ce patrimoine défiguré : "Je suis attristé, reconnait Jean-Michel Lopez. _Et puis la façon de faire aussi,_c’est dégueulasse. Il faut bien nettoyer les endroits mais pas comme ça."
Il n'est pas le seul à être en colère. Si l'enquête est toujours en cours et que l'hypothèse d'un feu pastoral (dit aussi "écobuage", même si le terme est galvaudé) non déclaré et non maîtrisé n'est pas encore avérée, on a pu apercevoir ce samedi, alors que le département était placé en alerte orange aux vents forts, les fumées recouvrir plusieurs massifs montagneux, du Labourd à la Haute-Soule en passant par la Basse-Navarre, sur des terrains asséchés par une semaine de vent du sud et des températures très supérieures à la moyenne saisonnière.
Les feux pastoraux dans le viseur
Des associations de défense de l'environnement, comme la SEPANSO 64, membre de France Nature Environnement, saisissent la balle au bond pour relancer le débat sur l'encadrement strict, voire l'interdiction de ces pratiques de défrichage pour les besoins du pastoralisme. Le collectif Su Aski, spécialisé dans la lutte contre ces feux pastoraux tels que pratiqués de nos jours et encouragés, dit l'association, par les primes de la Politique Agricole Commune (PAC) européenne, a de nouveau écrit au préfet pour lui demander d'agir.
"Est-ce qu’on ne pourrait pas nettoyer ces montagnes autrement ?", s'interroge de son côté Mikela Untsain. L'Azkaindar constate comme beaucoup que la tradition de l'écobuage a changé. Elle était autrefois pratiquée en groupe, casse-croûte partagé, sur des parcelles restreintes et délimitées. A l'époque, les troupeaux et les agriculteurs ne manquaient pas sur La Rhune.
"C’est vrai qu’il y a de moins en moins d’agriculteurs qui vont "faire la fougère" parce qu’il n’ont pas les moyens, pas suffisamment d’aide, ça prend beaucoup de temps, reconnait l'apicultrice. Mais n’y a-t-il pas un autre moyen pour entretenir ces montagnes ? » Et de glisser l’idée d'un écopastoralisme à la charge de la collectivité : des troupeaux de chèvres pour débroussailler les massifs.