Malgré cinq appels au Samu, une femme meurt d'un infarctus dans le Territoire de Belfort : une enquête ouverte
Une plainte pour homicide involontaire a été déposée après la mort d'une habitante de Lachapelle-sous-Chaux, dans le Territoire de Belfort. Le 14 septembre, cette retraitée de 62 ans est morte d'un infarctus. Le Samu est intervenu presque une heure après le premier appel au 15, le numéro d'urgence.

Le centre d'appel du 15 de Besançon a-t-il fait une faute dans la prise en charge d'une patiente dans le Territoire de Belfort? C'est toute la question que pose Anne-Sophie Forni, après la mort de sa mère, Edith Greffier, 62 ans. Cette habitante de Lachapelle-sous-Chaux est morte le 14 septembre à l'hôpital de Trévenans, victime d'un infarctus. Or, lors de sa prise en charge par les secours, le médecin du Samu a diagnostiqué une gastro.
Une plainte a été déposée contre le 15 pour homicide involontaire et une enquête a été ouverte indique ce jeudi le procureur de la République de Belfort.
Le Samu intervient quasiment une heure après le premier appel de la famille de la victime
"Oui bonjour, je suis chez mes parents et j'ai ma maman qui se sent pas bien. Elle a des grandes douleurs dans le bras, elle a vomi également et elle a du mal à respirer". Le 14 septembre dernier, à 15h22 à la Chapelle-sous-Chaux, dans le Territoire de Belfort, Anne-Sophie Forni compose le 15 pour signaler aux secours que sa mère se sent mal : le médecin au bout du fil diagnostique une gastro-entérite, mais envoie au domicile familial une ambulance privée.
Un peu moins de 30 minutes après le premier appel, la situation s'aggrave, la retraitée est en arrêt cardiaque. Sa fille appelle à nouveau le centre d'appel : sa mère ne respire plus, elle est en arrêt cardiaque. Le Samu est alors mobilisé. Entre temps, les ambulanciers arrivent, tentent de réanimer la victime en attendant l'intervention d'un médecin.
Les extraits de l'appel d'Anne-Sophie Forni au SAMU à écouter ici
Le Samu arrive finalement 25 minutes après le premier arrêt cardiaque de la retraitée, et un peu moins d'une heure après le premier appel de la fille de la victime. Un transfert à l'hôpital de Trévenans est décidé : les médecins annoncent alors à la famille la mort d'Edith Greffier.

La famille a dû prendre en charge la réanimation de la victime
"Ce qu'on a vécu, je ne vais pas vous décrire toutes les scènes, mais c'est inimaginable. Vous n'imaginez pas le traumatisme que c'est" : explique Anne-Sophie Forni avoir commencé un massage cardiaque pour tenter de sauver sa mère, face à l'absence des secours. "Si on avait eu une prise en charge avant (...) je n'aurais pas eu à faire ce que j'ai eu à faire, je n'aurais pas eu à voir et à gérer ce que j'ai vu et vécu".
Une erreur de diagnostic à l'origine de ce drame?
Si une enquête est encore en cours pour tenter de faire la lumière sur les circonstances de ce drame, la famille de la victime se pose la question du diagnostic. Pour Anne-Sophie Forni, sa mère ne pouvait pas être victime d'une gastro, mais bien d'un début d'infarctus : "Je pense que j'ai été très claire, par rapport et aux symptômes et à tout ce que j'ai expliqué, je pense que toute personne aurait compris la situation. Je pensais à un infarctus et je ne suis pas médecin".
Selon nos sources, il pourrait s'agir d'une erreur dans le diagnostic. "Le travail de régulation est un exercice difficile, mais on peut se poser des questions sur le fait qu'avoir mal au bras par exemple est un signe d'un infarctus" souligne un professionnel de santé qui ne veut pas que son nom soit cité.

La direction de l'hôpital de Besançon réagit dans un communiqué
Le CHU de Besançon indique ne pas pas être en mesure de réagir "compte tenu de la procédure d'enquête judiciaire", mais affirme dans un communiqué que "les différentes étapes du processus de prise en charge par le Centre 15 ont été pleinement respectées par les personnels concernés qui ont agi avec professionnalisme". Par ailleurs "une analyse de la prise en charge de Madame Greffier est en cours en interne".
Le symbole d'un mal-être dans la profession?
Sous couvert d'anonymat, un professionnel de santé s'interroge sur les raisons d'un tel diagnostic : "Une enquête est en cours, mais cette mort peut devenir le symbole de la désorganisation de la prise en charge médicale. On craque. C'est un symbole, car nous sommes en sous-effectif, sous pression permanente. Nous recevons énormément d'appels, sommes sous tension, et nous travaillons dans un climat où l'erreur est plus que possible".
Aurélie Jeangerard, belle-fille de la victime, pose également la question des conditions dans lesquelles la médecin régulateur a établi son diagnostic : "Est ce qu'elle était en fin de journée, en fin de service, a-t-elle enchaîné sa deuxième journée? Peut-être qu'à ce moment là elle était moins attentive et qu'un drame s'est produit? Nous les usagers, on a du mal à l'entendre. On le voit à la télé, on l'entend à la radio, mais, en attendant, cela pose la question du service des urgences et endeuille des familles".
A ce sujet, la CFDT du centre d'appel d'urgences de Besançon n'a pas souhaité réagir: "Il faut laisser la justice instruire l'affaire et, à ce moment là, on pourra discuter du diagnostic, du jugement".
Une enquête de 3 mois dans le service l'an dernier pour risques graves
Une source syndicale rappelle qu'en 2018, une enquête pour "risques graves" avait été ouverte en interne dans le service des Urgences de Besançon, dont le centre d'appel du 15 fait partie, à la demande du CHSCHT. Un cabinet extérieur avait été mandaté. A l'issue de cette enquête, 63 mesures avaient été annoncés et une enveloppe de plus de 7,5 millions d'euros avait été débloquée par la direction, avec pour objectif de rénover les infrastructures : la réfection de locaux, ou achat de matériel comme des casques neufs ou des chaises neuves.