"On n'est pas des pestiférés" : à Saran, le cri du cœur d'une ex-malade du Covid-19 que ses voisins évitent
Elisabeth, 80 ans, a guéri du coronavirus après deux mois d'hospitalisation à Orléans, dont six jours en réanimation. Rentrée chez elle à Saran (Loiret), elle souffre aujourd'hui du regard des autres : certains voisins ne lui adressent plus la parole. Témoignage.
La guérison pour les anciens malades du coronavirus est parfois longue. Mais sur ce chemin de croix, les séquelles ne sont pas que physiques : elles peuvent aussi être psychologiques. Surtout quand il faut affronter le regard des autres, et que certains ne vous adressent plus la parole, mus par une peur irrationnelle... C'est l'amère expérience vécue par un couple d'octogénaires habitant Saran, et que France Bleu Orléans a rencontrés, en préservant leur anonymat (les prénoms ont été changés).
J'ai fait coucou à ma voisine, elle est rentrée précipitamment chez elle"
Agée de 80 ans, Elisabeth a été atteinte par le coronavirus et a passé 2 mois à l'hôpital d'Orléans dont 6 jours en réanimation. Elle n'est rentrée chez elle à Saran que le 11 mai dernier, guérie mais avec quelques séquelles. "Il y a des moments où ça va bien, et d'autres où ça va moins bien, explique-t-elle. J'ai encore du mal à monter les marches, je me force parfois à manger parce que je manque d'appétit. Et puis parfois, j'ai l'impression de manquer d'air, je suis essoufflée. C'est alors un cercle vicieux : je ne dors pas, ça me remet dans ce que j'ai vécu. J'ai peur de ne pas m'en sortir."
Et à cette peur s'ajoute le regard des autres, celui de certains voisins ou voisines - et ça c'est insupportable dit-elle : "En 8 jours, je ne suis pas beaucoup sortie, mais tout de même, quand vous dites "coucou" à une voisine et que celle-ci rentre précipitamment chez elle, ça fait mal. Le comportement des autres vis-à-vis des malades, c'est un vrai problème. Le médecin m'a pourtant assuré que j'étais immunisée et que je n'étais plus contagieuse, mais ça n'empêche pas les gens d'avoir peur et de s'écarter quand ils me voient." On est bien ici dans une crainte irrationnelle puisqu'aucun cas de contamination lié à un patient guéri du coronavirus n'a été recensé selon les autorités sanitaires.
On en arrive à taire la maladie pour être tranquille"
Cette sorte d'ostracisme agace aussi son époux, Roger, 81 ans, et qui lui n'a pas été atteint par le Covid-19. "Les gens ont tendance à s'éloigner, regrette-t-il, on n'est pourtant pas des pestiférés ! On en arrive à ne plus dire que ma femme a eu la maladie, comme ça on est tranquille, mais c'est un peu dommage d'en arriver là."
Pour écouter ce témoignage, c'est ici :
Montrée du doigt après avoir été malade du Covid-19 : le reportage à Saran de France Bleu Orléans