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Côte-d'Or : à Saulieu, ce prêtre démissionne à cause de la surcharge de travail et du célibat

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Depuis septembre 2020, Franck Molard est prêtre en Côte-d’Or, à Saulieu. Ce 1er novembre, il doit renoncer à sa fonction. Un surcroît de travail dans un territoire sans cesse plus grand a des conséquences sur sa santé. Il est aussi en désaccord avec certains principes prônés par l'Église.

Le père Franck Molard exerçait depuis 1 an dans la paroisse de Saulieu Le père Franck Molard exerçait depuis 1 an dans la paroisse de Saulieu
Le père Franck Molard exerçait depuis 1 an dans la paroisse de Saulieu © Radio France - Document remis

"L’église est ma mère, elle a fait de moi ce que je suis et elle m’a épanoui", clame Franck. Aujourd’hui pourtant, l'homme d'Église a dû faire un choix difficile. En tant que curé de Saulieu (Côte-d’Or), il a la charge de célébrer les messes, les baptêmes ou encore les mariages et surtout les enterrements. C’est ce que l’on appelle la charge curiale. Mais pour lui, impossible de travailler comme il l’entend : le territoire est trop étendu. La qualité de ses célébrations et sa santé en pâtissent. Il a dû renoncer à ses fonctions et donc revenir "à l’état laïc", à contrecœur. 

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Je cours partout. Je veux vraiment être au plus proche des fidèles, mais je faisais des tâches administratives. Ça ne pouvait donc pas durer, pas pour moi en tout cas.

Une déception progressive

Avant d’arriver à Saulieu en septembre 2020, Franck Molard était à la tête de la paroisse de Saint-Seine-l’Abbaye (Côte-d’Or). Jusque-là, pas de problème. "J’étais très heureux et j’avais des paroissiens extraordinaires", se rappelle l’homme d’Église. C’est par la suite que les problèmes surviennent. En tant que curé à Saulieu (Côte-d’Or), il a la charge d’une paroisse deux fois plus grande que celle où il était auparavant : "8.000 habitants, sur 80.000 hectares aux frontières du Morvan, du côté de la Saône-et-Loire, de la Nièvre et de l’Yonne et en plus 40 à 45 clochers qui sont étendus sur énormément de territoires". 

Cette nouvelle géographie l’oblige à se rendre de plus en plus loin. Ce qui est à l’opposé de la vision des charges religieuses que voudrait Franck : "Je souhaitais prendre ma caravane pour me rendre dans les villages, puis faire la cure ambulante. Le Covid ne me l’a pas permis. J’aurais voulu mettre cette perspective en pratique ici, donc faire du porte-à-porte et me présenter sans faire de prosélytisme. C’est plus agréable de les voir de leur vivant et de faire connaissance simplement, plutôt que de les voir entre quatre planches, à un enterrement"

Ces déplacements incessants le découragent, car il ne peut se rendre au plus près des fidèles. "Je cours partout. Je veux vraiment être au plus proche des fidèles, mais je faisais des tâches administratives. Ça ne pouvait donc pas durer, pas pour moi en tout cas. Ce n’est pas mon rôle. En tant que prêtre, je suis là pour voir les gens et annoncer l’Évangile aux plus éloignés", explique-t-il.

Cela me cause un diabète dû au stress et il m’est impossible de dormir.

En parallèle, la santé de Franck en pâtit, tant sur le plan physique comme psychologique : "Cela me cause un diabète dû au stress et il m’est impossible de dormir. Ça me tape sur le système et ça me rend très désagréable. D’autres confrères s’estiment en mesure de pouvoir tenir, et j’en suis édifié"

Le prêtre mentionne aussi la question du célibat. "Le célibat, ça n’est pas pour ça que je m’en vais même si ça me coûte terriblement. Même si je me dis qu’il y a un certain nombre de disciplines de l’église, comme la manière dont on traite les divorcés-remariés ou d’autres manières de vivre, qui font que certains chrétiens se sentent jugés et condamnés. Ce n’est pas ce que demande l’Évangile il me semble, mais plutôt de les accueillir tels qu’ils sont en leur demandant de tendre vers un idéal même s’il n’est pas toujours atteint, mais de toujours pouvoir y tendre", se justifie-t-il. Pour autant, il tient à préciser que ce n’est pas la raison principale faisant qu’il renonce à ses fonctions.

Incompréhension et soutien

Dans la commune, la décision du curé fait réagir. En ce samedi de marché, il y a François, 60 ans. Cet habitant de Saulieu ne connaît pas personnellement le prêtre, mais il a eu l’occasion d’assister à ses célébrations. Il comprend la décision que prend Franck Molard. "Avant les prêtres étaient deux à trois par paroisse, et ils se retrouvent maintenant un peu abandonnés. Ils n’ont pas besoin de faire des kilomètres pour faire leurs une missions. Il faut qu’ils puissent rencontrer leurs paroissiens, faire leurs liturgies et pour ça, ils sont tout seuls. Ce qui est arrivé à Franck Molard, c’est dommage car je pense que c’est un garçon qui est bien, qui remplissait complètement son sacerdoce et ses tâches et ses missions", explique François. 

Même son de cloche pour Estelle, qui gère un gite à Saulieu. Cette femme ne va plus à la messe depuis des années, mais la décision du père Molard la touche. "C’est incroyable, mais il faut peut-être passer par là pour que les gens comprennent qu’on ne peut pas demander l’impossible aux gens. Il est dans l’humain, ce n’est pas un travail à la chaîne qu’on lui demande. Je comprends qu’il démissionne, s’il a à cœur de faire son métier avec professionnalisme", dit cette habitante.

L’ancien curé de Saulieu soulève le fait que certaines disciplines de l’église peuvent être améliorées. Certains habitants le rejoignent sur ce point, comme Michèle : "Il n’y a pas de raison que les prêtres n’aient pas une vie de famille avec des enfants. Je comprends que ce soit très difficile pour lui".  

Même si ces habitants le regrettent, la décision de Franck ne change pas : il doit célébrer sa dernière messe le 31 octobre. Après, il ira s'installer du côté de Corbigny (Nièvre) et commencera à travailler à son propre compte, dans le domaine du bâtiment. 

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