Deux ans après l'assaut antiterroriste de Saint-Denis, des habitants de l'immeuble sont à la rue
Il y a deux ans, ils étaient réveillés par les tirs des forces spéciales, venus déloger les terroristes du 13 novembre. Depuis quelques semaines, cinq anciens habitants ont été priés de quitter l'hôtel où ils étaient hébergés.

Il y a deux ans, le 18 novembre 2015, les habitants de l'immeuble situé au 48 rue de la République, à l'angle de la rue du Corbillon, à Saint-Denis étaient réveillés par les tirs des forces spéciales venues déloger l'un des principaux terroristes du 13 novembre. Deux ans après, les habitants sinistrés se réunissent ce samedi à 11h devant leur ancien immeuble, à l'appel de "l'association des victimes du 48 rue de la république" et de l'association DAL (Droit Au Logement).
"Je dors dans une voiture"
Sur 47 familles (soit 86 personnes), 27 ont été durablement relogées. Pour les autres, la situation est encore précaire. Cinq personnes ont même été remises à la rue, il y a quelques semaines. "Je dors dans une voiture" raconte Norredine Borgane, marocain d'une trentaine d'années : "cela fait quinze jours maintenant, il fait froid, je demande juste un logement pour dormir".
Laid Messaoudi, 62 ans, dort aussi dans une voiture, depuis des semaines. "Je n'ai pas de papiers et c'est très difficile, il y a le froid, le froid, le froid" lâche-t-il. Selon l'association DAL, la préfète à l'égalité des chances avait promis de régulariser cet algérien de 62 ans, mais sa prise en charge en hébergement d'urgence a pris fin.
"Monsieur a reçu un courrier qui lui explique qu'il n'a pas fait toutes les démarches d'insertion alors on le remet à la rue" dénonce Marie Huiban du DAL : "à 62 ans on lui reproche de ne pas avoir cherché de travail, alors que l'hébergement est inconditionnel". La mairie et la préfecture indiquent que les cinq personnes dont la prise en charge a pris fin n'ont pas respecté leurs engagements : "absence de contacts avec les services de la Ville ou de l’Etat, non présentation pendant plusieurs semaines à l’hôtel financé par l’Etat" explique la municipalité de Saint-Denis dans un communiqué.
Cinq anciens habitants ont été récemment remis à la rue. Rémi Brancato
Ce vendredi soir, la préfète à l'égalité des chances, Fadela Benrabia, indique que l'État va "avec la ville, réexaminer chacune des situations".
"Les habitants du 48 sont abandonnés à leur sort"
"Deux ans après, la situation ne fait que se dégrader" s'inquiète pour sa part N'goran Ahoua, le président de l'association des habitants du 48. "On a dépassé le sentiment d'abandon, c'est un fait on vit avec" dit-il. Les "sinistrés" dénoncent notamment une quasi absence de suivi psychologique. "Les habitants du 48 sont abandonnés à leur sort" abonde Lassina Tagara Traoré, qui a du changer d'hôtel récemment, quitter le centre ville de Saint-Denis pour un autre établissement à l'Île-Saint-Denis, qu'il décrit comme insalubre. "Il y a des souris : on est obligé d'attacher nos poubelles et de les accrocher à la porte" dénonce-t-il.
"La situation ne fait que se dégrader" dénonce N'Goran Ahoua
Après un rassemblement jeudi dans des locaux du ministère de la Justice à Aubervilliers, les habitants ont obtenu rendez-vous ce vendredi avec la déléguée interministérielle à l'aide aux victimes au ministère, place Vendôme à Paris, pour évoquer notamment le sort des cinq personnes à la rue. Dans son communiqué, la ville de Saint-Denis demande "à l’Etat de tenir ses engagements en relogeant de façon digne et adaptée toutes les familles". Selon le DAL, 16 ménages, dont 13 célibataires et 3 familles, sont toujours hébergés à l'hôtel ou en résidence d'urgence.
"Deux ans après, seulement la moitié des personnes sont relogées" dénonce Marie Huiban du DAL
Ce vendredi soir, la préfète à l'égalité des chances de Seine-Saint-Denis indique aussi que, selon le ministère de la Justice les "indemnisations pour préjudice moral et matériel ont été versées" aux habitants et que "les expertises psychiatrie ont toutes été réalisées".