Un homme se présentant comme un journaliste d'Azerbaïdjan en exil cible d'une fusillade près de Toulouse
vendredi 30 mars 2018 à 11:20 - Mis à jour le samedi 31 mars 2018 à 18:12 Par Stéphanie Mora, Clémence Fulleda et Bénédicte Dupont, France Bleu Occitanie et France Bleu
A Colomiers ce vendredi, un homme a ouvert le feu sur un couple en voiture. A l'intérieur se trouvaient Rahim Namazov, et son épouse. Elle est décédée, lui se trouve dans un état grave. L'homme se présente comme un journaliste en exil mais il y a de nombreuses zones d'ombre sur son parcours.
Toulouse, France
Les coups de feu ont été tirés avenue Blaise Pascal à Colomiers. _"Deux fois quatre coups", r_aconte une voisine à France Bleu Occitanie. Un peu avant 9h, un homme descend de son véhicule (alors que son complice reste lui à l'intérieur, non loin) et tire avec une arme de poing sur la voiture de Rahim Namazov, 39 ans. Son épouse, Aïda, 39 ans également, a succombé d'une balle dans la tête, lui est hospitalisé à Purpan, à Toulouse, dans un état grave, touché au dos, son pronostic vital est engagé. Le couple habite dans une résidence de Colomiers.
Parents de trois enfants, un adolescent et deux petites filles absents au moment des faits, originaires d'Azerbaïdjan, ils bénéficient du statut de réfugié en France depuis 2012, précise le parquet de Toulouse.
Faux journaliste, vraies menaces
Le parquet ajoute qu'il "avait reçu une plainte, le 13 mars dernier, de l'avocat du couple dénonçant notamment la commission de menaces de mort proférées par téléphone". En accord avec le parquet de Bordeaux, celui de Toulouse s'est dessaisi au profit de la Juridiction Interrégionale Spécialisée. Tout cela laisse penser qu'il s'agirait d'un règlement de comptes.
Quant au parcours de Rahim Namazov, il reste flou, tout comme ses activités à Toulouse. Cet homme aurait été emprisonné, menacé de mort puis expulsé de son pays et serait arrivé à Toulouse il y a huit ans. Rahim Namazov se présente comme un journaliste en exil, notamment dans une vidéo publiée sur Youtube en 2010. Il raconte qu'il a commencé son métier de journaliste en 1988, et qu'il a commencé à "Alillar, une publication qui soutient les invalides de guerre".
Il poursuit : "Dans mon journal j'ai écrit qu'il y avait des élections truquées et illégales. J'ai donné les résultats à l'avance. C'est pour cela que j'ai été arrêté trois fois, emprisonné 10 jours de suite à chaque fois. On m'a passé à tabac, on m'a cassé une dent. Ils m'ont prévenu : 'après les élections, tu vas mourir et ta famille aussi. (...) Après ces menaces, j'ai décidé de m'enfuir." Il précise qu'en Azerbaïdjan, "les journalistes on les assassine ou on les met en prison." Ce que confirme Reporters Sans Frontières. "Là-bas, une quinzaine de journalistes sont derrière les barreaux, beaucoup d'autres sont contraints à l'exil. C'est le 162e pays sur 180 dans notre classement de la liberté de la presse", explique Johann Bihr, spécialiste de la zone que France Bleu Occitanie a contacté.
Mais ce dernier dit surtout que pour RSF, "il n'y a rien qui nous permette de faire le lien entre ce qui s’est passé et de quelconques activités journalistiques." RSF précise qu'il aurait simplement participé à la rédaction de bulletins militaires. Autrement dit, Rahim Namazov ne serait pas journaliste, même s'il s'est présenté comme tel.
A-t-il défié la mafia?
Khadija Ismaïlova, une journaliste d’investigation connue de RSF et emprisonnée plusieurs fois en Azerbaïdjan, affirme sur facebook que Rahim Namazov a usurpé la fonction de journaliste pour obtenir l’asile en France.
Il a prétendu être quelqu'un de la mafia. (...) Il s'est confronté sur Youtube/Instagram à un vrai mafieux - Loto Guli- récemment sorti de prison. Chacun a promis de tuer l'autre. (...) Cet assassinat était peut être une vengeance. Ce qui est sûr c'est qu'il n'était pas journaliste. Khadija Ismaïlova, journaliste en Azerbaïdjan
Réputation sulfureuse à Colomiers
La réputation de Rahim Namazov à Colomiers ne plaide pas en sa faveur. D'après nos informations, une main courante a été déposée contre lui en août dernier par un membre d'un centre de loisirs où va sa fille. L'Azeri avait proféré des menaces de mort par téléphone après que l'animateur lui ait demandé pourquoi son fils de 14 ans venait chercher sa petite sœur en conduisant lui-même une Audi. Aux alentours, l'homme circulait régulièrement au volant de grosses voitures, une Audi et une Jaguar notamment.