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TÉMOIGNAGE - À l'hôpital de Sarreguemines, les séquelles psychologiques des soignants après la crise sanitaire
L'hôpital Robert Pax de Sarreguemines a été l'un des plus durement touchés par l'afflux de patients atteints du coronavirus en Moselle. Avec l'accalmie, les soignants relâchent la pression. Et commencent à voir l'étendue des séquelles psychologiques qu'a laissé l'épidémie dans leurs rangs.

Nathalie* n'arrive pas à retenir ses larmes quand elle en parle. Les cauchemars, les insomnies, Mais surtout des images, entêtantes : "Tout au début, je revoyais les visages des patients. Vraiment, la réalité, les corps déformés. Et c'était compliqué de fermer les yeux, parce qu'à chaque fois, je revoyais ces corps". Infirmière, mobilisée pendant des mois pour soigner les malades du coronavirus, elle le dit : "La vie n'est plus comme avant, on n'est plus les mêmes".
"Des morts plusieurs fois par jour, on n'est pas préparés"
L'hôpital Robert Pax de Sarreguemines a été l'un des premiers et l'un des plus durement touchés par l'épidémie de coronavirus au printemps de cette année. Un petit hôpital, pas un grand CHR ou un CHU. 250 lits, et pas les mieux équipés au départ. Au plus fort de la crise, 171 ont été occupés par des patients atteints du coronavirus. L'épidémie y a fait plus d'une centaine de morts.
Tout au début, je revoyais les visages des patients. Vraiment, la réalité, les corps déformés. Et c'était compliqué de fermer les yeux, parce qu'à chaque fois, je revoyais ces corps
Pour les soignants, "c'était tous les jours. Plusieurs fois par jour, des morts. On n'y est pas formés, on n'est pas préparés, surtout ici", explique Nathalie : "Normalement, on voit l'état des patients se détériorer. Là, ils arrivaient relativement bien, on revenait deux heures après, ils étaient morts". Pas de famille autorisée, "ils mouraient seuls".
La cellule psy a fermé, "c'est maintenant que j'en ai besoin"
Pas de place disponible à la morgue, les croquemorts qui font la queue tellement il y a de corps à évacuer : "C'est inhumain, ce qui s'est passé. C'est inhumain. Et ce n'est pas notre job, ça", dit simplement la soignante. Plusieurs de ses collègues, dit-elle, aides-soignantes ou infirmières, ont pris la décision d'arrêter le métier quand elles le pourront financièrement, suite à ce qu'elles ont dû faire pendant la crise sanitaire : "de l'abattage de soins".
J'étais prise dans une espèce de marche en avant, je me disais 'faut y aller', je ne peux pas craquer parce que les patients ont besoin de moi
L'hôpital a ouvert une cellule psychologique pour ses agents pendant la crise. Mais Nathalie n'y est pas allée, "parce que j'étais prise dans une espèce de marche en avant, je me disais 'faut y aller', je ne peux pas craquer parce que les patients ont besoin de moi. Ce n'est que quand l'activité a repris son cours normal, après que toute l'adrénaline est retombée, en fait c'est maintenant que j'en ai besoin", explique-t-elle. "Et la cellule psychologique a fermé. Je fais appel à un psy, mais à côté, en dehors de l'hôpital".
La deuxième vague ? "Je ne veux plus y aller"
Nathalie voudrait, dit-elle, redevenir la "soignante enjouée" qu'elle était. Ce qu'elle redoute, c'est une seconde vague de l'épidémie. "La première, on y est allés, pas la fleur au fusil, mais avec le sentiment qu'on devait y aller, sans savoir à quoi s'attendre. Aujourd'hui, on ne veut plus y aller. Moi je ne veux plus y aller", assure-t-elle.
La première [vague], on y est allés, pas la fleur au fusil, mais avec le sentiment qu'on devait y aller, sans savoir à quoi s'attendre. Aujourd'hui, on ne veut plus y aller
"C'est l'été, avec le soleil, et cette ambiance estivale, on arrive encore à tenir", dit l'infirmière. Mais elle craint qu'avec l'automne et les jours qui raccourcissent, la déprime arrive, et que les arrêts maladies se multiplient : "J'en suis persuadée, quand l'automne va arriver, on va tomber comme des mouches. Et là, on va avoir un gros problème d'effectifs".
*Prénom d'emprunt.
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