70 ans d'Emmaüs : le sort des compagnons "migrants" inquiète la communauté de Cherbourg
A l'occasion des 70 ans d'Emmaüs, un forum consacré à la situation des migrants qui ont rejoint les compagnons avait lieu ce samedi sur le site Emmaüs de Querqueville, à Cherbourg-en-Cotentin.

Le lieu est très couru en ce samedi 23 novembre. C'est le jour que les responsables de la communauté Emmaüs de l'agglomération cherbourgeoise ont choisi pour organiser leur traditionnelle vente d'hiver. Les acheteurs potentiels se fraient un chemin entre les meubles, les bibelots et les vêtements d'occasion, sous l'oeil des compagnons près à les renseigner. Et parmi eux, une dizaine de migrants pour certains en règle avec l'administration, pour d'autres, sans titre de séjour en France.
"Nous sommes fiers de les accueillir", assume Muriel Hamard co-responsable de la communauté Emmaüs du Cotentin. _"_Nos statuts déposés en préfecture nous permettent de pratiquer l'accueil inconditionnel quelque soit la situation administrative du compagnon qui nous rejoint. Mais depuis quelques mois, on constate que la Police aux frontières rentre dans l'enceinte des communautés pour arrêter des compagnons et les renvoyer à la frontière", se désole la responsable.
Les compagnons en situation irrégulière ont peur
A Cherbourg, il n'y a pas eu d'arrestation de la sorte même si la Police aux frontières est déjà venue dans ce but d'après Muriel Hamard. "Ils cherchaient une femme qui était chez nous mais elle avait quitté la communauté quelques temps avant, sentant le vent tourner. Cette nouvelle menace déstabilise nos communautés!", regrette la responsable. Un peu plus loin, un compagnon d'origine sénégalaise répond aux questions de clients intéressés pas une armoire. Lui dispose désormais de papiers. Il est en règle sur le sol français, mais c'est le résultat de longues années de démarches, et il comprend la peur de ses collègues en situation irrégulière aujourd'hui. "Avant, sans papier, on se sentait en sécurité au sein de la communauté. C'était comme une ambassade. Aujourd'hui, la police peut entrer et emmener un compagnon. C'est dur à vivre".
Même Emmaüs n'est plus un havre de paix pour les migrants...
Pour l'association Itinérance qui accompagne les migrants cherbourgeois dans leurs démarches, "c'est le résultat d'un durcissement généralisé de la politique d'accueil des migrants dans notre pays. _Même Emmaüs n'est plus le havre de paix qu'avait souhaité l'abbé Pierre_", regrette Jean Dussine, le président de l'association.
Muriel Hamard rappelle de son côté que durant longtemps, le fait pour un compagnon d'avoir travaillé plusieurs années au sein d'une communauté Emmaüs favorisait l'obtention de papiers. "On sent que cela pourrait être remis en question", indique-t-elle. C'est pour alerter sur cette situation, mal vécue par toute la communauté Emmaüs, qu'à l'occasion du 70e anniversaire de l'organisation et de la vente d'hiver, les compagnons eux même, ont souhaité mettre sur pied un "forum des migrants" durant toute la journée.