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En 2020, l'Ehpad de Sillingy face à la Covid-19 et ses conséquences dramatiques

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Ils ont fait l’actualité dans les Pays de Savoie. En mars 2020, Eric Lacoudre a été l’un des premiers directeur d’Ehpad a tiré la sonnette d’alarme sur l’impact désastreux du coronavirus dans les maisons de retraite. Dans son établissement de Sillingy, 19 personnes sont décédées. Entretien.

Eric Lacoudre, directeur de l'Ehpad de Sillingy (Haute-Savoie). Eric Lacoudre, directeur de l'Ehpad de Sillingy (Haute-Savoie).
Eric Lacoudre, directeur de l'Ehpad de Sillingy (Haute-Savoie). © Radio France - Richard Vivion

France Bleu Pays de Savoie - Eric Lacoudre, vous êtes le directeur de l’Ehpad de Sillingy. Dès les premiers jours de mars, plusieurs résidents de votre établissement ont été touchés par la Covid-19. Immédiatement, vous avez tenu a alerter les pouvoirs publics sur la gravité de la situation. Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?      

Eric Lacoudre - Nous avons effectivement été les premiers à tirer la sonnette d’alarme. Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord parce nous avons été les tout premiers en France à être confrontés au coronavirus. Je vous rappelle que, malheureusement, le cluster de La Balme-de-Sillingy avec le patient 14 (quatorzième personne touchée par le virus en France) a entraîné une propagation très rapide aux alentours et dans notre structure. Ensuite, comme nous sommes une association, nous avons une liberté d’expression et de parole que nous avons utilisé à bon escient. Comme nous étions les premiers confrontés à la Covid-19, nous avons pu réfléchir avant tout le monde et avec l’aide de nombreuses personnes aux différentes problématiques. Nous avons fait le choix d’essayer d’alerter rapidement et de diffuser des informations ainsi que les difficultés de ce début de crise.

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Que se passe-t-il à ce moment-là, quand avec votre équipe vous réalisez que la situation va être grave ?  

Cela a été progressif et très compliqué. Au départ, c’est l’inconnu complet. On se dit, comme tout le monde, que c’est peut-être comme une grippe. Et puis, on se rend compte que cela va beaucoup plus vite, que c’est beaucoup plus grave, que ça fait beaucoup plus de dégâts et que cela tue beaucoup plus vite les gens. Là, on plonge dans l’inconnu complet. Alors on essaie de dialoguer, utiliser des ressources externes, d’accompagner nos résidents, de former notre personnel et de réfléchir ensemble. Il n’y a pas de chemin bon ou mauvais. Il y a celui qu’on décide d’emprunter, tous ensemble. En réfléchissant et en tentant de trouver des solutions. C’est ce que nous avons fait. On a passé cette crise… en essayant de la gérer du mieux que l’on pouvait. 

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L’Ehpad de Sillingy a payé un lourd tribut… 

Oui, nous avons malheureusement perdu dix-neuf résidents. Ces décès sont directement liés à la Covid-19, ils ne sont pas de notre fait. Pour les équipes, c’était très, très, très dur humainement. Ajouter à cela l’épuisement, c’était vraiment une période particulièrement difficile. 

Qu’est-ce qui a été le plus dur à vivre ? 

Ne pas pouvoir aider les gens, c’est ce qui est le plus compliqué. En Ehpad, nous avons l’habitude de travailler sur l’accompagnement de la fin vie. C’est notre métier, on accompagne la personne dignement sur sa fin de vie. Et là brutalement, tous nos repères ont disparu. Cela pouvait se passer très vite, la personne pouvait partir en 12 ou 24 heures dans des conditions très douloureuses. Et d’un seul coup, nous ne pouvions plus l’accompagner. On ne pouvait plus l’aider. La famille ne pouvait pas toujours être présente. Tout cela a rendu notre métier extrêmement douloureux. 

"Un combat de longue haleine"

Aujourd’hui, avec le recul, avez-vous le sentiment que les Ehpad sont prêts à affronter le coronavirus ? 

C’est une très bonne question. Pour moi la réponse est : non, aujourd’hui, nous ne sommes toujours pas préparés. Alors oui beaucoup de choses ont été faites, il y a eu du positif comme une prise de conscience forte de la situation des Ehpad qui, je pense, ont été les grandes oubliés de la première vague. Depuis, le gouvernement nous a aidé nous en sortir financièrement. Il a aussi cette revalorisation salariale au 1er janvier pour l’ensemble du personnel des Ehpad. Aujourd’hui, on a le gel, les tests PCR etc… Et pourtant, tout cela n’empêche pas les clusters dans les Ehpad. Aujourd’hui, il y a encore quinze établissements de la région annécienne qui, malgré la formation et la connaissance, sont encore en phase épidémique. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. Ce virus, on ne le connaît pas encore. 

Reste-t-il une énigme ? 

Oui, on ne sait pas pourquoi il rentre dans un Ehpad et pas dans un autre. Pourquoi, il peut faire très peu de dégâts dans un établissement et vingt morts dans un autre. Là, on parle du vaccin…  c’est une piste mais nous avons des résidents qui ont été touchés lors de la première vague. Ils ont été immunisés puisque le test sérologique est positif et pourtant, ils ont été à nouveau touchés lors de la deuxième vague. Je préfère rester très prudent. Pour nous malheureusement, il faut se préparer à un combat de longue haleine. 

  • Pour l'Ehpad Le Bosquet de la Mandallaz à Sillingy, l'année 2020 aura également été marqué par un important incendie . Une partie de l'établissement a été détruit dans la nuit du 9 au 10 août. Tous les résidents ont été relogés dans d'autres structures. 
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