Menus de substitution supprimés à Chalon-sur-Saône : le tribunal administratif va trancher
Après le rejet d'un premier recours devant le tribunal administratif de Dijon l'été dernier, une nouvelle audience avait lieu ce vendredi. A l'origine du recours, la Ligue de défense des musulmans présidée par Karim Achoui a désormais des motifs d'espoir avant le jugement de lundi.

Le tribunal administratif de Dijon se prononcera ce lundi matin sur la suppression des menus de substitution dans les cantines de Chalon-sur-Saône. Depuis le 29 septembre 2015 et une décision du conseil municipal, les restaurants scolaires de la ville ne proposent plus de menus différenciés aux enfants de confession musulmane les jours où du porc est servi à la cantine. Une mesure de laïcité selon le maire Les Républicains Gilles Platret. Une mesure discriminatoire et illégale, estime de son côté la Ligue de Défense judiciaire musulmane (LDJM), qui demande son annulation. Deux conceptions de la laïcité qui se sont à nouveau affrontées ce vendredi lors de l'audience devant le tribunal administratif de Dijon.
Vers l'annulation de la décision de la mairie chalonnaise ?
Même si cette fois, la justice pourrait bien donner raison à l'association de défense des musulmans. S'appuyant sur les conclusions de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, et celles du Défenseur des droits, le rapporteur public estime en effet que la suppression des menus de substitution répond à une "position de principe" sur la laïcité, non pas à un souci d'organisation du service public de restauration scolaire. Surtout, elle ne prend pas assez en considération le "caractère primordial" de l'intérêt supérieur de l'enfant. En conséquence, il conclut à son annulation.
Maître Nicolas Gardères apprécie. A la barre, l'avocat, qui représente la LDJM, frappe d'autant plus fort sur Gilles Platret, taxé d'opportunisme politique : "On le sait bien, le fond de cette affaire, c'est de dire aux musulmans : vous êtes des anormaux, c'est d'humilier les enfants, de dire y'en a marre des musulmans." Il en appelle donc à une décision claire du tribunal, assez claire "pour éviter de donner des idées à d'autres communes d'emboîter le pas" à Chalon-sur-Saône.
Laïcité contre laïcité
Mais le président du tribunal administratif n'est pas tenu de respecter la conclusion du rapporteur public, et cela, la défense le sait parfaitement. D'ailleurs à la barre, Maître Philippe Petit l'avocat de la ville de Chalon ne s'en laisse pas compter. "L'intérêt de l'enfant n'est pas en cause", dit-il, ils sont bien traités, bien nourris", ils ont double ration de légumes les jours où il y a du porc. Et puis surtout, ils ne sont plus "fichés", "stigmatisés", puisque tous les élèves prennent leur repas en commun. C'est le sens de la laïcité à la française.
Un Etat qui sera à terme un Etat théocratique
"La position de Gilles Platret et de son conseil municipal, c'est qu'on ne prend pas en considération le critère religieux, je crois que cette position est essentielle pour le respect du vivre ensemble et de la démocratie. on peut y voir une posture politique, moi j'y vois une posture juridique indéboulonnable. Et c'est une règle qu'il faut qu'on conserve tous, sinon on va au devant d'un Etat qui ne sera plus laïc, qui sera à terme théocratique."
Argumentation qui fait sourire Nicolas Garderes. C'est un "travestissement" de la notion de laïcité : "ça fait 40 ans que c'est comme ça (que l'on sert des menus de substitution dans les cantines françaises, ndlr), et ça n'a jamais posé de problème ! Pourquoi on vient emmerder les musulmans et les enfants musulmans sur ce sujet ? Ma conception de la laïcité, c'est une méthodologie de la coexistence pacifique. Ce n'est pas une négation des autres religions que la religion catholique, ce n'est pas pour discriminer, ce n'est pas pour tout interdire". Le fondement de cette laïcité, pour l'avocat, c'est la neutralité, et le respect de la liberté de conscience et de culte.
Vide juridique
Au terme des débats, le président du tribunal administratif a remis le jugement au lundi 28 août, en précisant que la cour était dans "l'innovation complète' en la matière, puisqu'il n'existe pour l'heure aucune jurisprudence sur ce sujet. Quoi qu'il en soit la décision fera sans doute l'objet d'un appel, c'est donc le Conseil d'Etat qui devrait avoir le dernier mot dans cette affaire.