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Une anthropologue de Tours part en Antarctique pour une étude scientifique de trois mois

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Professeur d'anthropologie à l'université de Tours et membre du CNRS, Isabelle Bianquis part en Antarctique ce 26 octobre pour une mission de trois mois durant laquelle elle va étudier la façon dont la vie sociale s'organise dans une base scientifique isolée.

Le Professeur Bianquis, anthropologue à l'université de Tours, a notamment réalisé des missions en Mongolie et en Sibérie. Le Professeur Bianquis, anthropologue à l'université de Tours, a notamment réalisé des missions en Mongolie et en Sibérie.
Le Professeur Bianquis, anthropologue à l'université de Tours, a notamment réalisé des missions en Mongolie et en Sibérie. - ©Bianquis

France Bleu Touraine : Dites-nous d'abord combien de temps allez-vous mettre pour aller de Tours jusqu'en terre Adélie ?

Isabelle Bianquis : Je vais mettre un moment (rires). J'arriverai en terre Adélie le 19 novembre. Je vais d'abord aller en Australie. Je pars ensuite en Tasmanie où je vais être confinée durant deux semaines. Ensuite, je prends le bateau et là, j'ai huit jours de navigation jusqu'à la base scientifique. En fait, la mission va durer exactement deux mois sur place, plus les temps de bateau, puisque les huit jours de bateau à l'aller et au retour sont aussi pour moi des moments d'observation et de travail.

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Qu'est-ce-que vous allez faire, concrètement ?

Ce qui m'intéresse, c'est d'aller étudier comment des personnes qui n'ont pas d'histoire commune, qui viennent d'horizons différents, de régions différentes, se retrouvent durant des mois dans une base scientifique très isolée où il n'y avait pas de village, pas d'autochtone, rien du tout. Il n'y a qu'une base scientifique au milieu de la neige, avec des manchots. Comment tous ces gens qui vont vivre ensemble pendant des mois vont faire société, c'est-à-dire comment les relations sociales vont-elle s'organiser ? Quel type de hiérarchie ? Comment on occupe son temps ? Ses loisirs ? Comment on fabrique une société avec ses codes, ses rituels, pendant un temps donné, sachant que je vais observer aussi ce qui se passera au retour ? Est ce que ce type de société perdure après ou pas ? 

A quoi sert ce genre d'étude ?

Nous, les anthropologues, on a l'habitude de travailler sur des populations déjà constituées, qui ont une histoire commune, des rituels communs, des rapports déjà très structurés. On est en train de vivre dans un monde où ce type de rapports se modifie. On le voit déjà maintenant avec des déplacements de population. On le voit aussi avec le travail des gens qui sont séparés, qui vont travailler loin de chez eux, etc. Il me semble que dans le futur, on aura de plus en plus des sociétés qui vont se former, peut-être de manière temporaire, pour ensuite disparaître, se reformer ailleurs, etc. C'est un peu pour moi une sorte d'anthropologie du futur. Ce sont des sociétés très fluides, je dirais. Elles se construisent, elles vivent un moment. Et puis elles se délitent. Et puis elles se reconstruisent ailleurs. C'est ça qui m'intéresse. 

C'est aussi un travail qui pourrait servir pour l'organisation de vols spatiaux de longue durée ?

Tout à fait. C'est exactement ce qu'on va observer si un jour on colonise d'autres planètes. Des gens qui n'ont pas forcément de référent commun vont se retrouver pendant des mois ensemble à vivre et à inventer une forme de société.

Le groupe que vous allez étudier se compose de combien de personnes ? 

En général, il y a une soixantaine de personnes sur cette base française. Parfois, il peut y en avoir plus parce qu'il y a des rotations de bateaux tous les mois. Il peut y avoir par moment jusqu'à 100 personnes. 

Est-ce-que vous allez vous mêler au groupe ou est-ce qu'en tant qu'anthropologue, devrez-vous rester observatrice et donc un peu à l'écart ?

Non, en tant qu'anthropologue, on est précisément à la fois dedans et dehors. On fait de l'observation, mais en prenant part aux activités. 

Vous allez vivre dans des conditions particulières, peut-être même difficiles, pendant les trois mois qui viennent. Vous êtes-vous préparée spécialement ?

Non. Je suis toujours prête à faire des expériences. J'ai travaillé très longtemps en Mongolie, dans des régions de steppes avec des populations nomades. J'ai travaillé longtemps aussi en Sibérie, donc j'ai l'habitude des conditions de vie difficiles. On va donc dire que je suis prête, oui.

Y a-t-il toujours des hiérarchies qui apparaissent, même dans des micro-sociétés comme celle-ci ?

Oh certainement. Il y a deux discours. Il y a le discours qu'on m'a beaucoup tenu dans les entretiens préparatoires. Je me suis préparée, évidemment, en ayant des entretiens avec des gens qui ont déjà été sur des bases, en lisant évidemment beaucoup de comptes-rendus d'expéditions. On voit que les gens qui ont déjà été dans ces bases ont souvent tendance à mettre en avant l'aspect solidaire du groupe. On est dans des conditions difficiles. Il faut se tenir les coudes. Les gens sont très solidaires, etc. Mais j'ai aussi d'autres discours qui battent en brèche ce premier en expliquant qu'il y a des hiérarchies. Il y a des gens qui ont par exemple des meilleures conditions de logement que d'autres, un meilleur accès à Internet que d'autres. J'ai des discours contrastés sur la hiérarchie donc ça m'intéresse de voir ça sur place. Je suis tout à fait emballée à l'idée de faire cette expérience parce que c'est assez rare que des chercheurs en sciences humaines puissent être engagés dans ce type d'aventure.

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