Coronavirus : ce que l'on sait du vaccin des laboratoires Pfizer et BioNTech
Les laboratoires Pfizer et BioNTech ont annoncé ce lundi que leur vaccin développé contre le coronavirus était "efficace à 90%". Mais comment fonctionne-t-il ? France Bleu fait le point.
C'est une nouvelle "encourageante" pour la lutte contre l'épidémie de coronavirus : les laboratoires Pfizer et BioNTech ont annoncé ce lundi que leur vaccin était efficace à 90%. Ces deux laboratoires en sont à la phase 3, la dernière avant une demande d'homologation. L'efficacité de ce vaccin a été mesurée en comparant le nombre de participants infectés par le nouveau coronavirus dans le groupe qui a reçu le vaccin, et dans celui sous placebo, "sept jours après la deuxième dose" et 28 jours après la première.
Pour développer ce vaccin, les deux laboratoires se sont basés sur une toute nouvelle technologie, dite de l'ARN messager.
Une technique innovante
Les vaccins ont tous le même objectif : entraîner notre système immunitaire à reconnaître le coronavirus, lui faire monter ses défenses de façon préventive, afin de neutraliser le vrai virus s'il venait à nous infecter. Mais cette fois, au lieu d'injecter le virus, ce vaccin fait pénétrer dans l'organisme des brins d'instructions génétiques, appelées ARN messager. Il s'agit de la molécule qui dit à nos cellules ce qu'il faut fabriquer.
Nos cellules étant des mini-usines de protéines, l'ARN messager du vaccin prend le contrôle de cette machinerie afin de fabriquer un antigène spécifique du virus : la "spicule" du coronavirus, la pointe qui se trouve à sa surface et lui permet de s'attacher aux cellules humaines pour les pénétrer. Cette pointe sera alors détectée par le système immunitaire qui va produire des anticorps, et ces anticorps vont rester, montant la garde pendant, on l'espère, une longue durée.
Premier avantage : le risque de développement infectieux est évité. Ensuite, avec cette méthode, c'est notre organisme qui fait tout le travail, pas besoin de cultiver un pathogène en laboratoire. D'où la rapidité de sa mise au point. "Les vaccins ARN ont pour particularité intéressante de pouvoir être produits très facilement en très grande quantité", résume à l'AFP Daniel Floret, vice-président de la Commission technique des vaccinations, à la Haute autorité de santé.
Un vaccin qui doit être stocké à très basse température
Mais cette technique étant très récente, elle pourrait provoquer des effets secondaires, comme une réponse immunitaire trop importante. Et surtout, les doses doivent être conservées à très basse températures, entre -20 et -70 degrés. Cela impose donc de mettre en place une logistique importante.
A l'heure actuelle, aucun vaccin à ADN ou ARN n'a été approuvé pour l'homme. Des vaccins à ADN existent en revanche à usage vétérinaire : chevaux, chiens, ou encore saumons.
Mais si la technologie était prouvée, cela pourrait ouvrir la voie à de nombreux autres vaccins : le laboratoire Moderna développe notamment depuis des années des vaccins à l'ARN messager contre Zika, la grippe, le virus d'Epstein-Barr (mononucléose), le virus respiratoire syncytial (bronchiolite...), mais aussi contre des cancers.
Une nouvelle "encourageante"... mais prudence
Le directeur général de l'OMS, l'Organisation mondiale de la santé a salué sur Twitter "les nouvelles encourageantes en matière de vaccin". "Le monde connaît une innovation et une collaboration scientifique sans précédent pour mettre fin à la pandémie !", a-t-il ajouté. L'infectiologue, François Bricaire, estime lui aussi qu'il s'agit d'une "avancée" : "90%, c'est bien, ce n'est pas parfait mais pour un vaccin de ce type, c'est tout à fait correct". Il émet toutefois des réserves : "Il faut être sûr que ce vaccin assure une protection de qualité", et pour lui "si on veut qu'il soit accepté, il doit être impeccable en matière de tolérance".
Et attention, l'ensemble des données n'a pas encore été publié, souligne Eleanor Riley, professeur d'immunologie et de maladies infectieuses à l'Université d'Edimbourg. Elle rappelle notamment qu'on ignore "la gravité des cas (de Covid) observés au cours de l'essai".
Prudence également de mise pour Alain Astier, membre de l’Académie nationale de pharmacie. "Pfizer dit que dans l'essai clinique, qui compte 45.000 personnes, il y a une variété ethnique. C'est important parce qu'un sujet d'origine africaine ou européenne ou latino-américaine ne répond de la même manière. Par contre ce qu'on ne sait pas, c'est est-ce que des personnes à risques plus jeunes et très âgées sont incluses également parce que le caractère de dangerosité dépend de l'âge de la personne. Donc, 90% cela semble intéressant mais il faut être prudent", a souligné Alain Astier interrogé sur franceinfo.
Des millions de doses commandées
Sur la base de projections, Pfizer et BioNTech prévoient de fournir jusqu'à 50 millions de doses de vaccins dans le monde en 2020 et jusqu'à 1,3 milliard de doses en 2021. En juillet, les Etats-Unis avaient annoncé vouloir obtenir 100 millions de doses du potentiel vaccin. Le Japon a également conclu un accord avec les deux entreprises pour s'assurer 120 millions de doses.
Du côté européen, l'Union avait elle aussi conclu fin septembre un accord préliminaire avec les deux laboratoires. Et elle a annoncé ce lundi vouloir finaliser "bientôt"une commande pour acheter jusqu'à 300 millions de doses. Mais l'Agence européenne des médicaments (EMA) doit encore analyser les données cliniques, qu'elle n'a pas reçues. Après l'avis de l'EMA, ce sera à la Commission européenne de trancher sur la mise sur le marché d'un vaccin dans l'UE.