Passer au contenu

Le média
de la vie locale

Publicité
Logo France Bleu

Tours : le Airbnb du sexe tournait à plein régime depuis des années

Par

Une quinzaine de jours après l'opération de police qui a permis de démanteler un hôtel de passe, rue Richelieu en plein centre-ville de Tours, les riverains reconnaissent savoir ce qu'il s'y passait depuis des années. Une prostitution itinérante, les Sex-Tours, difficile à endiguer.

Dans ces deux immeubles de la rue Richelieu, à Tours, des prostituées de passage louaient des appartements à la semaine. Les riverains reconnaissent être au courant depuis des années.
Dans ces deux immeubles de la rue Richelieu, à Tours, des prostituées de passage louaient des appartements à la semaine. Les riverains reconnaissent être au courant depuis des années. © Radio France - Pierre-Antoine Lefort

Dans ces deux bâtiments gris, situés au 19 au 23 de la rue Richelieu, en plein centre-ville de Tours, l'activité est beaucoup plus calme depuis mardi 16 octobre. Ce jour là, les policiers effectuent une descente, dans ce qui s'avère être un véritable hôtel de passe. Sept ou huit logements, loués à la semaine à des prostituées de passage, pendant des années. 

Publicité
Logo France Bleu
C'est dans ces appartements que les prostituées recevaient leurs clients, rencontrés sur internet.
C'est dans ces appartements que les prostituées recevaient leurs clients, rencontrés sur internet. © Radio France - Pierre-Antoine Lefort

Ces filles, originaires d'Amérique du Sud, n'y restaient que quelques semaines, un mois tout au plus. A 300 euros la semaine, le double du prix du marché, elles trouvaient un toit où réaliser leurs prestations tarifées avec des clients rencontrés sur internet.  Certaines arrivant même directement de l'aéroport. "Elles venaient chez moi pour appeler le taxi", reconnait un riverain. Il souhaite rester anonyme, comme de nombreuses personnes croisées à proximité. "On n'est pas idiot, tout le monde le savait, il y avait un va et vient incessant."

Un phénomène connu dans le quartier

Eric, qui travaille à quelques dizaines de mètres, confirme. "Je les voyais entrer dans les immeubles, ressortir, aux yeux de tout le monde, c'était connu depuis à peu près quatre ans", explique-t-il. " Elles étaient tellement habillées comme pour aller sur un boulevard ou dans le bois de Vincennes, il n'y avait pas photo, elles ne se cachaient pas."

Situés à 200 mètres de l'Hôtel de police, les deux immeubles dédiés à la prostitution ont pu prospérer durant des mois. Personne n'a rien dit de ce qu'il se passait derrière les murs délavés. "Moi la première, reconnait Catherine. J'aurais pu aller à la police pour leur en parler. Je ne l'ai pas fait. On voyait bien qu'il se passait quelque chose de pas net, dans cet immeuble. Au début on pensait à une sorte de sous-location un peu louche. On voit les choses, mais on ne fait rien. Pourtant, je me suis inquiétée pour ces femmes."

Une forme de prostitution difficile à déceler 

C'est finalement grâce à une dénonciation anonyme auprès du Groupement d'Intervention Régional, le GIR, qu'une enquête a été ouverte début 2018. Elle aura duré plusieurs mois avant de déboucher à l'opération du 16 octobre. Deux personnes ont été mises en examen pour proxénétisme aggravé. Le propriétaire des immeubles, un homme de 55 ans résidant à Chanceaux-sur-Choisille, et sa salariée, 55 ans elle aussi, originaire d'Indre-et-Loire. Ils ont été placés sous contrôle judiciaire. 

Les prostituées louaient les appartements à la semaine, pour 300 euros, soit le double du prix du marché.
Les prostituées louaient les appartements à la semaine, pour 300 euros, soit le double du prix du marché. © Radio France - Pierre-Antoine Lefort

Cette forme de prostitution, loin des réseaux habituels et moins visible que les files de caravanes ou le racolage sur le bord des routes complique le travail des associations qui interviennent auprès des prostituées. A l'antenne tourangelle du Mouvement du Nid, on reconnait avoir été alerté sur ces situations. "Ce n'est pas un phénomène nouveau, mais il prend de l'ampleur", explique Magalie Besnard, salariée de l'association. "Les réseaux organisent la gestion des annonces sur internet, celle des agendas des personnes, fixent les rendez-vous aux clients.

Le mouvement confirme l'utilisation d'appartements ou d'hôtels par les réseaux, où les travailleuses du sexe viennent par roulement. "Ils déplacent très rapidement les personnes, d'un bout à l'autre de la France, en fonction notamment des grandes manifestations. Ils cherchent à tromper la vigilance des forces de l'ordre pour éviter d'être repérés. "

Selon une étude du Mouvement du Nid dans la Région Centre Val-de-Loire, en 2013-2014, 25% de la prostitution se faisait sur internet. En 2015, la part a bondi à 62%. En Indre et Loire, il y aurait 217 cas de prostitution avérée. "C'est seulement la partie visible de l'Iceberg", assure Magalie Besnard. Les chiffres seraient largement sous-estimés. 

Publicité
Logo France Bleu