"900 euros la chambre" : un immeuble insalubre loué par un marchand de sommeil à Saint-Denis
Une grande opération de police en lien avec la mairie de Saint-Denis et le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis) a été menée, ce jeudi 21 janvier 2021, dans un immeuble insalubre de la ville, loué par un marchand de sommeil à plusieurs locataires notamment des familles avec enfants. Reportage.
Les signalements ont été faits il y a quelques mois déjà, par des voisins mais aussi par des locataires, eux-mêmes, croisés dehors lors du premier confinement par des policiers. Ils avaient expliqué aux fonctionnaires qu'ils préféraient rester dehors plutôt que d'être confinés à l'intérieur de cet immeuble. Le commissariat avait donc alerté la mairie.
Conditions d'hygiène déplorables
L'opération de ce matin, qui a démarré à 7 heures, avait pour but d'établir un premier constat sur place. Une quinzaine d'agents de la police nationale, ceux de la ville et un représentant du parquet de Bobigny étaient présents pour dresser un premier bilan, affligeant : toilettes dans la cour totalement bouchés par les excréments, humidité dans les chambres, fenêtres cassées, branchements électriques défectueux, bouches d'aération de fortune... Les conditions d'hygiène et de sécurité ne sont clairement pas respectées.
900 euros de loyer pour une chambre
Au total, une vingtaine de logements seraient loués, à une soixantaine de locataires au moins, des familles syriennes notamment. Dans l'une de ces pièces, on croise justement une maman syrienne avec son bébé de deux mois dans les bras. Elle est installée sur un matelas de fortune, posé au sol, son autre enfant dort sur un matelas. Au total, ils sont six à occuper cette pièce d'à peine 20 mètres carrés pour un loyer de 900 euros.
D'autres locataires sont sous tutelle et ont été "envoyés" ici. C'est le cas d'Alain, 55 ans, qui vit dans une seule pièce. "Regardez, les prises électriques juste à côté du robinet, s'il y a de l'eau dessus, ça pète". Il affirme avoir alerté et demandé des travaux au propriétaire "mais il ne fait rien, il me bluff, il me baratine !" Alors, aujourd'hui, il est soulagé de voir les services de la ville prendre en main les choses. D'autres habitants n'osent pas parler par peur de représailles et de se retrouver à la rue. Ils sont peu nombreux à vouloir porter plainte.
"Pire que ce qu'on imaginait"
Katy Bontinck, première adjointe au maire de Saint-Denis, en charge notamment de la lutte contre l'habitat indigne, s'est rendue sur place pour constater elle même la situation. "C'est pire que ce qu'on imaginait, à la fois dans la vulnérabilité des familles présentes, et des conditions de vie... on est bien dans l'indignité totale", reconnaît l'élue qui promet aux locataires de les "sortir d'ici".
"900 euros la chambre" : un immeuble insalubre loué par un marchand de sommeil à Saint-Denis
Mais pour l'instant, la procédure n'en est qu'à ses débuts. Il faut déterminer le nombre précis de logements, de locataires et quels contrats les lient avec le propriétaire, si contrat il y a. Ce dernier sera entendu prochainement. D'après nos informations, il aurait déjà été condamné dans une affaire d'escroquerie et serait dans le viseur de la mairie depuis plusieurs mois. Si relogement des locataires il y a, ce sera à sa charge en théorie. Mais au vu de la situation, une procédure d'évacuation en urgence pourrait être envisagée.
20% de logements indignes à Saint-Denis
À Saint-Denis, plus de 20% du parc privé est considéré comme de l'habitat indigne, selon les estimations de la mairie. Dans certains quartiers, notamment le centre-ville ancien, on grimpe à 30%, soit 5.500 logements concernés. "C'est un phénomène massif à Saint-Denis", reconnaît Katy Bontinck qui rappelle que la lutte contre ces marchands de sommeil est l'une des priorités de la nouvelle municipalité.
"Un phénomène massif" - Katy Bontinck, première adjointe au maire de Saint-Denis