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"J'espère que les âmes des morts des attentats viendront réveiller les accusés toutes les nuits "

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C'est en ces termes que l'amiénois Hacène Ayad, père de Thomas Ayad tué au Bataclan lors des attentats du 13 novembre 2015, s'est exprimé mardi devant la cour d'assises spéciale de Paris. Elle juge en ce moment vingt personnes pour ces attaques qui ont fait 131 morts et près de 500 blessés.

Hacène Ayad, le père de Thomas Ayad, tué au Bataclan le 13 novembre 2015 Hacène Ayad, le père de Thomas Ayad, tué au Bataclan le 13 novembre 2015
Hacène Ayad, le père de Thomas Ayad, tué au Bataclan le 13 novembre 2015 © Radio France - Claudia Calmel

Il a témoigné devant la cour d'assises spéciale de Paris, devant laquelle se tient en ce moment le procès des attentats du 13 novembre 2015. L'amiénois Hacène Ayad, le père de Thomas Ayad, tué par les terroristes au Bataclan a été entendu à l'audience mardi. Thomas Ayad avait 32 ans. Il travaillait pour le label Universal qui produisait le groupe "Eagles of Death Metal", qui était en concert ce soir-là. Hacène Ayad lui a donc rendu hommage devant la cour.

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Cela va bientôt faire six ans, jour pour jour, que les attentats du 13 novembre ont eu lieu. Et 6 ans que vous attendez de pouvoir vous exprimer devant un tribunal. Qu'est-ce que vous avez ressenti mardi, quand vous avez été appelé à la barre? 

Je suis passé par tous les états : d'abord, il a fallu préparer cette intervention et la préparation a été compliquée. Je crois que j'ai fait 17 versions de ce témoignage, en me disant ‘c'est trop long’, ‘c'est trop court’, ‘c'est trop direct’ ou ‘ce n’est pas assez précis’, etc. C’était une tâche compliquée, mais en même temps nécessaire : ça m'a permis de clarifier dans ma tête le message que je voulais faire passer. Et pour moi, il était nécessaire de pouvoir présenter, pour la première et la dernière fois, la personne qu'est mon fils, nos attentes, mais aussi nos déceptions. 

Qu'est-ce que vous avez voulu dire par le biais votre témoignage ? 

Je crois qu'il y a eu deux parties. La première a été de raconter comment les choses se sont passées, mais aussi toutes les émotions et les galères qu'on a et qu'on a eues. Et la deuxième partie a plutôt été une réflexion sur ce que nous sommes aujourd'hui et la difficulté dans laquelle on se retrouve quand on est musulman et quand on a des personnes qui se réclament de cette religion et qui des atrocités. 

Quand on parle au nom de l'islam et qu'on le fait par la violence, on porte un discrédit complet sur l'ensemble des musulmans. Et ça, c'est une catastrophe.

Comment avez-vous réussi à aborder la question de la religion devant le tribunal ? 

J'ai essayé d'interpeller les accusés : comment peuvent-ils parler au nom de tous les musulmans ? La notion de courant est très importante dans l'islam : il y a quatre grands courants, chaque courant est divisé, subdivisé en dix ou quinze écoles différentes. Se dire ‘je vais parler au nom de tous ces gens’, c'est une aberration. Mais surtout, quand on parle au nom de l'islam et qu'on le fait par la violence, on porte un discrédit complet sur l'ensemble des musulmans. Et ça, c'est une catastrophe. Je suis français, je ne suis pas pratiquant, mais je me sens concerné.

L'objet de votre témoignage était aussi de parler de Thomas, votre fils. Qu'est-ce que vous avez voulu dire de lui ?

C'est un mec fantastique, mon fils. Il avait 32 ans. C'était quelqu'un qui aimait la vie, qui travaillait à Universal Music et qui était baigné dans le monde de la culture. Il avait cette ouverture sur le monde qui était extraordinaire et il était en train de fonder sa famille. Et ça a été un coup d'arrêt fou, donné par des gens qui se revendiquent de « je ne sais pas quoi » et qui ont fait 131 morts et plus de 500 blessés. J'espère tout simplement que les âmes de ces morts viendront réveiller les accusés tous les soirs. Et pour le restant de leur vie. »

Savez-vous si votre message a suscité des réactions parmi les accusés ? 

Oui, il y a eu des réactions de la part de celui qui est le dernier survivant de la bande [Salah Abdeslam, ndlr]. Mais c'est un homme qui n'a aucune épaisseur, qui n’a rien. Il représente la barbarie pour moi. Il n'a pas plus d'intérêt que ça.

Qu’attendez-vous de ce procès ?

Ce que j'attendais, je l’ai en partie déjà obtenu. J'attendais d'avoir une vision globale de ce qu’il s’est passé et j’ai pu l’obtenir grâce à l'ensemble des témoignages que la cour a entendus. Ce sont des témoignages d'une puissance extraordinaire. Il y a eu des moments où je suis parti parce qu'il y avait un trop plein. Je n'en pouvais plus, je ne pouvais plus entendre ça. Un trop plein de tout, d'émotions, de dégoût, de rage. Mais chaque témoignage nous apportait un morceau du puzzle qu'on a commencé à reconstituer. Et ça, c'est un élément fondamental.

Ce procès soulève aussi la question d'éventuels manquements des services de renseignements. C'est quelque chose qui vous interroge? 

Oui, comme tout le monde. On est tous interpellés : les services savaient qu'il allait y avoir des attentats. Tout le monde le savait. Mais personne ne savait ni quand, ni comment, ni où cela se produirait. On espère que pendant de ce procès, on aura quelques réponses. 

Y a-t-il un moment ou un témoignage que vous retenez particulièrement de ce procès ?

Il n’y en a pas un, il y en a des dizaines. Je suis le père d'un garçon qui a été tué. J'ai donc un problème de deuil à porter. Mais d’autres ont été touchés dans leur propre corps, leurs esprits ont été détruits. Sauf qu'ils sont encore vivants. Et eux, ils vont traîner ça toute leur vie. C'est pas du tout la même approche que pour moi. Je me souviens par exemple du témoignage de Gaëlle, une jeune femme qui a été opérée quarante fois et qui doit encore être opérée. Ça me bouleverse parce que c'est une bataille du quotidien, qu’elle va devoir mener encore longtemps. Nous, il faut qu'on fasse notre deuil. Eux, il faut qu'ils portent ces évènements sur eux. 

L'interview d'Hacène Ayad est a réécouter ici : 

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