Covid-19 : "Anxiété, ennui, isolement", toutes les conditions étaient défavorables à la lutte contre le tabac
La crise sanitaire a poussé de nombreux Français à commencer ou reprendre la cigarette, ou augmenter leur consommation de tabac, selon Santé publique France. Le professeur amiénois Gérard Dubois, membre de l'Académie nationale de médecine, nous donne quelques conseils et explications.
La cigarette tue 75.000 personnes chaque année en France, "200 par jour", détaille le professeur Gérard Dubois, membre de l'Académie nationale de médecine, professeur de santé publique à la faculté de médecine d'Amiens, président d'honneur de l'alliance contre le tabac et du comité national contre le tabagisme, invité sur France Bleu Picardie ce lundi à l'occasion de la journée mondiale sans tabac. Selon la dernière enquête de Santé publique France, en 2020 plus d'un quart des Français adultes ont dit avoir fumé tous les jours, la baisse du tabagisme a été stoppée nette pendant cette année de crise.
"C'est parfaitement logique, analyse-t-il. Cette épidémie a été un choc terrible pour la société française. Les Français ont été confinés chez eux, source d'anxiété, ils se sont ennuyés, ils ont été isolés, ils n'ont plus été en contact avec leur famille, ils étaient toute la journée chez eux pendant des périodes longues. Au travail vous ne pouvez pas fumer tout le temps, chez vous, vous fumez quand vous voulez. Donc toutes les conditions étaient défavorables et il est même quelque peu étonnant que les résultats ne soient pas pire."
L'enquête de Santé publique France relève aussi une augmentation du tabagisme chez les personnes les plus précaires et les plus pauvres. "C'est la population qui est la moins sensible aux messages, aux éléments sur lesquels on peut agir. Mais il faut savoir que les 10 dernières années, même dans cette population, le tabagisme baissait. Or les plus précaires ont été les moins protégés par cette crise du Covid-19, et cela se ressent sur leur tabagisme. Il ne faut pas prendre les gens pour des idiots, ce sont des victimes."
"Ce qui est important, c'est de reprendre la course" contre le tabac, poursuit le professeur. "Il faut savoir que la dépendance au tabac peut être aussi intense que la dépendance à l'héroïne. Face à un héroïnomane, on ne lui dit pas 'y'a qu'à arrêter', ceux qui peuvent arrêter seuls l'ont déjà fait, les autres il faut les aider. Grâce à la mise à disposition des substituts nicotiniques. On peut les obtenir en pharmacie sans prescription."
Pour arrêter de fumer, il faut "prendre son temps"
Le professeur Gérard Dubois n'a qu'un conseil pour arrêter de fumer : prendre son temps. "Le plus souvent, le fumeur qui veut arrêter veut aller trop vite. Il doit prendre son temps et ce n'est pas un signe de faiblesse que de recourir à une aide. Cette aide peut être prolongée, tranquille, lente, l'important c'est qu'on n'ait plus envie de fumer. Il faut le faire tranquillement, ne pas se dire 'je vais le faire en un mois'".