EN IMAGES - Expédition scientifique inédite dans la ville la plus haute du monde au Pérou
Du 28 janvier au 3 mars, 15 chercheurs et médecins de l'Université de Grenoble Alpes, de l'Inserm et du CHU de Grenoble vont étudier l'impact de la vie en altitude sur la santé de la population de La Rinconada, la ville la plus haute du monde à 5.300 mètres d'altitude, dans les Andes péruviennes.

À plus de 5.300 mètres d'altitude, l’être humain ne peut pas vivre normalement. Il souffre d'hypoxie, c'est-à-dire d'un manque d'oxygène au niveau des tissus de l'organisme. On parle aussi de mal aigu des montagnes, le fameux MAM que les alpinistes connaissent bien !
Pourtant, dans la ville la plus haute du monde, la Rinconada, au Pérou, ils sont 50.000 habitants, venus là pour gagner leur vie dans les mines d'or, creusées dans la montagne. Alors comment se sont-ils adaptés -ou pas- avec un taux d'oxygène réduit de 50 % par rapport au niveau de la mer ?
Comment ces hommes peuvent-ils vivre et travailler à une telle altitude ?

Mesurer et comprendre cela, c'est l'objectif de la mission scientifique de ces chercheurs grenoblois, dirigés par le chercheur de Inserm, Samuel Vergès : "Nous sommes la première équipe scientifique à nous rendre dans cette ville, isolée de tout. Depuis deux ans, nous avons noué des liens avec un médecin péruvien qui vient bénévolement visiter la population, ainsi qu'avec des autorités minières. Cette population n'a pas de suivi médical et le quart souffre de problèmes liés à une intolérance au manque d'oxygène. Nous voulons mieux comprendre ce phénomène et ainsi aider la population à mieux affronter ce mal chronique des montagnes."
Le manque d'oxygène provoque des maladies cardiovasculaires
Aucune étude épidémiologique n'a été menée sur les habitants de La Rinconada. La plupart sont des hommes, plutôt jeunes, il y a aussi des femmes et des enfants. On ne connait pas leur espérance de vie mais l'on sait que certains souffrent de maladies cardiovasculaires liées aux manque d'oxygène : "En haute altitude, le sang fabrique plus de globules rouges. Il devient épais. Le cœur se fatigue plus vite. Cela provoque des accidents cardiaques, des AVC...", souligne Samuel Vergès.

Pour réaliser tests, prélèvements et mesures en tous genres, l’équipe va faire appel à 80 Péruviens volontaires, dont 40 habitants de la Rinconada. Elle va installer sur place un laboratoire éphémère de physiologie et biologie humaines, elle apporte dans ses bagages plusieurs centaines de kilos de matériel high tech. "Nous allons faire des analyses génétiques, cardiovasculaires, des études à l'effort, ou pendant le sommeil", explique Samuel Vergès.
Un laboratoire éphémère va être installé à La Rinconada
Patrick Lévy est médecin de formation et président de l'Université et de la Fondation Grenoble Alpes. Il soutient bien sûr le projet : "Nous ne savons pas ce que l'on va découvrir. Probablement qu'il y a eu, au fil des générations, des adaptations génétiques ou épigénétiques. À terme, cela permettra aussi d'adapter le traitement des malades, dans nos hôpitaux, qui souffrent d'insuffisance respiratoire, de pathologies pulmonaires, d'apnée du sommeil, de bronchites."

Lionel Daudet, le célèbre alpiniste, a accepté d’être l'ambassadeur de l'expédition 5300 : "C'est une aventure scientifique mais aussi solidaire et humanitaire. J'y retrouve mes valeurs et mon éthique de montagnard. Je ne vais pas me rendre à La Rinconada, mais je connais Les Andes. J'avais déjà été surpris d'y rencontrer des gens qui travaillent et vivent à de telles altitudes. Ils n'ont pas le choix, c'est pour gagner leur pain. Nous qui sommes privilégiés, nous devons leur apporter notre aide. C'est cela qui me plait dans ce projet, la réciprocité."
Un bidonville à 5.300 mètres d'altitude où règnent insalubrité et insécurité
Plus qu'une ville, La Rinconada est avant tout un énorme bidonville, qui a poussé comme un champignon, ces dernières décennies, à 5.300 mètres d'altitude, sans eau courante, sans égouts, ni collecte des déchets, sans hôpital. Les mineurs ne reçoivent comme salaire que l'or qu'ils découvrent le dernier jour du mois et qu'ils purifient eux-mêmes chez eux avec du mercure. "Nous savons qu'il y a des problèmes d'insécurité dans cette ville, mais il ne faut pas noircir le tableau. Nous allons vivre comme les habitants, dans des conditions très précaires. Mais nous sommes prêts", conclut Samuel Vergès.

Le coût de l’expédition est de 300 mille euros. Il manque encore 170 mille euros pour boucler le budget mais la mission partira bien le 28 janvier prochain. "Nous lançons un appel aux mécènes et aux donateurs !" explique Nathalie Martino, directrice générale adjointe de la Fondation de l'UGA. On pourra suivre l'aventure de la mission grenobloise sur les réseaux sociaux jusqu'au 3 mars, date de son retour.