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Violences conjugales : "Plus de trois plaintes supplémentaires par jour depuis deux ans" en Loire-Atlantique

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En Loire-Atlantique, environ 4.600 femmes sont victimes de violences conjugales. Qu'est-ce que la justice fait pour leur venir en aide ? Nous avons posé la question au procureur de la République de Nantes, Renaud Gaudeul, pour la journée de lutte contre les violences faites aux femmes.

Renaud Gaudeul, le procureur de la République de Nantes Renaud Gaudeul, le procureur de la République de Nantes
Renaud Gaudeul, le procureur de la République de Nantes © Radio France - Pascal Roche

D'après les estimations, environ 4.600 femmes sont victimes de violences conjugales en Loire-Atlantique. Comment sont-elles prises en charge par la justice ? Avec quels moyens et quelle efficacité ? Nous avons posé la question au procureur de la République de Nantes, Renaud Gaudeul, invité de France Bleu Loire Océan, ce jeudi, pour la journée de lutte contre les violences faites aux femmes.

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En deux ans, le nombre de plaintes a augmenté de 20 à 25%

Avec le Covid-19, avec les confinements, encore davantage de femmes ont été victimes de violences. Dans quelle mesure à Nantes et en Loire-Atlantique ? "C'est un chiffre qui n'est pas facile à donner. Ce qui est certain, c'est qu'au cours des deux dernières années, on évalue l'augmentation du nombre de plaintes que nous avons reçues de l'ordre de 20 à 25%, ce qui est considérable. Mais quand je vous disais que c'est un chiffre qui n'est pas facile à interpréter, c'est parce qu'on ignore quelle est la part qui est due aux faits nouveaux et notamment le confinement. Mais en revanche, on sait que le confinement a joué sur l'évolution de ce chiffre, et qu'il y a eu effectivement une augmentation qui est due à ce confinement puisque qu'il y a eu plus de promiscuité et par conséquent, malheureusement, dans certains couples, plus de violence. Mais nous avons également parallèlement un autre mouvement qui s'est greffé, qui est celui de ce qu'on appelle traditionnellement le mouvement Mee too de libération de la parole. De sorte que nous avons incontestablement, me semble-t-il en tout cas, plus de femmes - puisqu'il s'agit pour l'immense majorité de femmes qui sont victimes de ces violences - plus de femmes qui se rendent dans les services de police et de gendarmerie et qui libèrent la parole, qui viennent pour déposer plainte pour ce type de faits. Ce qui, évidemment, ce qui va dans le bon sens".  

Un défi pour toute la chaîne judiciaire

Est ce que derrière, la justice a les moyens de prendre en charge toutes ces victimes, de condamner tous ces auteurs de violences ? "C'est un véritable défi, très clairement, quand vous avez l'augmentation de 20 à 25% du nombre de plaintes que nous avons. Il faut quand même imaginer qu'ici, ça représente plus de trois plaintes que nous avons à traiter par jour. Par jour ! Tout cela, évidemment, s'accumulant à tout le reste que nous avons déjà à traiter. Et donc, ça représente un véritable défi pour toute la chaîne judiciaire. Depuis les services d'enquête qui ont subi ce travail supplémentaire qui doit impérativement être réalisé, parce que c'est une priorité absolue pour tous. Mais encore une fois, ce n'est pas neutre parce que ce sont des procédures qui demandent du temps. Et c'est d'ailleurs bien souvent ce qui était reproché aux services de police et gendarmerie, à juste titre, par les victimes. C'est le manque de temps, le fait de ne pas prendre le temps suffisant pour recueillir la plainte, pour accueillir convenablement les victimes, pour les orienter correctement."

Faire en sorte que toutes les mesures puissent être prises, lorsque, c'est nécessaire pour protéger la victime

Parce que c'est difficile pour une victime d'oser parler, de se dire "je vais peut être devoir quitter mon domicile, partir avec mes enfants. Est ce que je vais garder la garde ?" Il y a aussi un accompagnement des victimes à faire, plus qu'un simple recueil de plainte et qu'une simple procédure judiciaire pour une affaire de vol par exemple. "Les exigences vis à vis de la justice, vis à vis de la chaîne judiciaire ne sont plus du tout aujourd'hui les mêmes. Le cœur de métier du parquet, par exemple, c'est celui de poursuivre les auteurs d'infractions. Aujourd'hui, ce n'est plus du tout seulement cela qui est demandé au parquet. Ce qui est demandé au parquet, c'est également de veiller à l'accompagnement des victimes, de faire en sorte que toutes les mesures puissent être prises lorsque c'est nécessaire pour protéger la victime. De faire en sorte, par exemple, que l'on délivre des téléphones grave danger, ce qu'on appelle les TGV, au profit de ces victimes. Et en ce domaine là, le parquet de Nantes, me semble-t-il, est à la pointe puisque nous avons un nombre de dispositifs qui sont mis à disposition des victimes, qui est un des plus importants de la région." 

Des téléphones gave danger et des bracelets anti-rapprochement

C'est efficace ces téléphones grave danger ? "Alors, nous avons les téléphones grave danger d'un côté. Nous avons aujourd'hui, de manière supplémentaire, également les bracelets anti-rapprochement, qui sont un dispositif encore plus protecteur. Là aussi avec une augmentation exponentielle des dispositifs qui sont ainsi alloués aux victimes, puisque nous en sommes aujourd'hui à quasiment une vingtaine. Ce sont des dispositifs qui montrent leur efficacité pour certaines victimes. Je dis bien pour certaines victimes, parce que le premier retour que nous pouvons avoir, c'est que certaines victimes, encore une fois, se sentent beaucoup plus protégées. Et tant mieux. Et il ne faut pas imaginer qu'il y a uniquement le dispositif qui est donné. Il y a également tout l'accompagnement social, l'accompagnement par les associations qui sont là, qui sont présentes, qui sont très présentes ici sur ce territoire et qui sont là pour entourer les victimes".

Mettre les informations en commun

Depuis votre arrivée au tribunal de Nantes à la rentrée, vous avez mis en place un comité de pilotage pour mieux prendre en charge les violences conjugales. Pour que les différentes forces de l'ordre, la justice communiquent mieux, soit plus efficace ensemble. "Tout à fait. C'est un comité de pilotage que je souhaitais absolument mettre en place et qui a vu le jour depuis tout récemment, la semaine dernière. Et je dois dire que j'ai été très favorablement impressionné par la volonté de tous ceux qui étaient autour de la table pour mettre en place précisément ce comité de pilotage et en comprenant quel est l'intérêt de ce comité de pilotage. Ce que l'on sait, c'est que trop souvent, nous avons différents interlocuteurs, différents personnes qui ont des informations qui ont chacun leurs informations, mais qui ne les partages pas. L'objectif ? L'objectif est de mettre en commun ces informations pour être plus efficace".

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